Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Nini, elle aussi, avait repris un visage mauvais. Certes, elle s’applaudissait d’avoir su jouer la com'edie, elle s’applaudissait d’avoir ainsi dup'e Francoise, mais elle se rendait compte qu’elle n’'etait pas pr`es de sortir d’embarras… Les pires dangers s’accumulaient, les menaces s’amassaient `a l’horizon. Et l’affreuse fille se disait en elle-m^eme :
— Si je veux me tirer de tout ce gu^epier, va falloir que je joue serr'e, va falloir que je fasse de la place.
Nini 'etait donc de m'echante humeur. Elle haussa les 'epaules :
— Je ne dis pas la messe dehors, fit-elle, si tu veux causer, rentrons.
Beaum^ome crut voir le ciel s’ouvrir devant lui.
— Tiens, s’'ecria-t-il, je ne demande pas mieux, moi, allons `a ta turne, Nini… on causera d’affaires, si besoin en est, et puis, apr`es, dame… Je pense bien que tu songeras `a donner, enfin, `a ton homme, des preuves de ta tendresse ? car c’est pas pour dire, mais…
Nini, en r'eponse, haussa encore les 'epaules, col`ere… puis elle se fit doucereuse :
— Beaum^ome, commenca-t-elle, je crois bien que je vais avoir un nouveau service `a te demander. Mais l`a, tu sais, ca sera le dernier, apr`es…
— Ouais, pensait Beaum^ome, j’parie qu’elle va encore me demander une petite ex'ecution ?…
***
Quelques jours apr`es, dans le salon de Francoise Lemercier, un tr`es modeste salon, une sorte de parloir, car la jeune femme n’'etait pas riche, des hommes graves discutaient.
Ils 'etaient trois d’^age `a peu pr`es analogue, la cinquantaine pass'ee et tous les trois, l’un apr`es l’autre, parlaient :
— Sympt^omes graves, disait un premier…
— Processus morbide, affirmait un deuxi`eme…
Le troisi`eme se contentait de toussoter, les mains ouvertes en signe de r'esignation…
Puis, les hommes graves se turent jusqu’`a ce que l’un d’eux se d'ecid^at `a d'eclarer :
— Il faut aviser.
Ils en seraient rest'es l`a, sans doute, si la porte ne s’'etait ouverte, brusquement, pour livrer passage `a Nini, qui, les yeux rouges, la figure gonfl'ee comme si elle venait d’avoir une v'eritable crise de larmes, les mains jointes, se pr'ecipita vers les trois hommes, interrogeant d’une voix haletante :
— Eh bien, docteurs ?
Le plus ^ag'e des trois se d'ecida `a r'epondre `a Nini :
— Mon Dieu, mademoiselle, il est certain que votre amie est malade… tr`es malade.
— Ah ! c’est horrible ! mais qu’a-t-elle ?…
— Le diagnostic est difficile `a pr'eciser, mademoiselle, tr`es difficile. Mes coll`egues sont, je crois, du m^eme avis que moi ?
Les deux autres m'edecins s’inclin`erent gravement.
— Et c’est pourquoi nous tardons `a vous donner le r'esultat de cette consultation, `a laquelle nous avons 'et'e appel'es sur l’avis de votre infirmi`ere, d’ailleurs fort bien inspir'ee…
Le m'edecin fit une pause, puis, se d'ecida `a reprendre :
— Nous voudrions tout d’abord savoir, mademoiselle comment cette indisposition s’est d'eclar'ee ?
Nini qui s’'etait arr^et'ee au milieu de la pi`ece et qui avait examin'e successivement la figure des trois m'edecins, comme si elle cherchait `a deviner leur pens'ee, r'epondit :
— Mais subitement, messieurs, subitement… Francoise allait tr`es bien il y a une semaine encore, et puis tout d’un coup elle s’est plainte de violentes douleurs `a l’estomac, de fourmillements dans les jambes, de maux de t^ete violents…
L’un des docteurs acheva :
— Et la fi`evre l’a prise ?
— Oui, monsieur, et la fi`evre l’a prise…
— C’est alors, mademoiselle, qu’effray'ee de voir votre amie souffrante, vous avez fait venir le m'edecin du quartier ?
— Oui docteur…
— Puis la malade a 'et'e moins bien, n’est-ce pas ?… Le d'elire s’est d'eclar'e, et votre propre m'edecin vous a conseill'e de prendre une infirmi`ere ?
— Oui, docteur…
— Laquelle infirmi`ere, effray'ee `a son tour de voir baisser le pouls de la malade a fait sa d'eclaration, cette bizarre d'eclaration que j’ai entre les mains – et le docteur agitait une feuille de papier – au poste de police qui nous a commis tous les trois pour examiner M meFrancoise Lemercier, rechercher l’exacte nature de son indisposition, d'ecider enfin quelle pouvait en ^etre la cause…
— C’est bien cela, messieurs, et vous ne trouvez rien ?
La voix de Nini s’'etait faite encore plus anxieuse.
'Evidemment, la jeune femme n’'etait pas dupe des paroles onctueuses du m'edecin. Elle se rendait parfaitement compte, que le c'el`ebre m'edecin que la police avait envoy'e parlait beaucoup pour ne rien dire, et noyait le poisson.
— Nous trouvons, mademoiselle, reprit enfin l’homme de science, des sympt^omes extraordinaires et contradictoires. Votre infirmi`ere, M lleKate, nous disait tout `a l’heure, conform'ement d’ailleurs `a ce qu’elle indiquait dans sa d'eclaration, qu’elle avait un instant suppos'e qu’il pouvait s’agir d’un empoisonnement… Apr`es examen de la malade, je dois vous dire qu’il semble, `a mes confr`eres, comme `a moi, que ce soit bien l`a le cas en effet. Mais d’autre part, nous ne comprenons pas d’o`u pourrait provenir cet empoisonnement, et, par cons'equent, comment nous pourrions y rem'edier.
Nini joignit les mains, encore une fois dans un geste affol'e :
— Ah ! c’est horrible ! c’est 'epouvantable s’'ecria-t-elle… nous sommes trop malheureuses. Francoise empoisonn'ee… non, je n’y puis croire. Cela ne peut pas ^etre. Et puis, qui donc aurait pu l’empoisonner ? Il faut donc que la fatalit'e s’acharne sur elle… c’est `a devenir folle.
— Calmez-vous, mademoiselle, calmez-vous. Rien n’est encore d'esesp'er'e. Je vous disais donc, que mes coll`egues et moi pensions `a un empoisonnement… Mais 'etant donn'e que votre amie est malade depuis plusieurs jours, une chose me surprend, c’est que cet empoisonnement ait encore des effets. S’il r'esultait d’aliments toxiques absorb'es il y a quelque temps, cet empoisonnement aurait eu son issue d'ej`a… Votre amie serait gu'erie ou…