Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Juve 'etait donc parti pour Saint-Calais. Il 'etait arriv'e `a la gare de la petite ville, par l’express du matin. Ce n’'etait pas le policier Juve qui avait d'ebarqu'e, mais un ouvrier endimanch'e.
Une fois en pr'esence du marquis de Tergall, Juve lui avait d'eclar'e :
— Permettez-moi de faire une enqu^ete chez vous, autour de vous, et ne vous 'etonnez de rien. Je passerai pour un ouvrier 'electricien, qui vient 'etudier l’installation de la lumi`ere 'electrique dans votre ch^ateau.
Le marquis de Tergall, ainsi que tout le monde, connaissait Juve de r'eputation, aussi s’'etait-il empress'e de souscrire au d'esir de l’'eminent policier.
`A pr'esent, le policier, d'emocratiquement install'e dans la cuisine, faisait honneur au repas, avec un app'etit que sa promenade `a pied avait rendu redoutable. En quelques instants, le faux 'electricien s’'etait assur'e la sympathie de tout le personnel de l’office. Il avait eu le mot pour rire avec Baptiste, le compliment qui touche pour la cuisini`ere, et le propos galant `a l’adresse de Rosa, la femme de chambre.
— Alors, demanda Baptiste, une fois le caf'e aval'e, nous allons balader dans le jardin ?
— Ma foi, r'epliqua Juve, ca n’est pas de refus. Un cigare ?
— Merci bien, monsieur Doublon, dit Baptiste en acceptant le londr`es.
— Pourquoi m’appelez-vous M. Doublon ?
— Ce n’est pas votre nom ? Je l’ai lu sur l’enveloppe que j’ai remise au marquis de Tergall,
— Nullement, fit Juve, Doublon c’est mon patron, Doublon et Cie, la grande maison d’Angers. Moi je ne suis que le contrema^itre, on m’appelle simplement Charlot. Faites donc comme tout le monde.
— Je n’y vois pas d’inconv'enient. Charlot, je vous remercie. Un peu de feu ?
Les deux hommes, ayant allum'e leurs cigares, quitt`erent la maison et se perdirent dans les all'ees du parc.
De temps `a autre, Juve, pour justifier du r^ole qu’il jouait, prenait des mesures, notait des chiffres sur son carnet.
De temps `a autre, il posait des questions indiscr`etes.
— Une bonne place, Baptiste ?
— Peuh, pas mauvaise. On est r'eguli`erement pay'e et il y a des pourboires au moment de la chasse.
— Le marquis recoit beaucoup de monde ?
— Cela d'epend, suivant la saison. En automne par exemple, ca ne d'esemplit pas d’invit'es.
— La grande vie, quoi, mais ca doit co^uter joliment cher. Le marquis est riche ?
— Surtout la marquise.
— D’ailleurs le patron m’a dit qu’on pouvait y aller largement pour l’installation 'electrique. C’est 'egal, le vol, ca doit faire un trou dans son budget.
— Oh vous savez, ces gens-l`a, ca se retourne toujours. L’eau comme on dit va `a la rivi`ere. Le marquis n’en est heureusement pas `a quelques centaines de mille francs pr`es.
— Heureux homme.
Mais Baptiste n’arr^etait plus :
— Vous avez pu vous rendre compte, n’est-ce pas Charlot, du train de maison que l’on m`ene ici. C’est cons'equent ? Eh bien, ca n’est pas tout, il y a autre chose. C’est pas pour le lui reprocher bien s^ur. Mais M. le marquis est coureur. D`es qu’il voit un jupon, cet homme-l`a, ca l’affole, et tenez, depuis six mois, il s’est entich'e d’une chanteuse, d’une actrice de Paris, install'ee au Mans et avec laquelle il doit faire danser les 'ecus de la marquise.
— Ah, fit Juve subitement int'eress'e, il y a une poule quelque part ?
— Au Mans. Elle chante `a l’ Alcazar.
— Une poule au Mans, dites donc, Baptiste, il vaudrait peut-^etre mieux dire, une poularde.
— Ah ah, vous ^etes rien farce vous, et vous vous y entendez pour blaguer comme un Parisien.
— Qu’est-ce qui vous dit que je ne le suis pas ? Voil`a trois ans que je travaille `a Angers, mais je suis tout de m^eme n'e sur la butte Montmartre.
— Ah par exemple, c’est joliment chic d’^etre Parisien. Moi qui aurais tellement d'esir'e servir `a Paris. Mais, au fait, poursuivit-il, vous avez une payse ici m^eme. Vous ne savez pas qui ?
— Ma foi non.
— Mais, Rosa, la femme de chambre.
Arriv'e au troisi`eme 'etage, le soi-disant 'electricien, sous pr'etexte de choisir un endroit pour y disposer des accumulateurs, voulut entrer dans une chambre.
Baptiste s’y opposa :
— Frappez donc d’abord, c’est la chambre de Rosa.
— Entrez.
Juve ouvrit brusquement, puis se r'epandit en excuses.
— Je vous demande bien pardon, mademoiselle, j’ignorais que vous 'etiez `a votre toilette.
Rosa en effet achevait de s’habiller, et de boucler une petite valise.
— Monsieur ne m’a pas d'erang'ee, au contraire, d’ailleurs, je lui laisse la place libre. Dans dix minutes, je prends le train pour Paris.
— J’ai cru comprendre que l’on vous conduisait en voiture `a la gare, mademoiselle. Voulez-vous me permettre de profiter du v'ehicule. Ca m’'evitera de faire la course `a pied.
— Avec plaisir, M. Charlot.
***
— Monsieur Charlot, vous n’^etes pas dans le bon train. Celui dans lequel vous vous trouvez, le mien, s’en va `a Paris, et non pas `a Angers.
— Je le sais, mademoiselle, cela m’est bien 'egal, je ne rentre pas `a Angers ce soir.
— O`u allez-vous ?
— Je vais `a Paris. Je vais d’ailleurs partout o`u vous irez.
— Eh bien monsieur Charlot, on peut dire que vous en ^etes un type. Alors comme ca, vous l^achez votre maison, vos affaires, votre famille si vous en avez, Angers et tout.