Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Fant^omas revint vers son partenaire :
— Laissons cela, Juve, dit-il, en repoussant les cartes d’un geste brusque…
Le policeman ne cilla pas, il se contenta de prononcer un nom :
— Fant^omas !
— Appelez-moi Garrick, dit l’autre, c’est mon droit, en Angleterre. D’ailleurs, ici tout le monde me conna^it sous ce nom, il est inutile de m’en donner un autre…
Les yeux de Juve flamb`erent, puis s’'eteignirent.
— Soit, dit-il, continuons…
Mais Fant^omas s’efforcait d’^etre aimable :
— Juve, d'eclara-t-il, tous mes compliments. Ce n’est pas mal travaill'e du tout. Votre visite m’enchante. Et encore une fois, mes compliments…
Juve, que ce persiflage exasp'erait, ne pouvait plus tenir, il 'eclata :
— Que voulez-vous que je fasse de vos compliments ? Je ne sais qu’une chose, c’est que je vous tiens, et que vous ne m’'echapperez pas.
D’un regard mauvais, Fant^omas consid'era l’inspecteur de la S^uret'e.
Y avait-il, chez cet homme, du remords ou de la crainte ? Juve lui faisait-il peur ? ou Fant^omas m'editait-il encore quelque atroce machination pour s’'echapper des mains de son redoutable adversaire ? H'elas ! toute tentative brutale devait ^etre irr'ealisable, Juve, 'evidemment, se tenait sur ses gardes, et Garrick, condamn'e notable, personnage important, 'etait bien trop surveill'e, 'epi'e dans la prison, et en 'evidence pour qu’il p^ut songer un instant `a s’en 'evader par un coup de force.
Il l’avait reconnu lui-m^eme, la veille, en causant avec William Hope, les prisons anglaises sont de v'eritables tombeaux. Il est impossible de s’en 'echapper… De plus, Fant^omas 'etait perplexe. Que venait faire Juve ? Par suite de quelles hautes influences ou par suite de quelle adroite combinaison, avait-il pu p'en'etrer jusqu’`a la cellule de son ennemi irr'eductible ?
'Etait-il l`a en vertu d’un mandat ou par subterfuge ? Voil`a ce que Fant^omas aurait voulu savoir, et voil`a ce que Juve ne lui dirait certainement pas.
Le bandit, sentant les chances in'egales, se rendait compte qu’il fallait jouer de finesse, et, pour une fois, faire patte de velours.
— Je ne vous 'echapperai pas, r'ep'eta-t-il, c’est vrai, Juve, je suis `a votre merci… Garrick est prisonnier, Garrick est en cellule et le policeman charg'e de le surveiller, le policeman 416, n’est autre que l’inspecteur de la S^uret'e francaise, le c'el`ebre Juve, l’adversaire de Fant^omas. Qui croirait ca ?
— En effet.
Mais Fant^omas poursuivait :
— Il est curieux, n’est-il pas vrai, qu’un homme « comme vous », lorsqu’il se trouve en pr'esence d’un homme « comme moi » en soit r'eduit `a lui proposer une partie de cartes. Avec pour enjeu… mon Dieu, des haricots, sans doute.
Juve ne r'epondit pas.
« Certes, nous pr'ef'ererions l’un et l’autre, nous rencontrer face `a face les armes `a la main…, car vous devez r^ever, Juve, d’assouvir une terrible vengeance ?
— Je n’ai pas de vengeance `a assouvir. J’ai des devoirs `a remplir, j’ai `a faire triompher la justice, le bon droit, la v'erit'e. Je m’y emploierai par tous les moyens.
— J’en suis convaincu, interrompit Fant^omas, je sais d’ailleurs qu’il vous est formellement interdit de toucher un seul des cheveux de ma t^ete. Je suis prisonnier, vous ^etes mon gardien, vous ^etes responsable de ma personne…, vous l’oubliez, Juve ?…
— Je ne l’oublie pas…
— Il est d’usage que les gardiens ou les agents auxquels on confie l’honneur et la charge de distraire les condamn'es `a mort, jusqu’`a l’heure supr^eme de leur ex'ecution, se fassent un peu les camarades… je n’ose pas dire les amis… de ceux dont ils 'egaient les derniers moments… Voulez-vous que nous vivions en bonne intelligence ?
Ah ! ce Fant^omas ! il 'etait extraordinaire.
— Soit, dit Juve… Jouons donc cartes sur table… le policeman 416, c’est moi, Juve… le condamn'e Garrick, c’est Fant^omas… nous sommes bien d’accord ?
— H'elas ! Juve,. murmura-t-il, voil`a que vous insistez encore… vous savez bien qu’il est impossible que le docteur Garrick, ici pr'esent, que Garrick, incarn'e par moi, soit Fant^omas. Je vous en prie, Juve, ne soyez pas ent^et'e… qu’est-ce que Fant^omas ? un ^etre multiple compos'e de personnalit'es diverses… un ^etre sans personnalit'e pr'ecise, sans caract`ere d'etermin'e ?… Qui nous prouve que le Fant^omas d’hier sera le m^eme que le Fant^omas de demain ? et que le Fant^omas d’aujourd’hui n’est pas un autre Fant^omas ?… Ce sont l`a des choses myst'erieuses qui rendent toute pr'ecision impossible.
Furieux de voir que Fant^omas le traitait comme un gamin, Juve donna un grand coup de poing sur la table…
— Suffit, s’'ecria-t-il, je sais mieux que personne quelle est l’habilet'e de Fant^omas `a travestir son corps comme il d'eguise sa pens'ee. Je sais que, merveilleux acteur, il excelle `a affecter la silhouette des ^etres les plus diff'erents et, que de cette facult'e extraordinaire, il en a merveilleusement tir'e parti dans maintes circonstances… Mais il est une chose que Fant^omas ne saurait modifier, qui fera que toujours je le reconna^itrai, c’est son regard, ce sont ses yeux… je les reconna^itrais entre mille… et c’est pourquoi je ne crois pas en Garrick, pas plus que je n’ai cru `a tant d’autres personnages, sit^ot que je me suis rendu compte que ces autres personnages – comme d’ailleurs Garrick – avaient le regard de Fant^omas…
Machinalement le bandit baissa les yeux.
— Juve, supplia-t-il, laissez mon regard… ne vous en pr'eoccupez pas et tenez… 'ecoutez plut^ot ceci : Deux versions oppos'ees se sont accr'edit'ees `a mon sujet depuis que je v'eg`ete dans cette prison, et que j’y v'eg`ete innocent… La premi`ere, celle de la magistrature et du public, `a savoir que le personnage enferm'e dans cette cellule est purement et simplement le docteur Garrick, coupable d’avoir assassin'e sa femme pour s’enfuir avec sa ma^itresse, Francoise Lemercier… L’autre opinion, celle de la police, des d'etectives, membres du Conseil des Cinq, la voici : le docteur Garrick est le d'etective Tom Bob ; M meGarrick a disparu volontairement, par jalousie. Tom Bob, par suite, est innocent du meurtre inexistant de sa femme… Juve, croyez-moi, la version des d'etectives est la bonne… C’est Tom Bob qui est en prison. Tom Bob que vous avez connu, Tom Bob que vous retrouvez, victime d’une erreur judiciaire…