Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Il respira aussi largement, profond'ement, exp'erimentant comme `a plaisir l’appareil gr^ace auquel, s’il n’avait pas la colonne vert'ebrale bris'ee dans la chute, il esp'erait 'echapper `a la strangulation…
Fant^omas, pendant les poignantes secondes qui s’'ecoulaient avec une rapidit'e inconcevable, se sentait si vivant, si robuste, si plein de sant'e qu’il jugeait soudain impossible l’'eventualit'e de sa mort. D’ailleurs, n’avait-on pas tout pr'evu, tout combin'e pour le sauver ?
Mais soudain, sa derni`ere vision, la vue de Juve 'enigmatique, grave et solennel, revenait `a son esprit. Non, tout espoir 'etait perdu. Juve 'etait l`a, l’ayant roul'e, Juve 'etait venu pour le voir mourir.
Fant^omas cessa de penser…
Soudain, le sol c'eda sous ses pas…
Le condamn'e fut pr'ecipit'e dans le vide, cependant qu’un grand cri 'echappait aux l`evres du sh'erif qui, `a bout d’'emotion, venait de tomber 'evanoui au moment pr'ecis o`u le corps du supplici'e disparaissait dans la trappe.
29 – EST-IL MORT ?
Dans le salon du rez-de-chauss'ee d’une maison isol'ee, au milieu du quartier populeux de Waterloo, une jeune femme se tenait immobile, effray'ee.
Elle hurla soudain, rompant par un cri terrible le silence absolu et impressionnant qui r'egnait autour d’elle :
— Qu’allez-vous faire ? qu’allons-nous voir ?
Devant elle, dans la pi`ece `a peu pr`es vide, sans meubles, et dans laquelle on s’'etait content'e de dresser en h^ate un lit de fer, un lit de malade, se trouvait un homme. Celui-ci, accroupi sur le plancher, se livrait `a une besogne effroyable.
Il 'etait pench'e sur un cercueil et il d'evissait les vis du couvercle.
La malheureuse femme que peut-^etre on condamnait `a assister `a quelque horrible spectacle, apr`es s’^etre instinctivement approch'ee de la bi`ere, reculait 'epouvant'ee.
— Qu’allons-nous voir ?
Son interlocuteur r'epondit :
— Lui, madame, lui seul.
Et comme la malheureuse insistait :
— Qu’allons-nous faire ?
— Nous allons tenter l’impossible.
C’'etait une bi`ere humble et modeste, faite de six planches de sapin verni qui r'epandait autour d’elle une odeur prenante de cr'eosote.
Une derni`ere pes'ee, et le couvercle s’abattit sur le plancher, rebondissant par trois fois, retentissant, avec une lugubre sonorit'e…
Cependant que la femme dissimulait son visage derri`ere ses mains, l’homme d'eployait en h^ate le linceul blanc, d’o`u 'emergeait la face congestionn'ee d’un ^etre qui ne donnait plus signe de vie…
Le myst'erieux personnage s’empara de ce corps inerte et, r'ev'elant alors une vigueur peu commune, l’arracha d’une brusque 'etreinte hors de son cercueil, pour le d'eposer sur le lit voisin.
L’homme appela son aide :
— Venez, madame, venez, j’ai besoin de vous…
L’infortun'ee, qui venait d’^etre, malgr'e elle, t'emoin de cette affreuse sc`ene, s’efforca d’approcher et, de ses yeux 'ecarquill'es par l’horreur, consid'era la d'epouille, dont le visage violac'e faisait un 'etrange contraste avec la blancheur de l’oreiller sur lequel il reposait.
Rapidement d’ailleurs, sans plus s’occuper de sa compagne, l’homme proc'edait sur le cadavre `a de myst'erieuses pratiques, piquant la chair aux muscles avec une seringue de Pravaz, disposant sur la poitrine, largement d'ecouverte, des appareils bizarres.
L’homme enfin, se faisant aider de sa compagne, ouvrit la bouche du mort et, y introduisant ses doigts sans la moindre pudeur, en retira, apr`es mille difficult'es, un objet surprenant :
Une sorte de caoutchouc, creux `a l’int'erieur et long d’environ vingt-cinq centim`etres.
L’homme cependant, plus pr'eoccup'e encore que l’instant pr'ec'edent, effectua des tractions rythm'ees de la langue, s’efforca de cr'eer une respiration artificielle.
De temps `a autre, il appliquait son oreille sur le coeur de ce corps inerte, murmurant des mots inintelligibles…
Mais soudain, il poussa un cri de triomphe, cependant qu’une action de gr^ace s’'echappait des l`evres de sa compagne…
Tous deux d'esormais, pench'es sur le ressuscit'e, 'epi`erent les signes les plus subtils de son retour `a l’existence.
Peu `a peu le visage se d'econgestionna. Les yeux, jusqu’alors r'evuls'es reprenaient leur position normale, la sensibilit'e se manifestait `a nouveau sur les 'epaules, de la poitrine `a la paume des mains.
Les paupi`eres, les l`evres, s’agit`erent insensiblement ; enfin, gr^ace aux efforts r'ep'et'es, gr^ace `a l’oxyg`ene qu’on lui faisait absorber, l’^etre jusqu’alors inerte commencait `a respirer de lui-m^eme.
Actifs et silencieux, l’homme et la femme prirent sur la table voisine toute une s'erie de m'edicaments, des cordiaux, qu’ils firent absorber au malade.
Et cela dura environ une heure.
Enfin, le ressuscit'e s’agita, ses l`evres qui, insensiblement, 'etaient devenues rouges, 'emirent des sons, inarticul'es d’abord, qui se pr'ecis`erent ensuite. Puis ses yeux s’ouvrirent : successivement, ils se fix`erent sur l’homme et la femme, et comme si les ^etres qu’il voyait d'eterminaient `a la fois chez lui de l’'epouvante et de la joie, il articula lentement ces deux noms :
— Juve… Lady Beltham…
`A ces mots, Juve et lady Beltham, car c’'etaient eux, en effet, associ'es dans cette d'elicate et p'erilleuse besogne, recul`erent, poussant un long soupir de satisfaction, cependant qu’ensemble ils r'epondaient :
— Fant^omas.
Oui, ces trois ^etres extraordinaires, ces trois adversaires formidables, se trouvaient d'esormais r'eunis seuls dans une maison isol'ee, dans la maison que, la veille, Juve, d'esesp'erant de pouvoir arracher Fant^omas au supplice qui l’attendait, avait lou'ee pour y recevoir son cadavre de supplici'e, cadavre qu’il avait achet'e avec l’espoir vague et fou de ramener `a la vie celui que la justice humaine avait condamn'e `a mort.