Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Le sh'erif n’en pouvait dire plus, le reste de son discours se perdit dans les balbutiements.
Ce fut Fant^omas qui vint au secours de l’officier gouvernemental.
— Monsieur le sh'erif, d'eclara-t-il, je vous remercie des paroles que vous venez de prononcer, je m’efforcerai d’avoir du courage…
Il poursuivit, s’adressant `a William Hope :
— Mon cher R'ev'erend, priez donc, monsieur le sh'erif de s’asseoir sur cet escabeau, je crains qu’il ne se trouve mal…
Le sh'erif d'efaillait, en effet : c’'etait un homme tout jeune, trente ans `a peine, et sinc`erement 'emu. L’attitude ferme de Garrick ajoutait encore `a son 'emoi, si c’'etait possible.
Il y eu un silence.
— C’est la premi`ere fois, sans doute, monsieur le sh'erif, demanda le condamn'e, que vous allez assister `a une ex'ecution capitale ?
Inintelligiblement, le sh'erif r'epondit « Oui » `a la question de Tom Bob…
Le condamn'e `a mort continua :
— Il ne faut pas vous en 'emouvoir outre mesure, les hasards de l’existence m’en ont fait voir quelques-unes… ce n’est pas tr`es dramatique…
Il poursuivait, s’animant :
— Dans les autres pays, l’ex'ecution des sentences capitales s’entoure assur'ement d’accessoires plus terrifiants qu’ici : la hache en Allemagne, la guillotine en France, le garrot en Espagne, d'eterminent de l’effroi et de l’horreur, non seulement par la brutalit'e de l’acte qui est commis, mais eu 'egard encore `a la publicit'e malsaine que l’on donne `a ces sinistres c'er'emonies… Chez nous, monsieur le sh'erif, les choses se passent dans l’intimit'e, on reste entre soi. La foule avide de ces 'emotions malsaines ne voit rien du tout, elle est contrainte d’attendre, devant un mur de la prison, et de se dire que derri`ere ce mur, il se passe quelque chose… On annoncait, jadis, l’ex'ecution du condamn'e en hissant un drapeau noir au-dessus de l’immeuble dans lequel venait de s’accomplir le supplice. Je crois que d'esormais on se contente de sonner la cloche.
Le sh'erif tressaillit. Cinq heures moins le quart venaient de sonner `a l’horloge lointaine de la prison, avec un son de glas.
— C’est fun`ebre, n’est-ce pas, dit Tom Bob.
Il ajoutait en soupirant :
— Quel horrible prologue `a la pendaison…
Malgr'e toute sa volont'e, Fant^omas bl^emit une seconde, son regard devint farouche, ses poings se crisp`erent.
Instinctivement il observait autour de lui, comme s’il e^ut cherch'e une issue pour s’'echapper, mais il n’y avait rien `a faire, la lourde porte de la cellule s’'etait referm'ee sur ses deux visiteurs, les murs 'etaient imp'en'etrables.
Tom Bob consid'era fixement William Hope qui, depuis quelques instants, lui faisait signe qu’il voulait lui passer quelque chose…
Toutefois le sh'erif les regardait tous deux :
Certes, il avait l’air h'eb'et'e, stupide, presque incapable de raisonner, mais n'eanmoins cet homme pouvait voir, il ne fallait encore rien tenter…
Tom Bob se ressaisit :
— La pendaison ? d'eclara-t-il… Ce n’est pas le vrai mot qu’il faudrait employer, car on ne pend plus de nos jours les condamn'es `a mort. Gr^ace aux dispositifs qui font que le plancher soudain s’effondre sur le poids du corps, c’est la rupture de la colonne vert'ebrale qui d'etermine le d'ec`es… d'ec`es subit, dit-on, d'ec`es absolu, affirment les sp'ecialistes…
— Parfois, dit le sh'erif, dont la pens'ee chavirait… On n’en meurt pas toujours…
Fant^omas le consid'erait d’un regard 'etonn'e :
— Croyez-vous, monsieur le sh'erif, fit-il avec une nuance de scepticisme… les exemples alors en ce cas sont bien rares… On raconte qu’autrefois des pendus se sont ranim'es, je sais bien qu’on tente chaque fois, – pour ^etre s^ur de ne pas les enterrer vivants, – certaines formalit'es m'edicales…
Du ton d’un professeur qui fait un cours, l’extraordinaire condamn'e continuait… D'esormais, c’'etait `a William Hope qu’il semblait s’adresser, parlant `a mi-voix, par mots brefs, saccad'es, comme s’il esp'erait que le sh'erif n’entendrait pas ou tout au moins comprendrait mal.
— Il faut, disait-il, dans ces cas-l`a, des frictions et des r'evulsifs violents, telles que des applications d’eau chaude sur la surface du corps et aux jambes. On pr'etend qu’une saign'ee du pied ou de la veine jugulaire sont des moyens qui peuvent ^etre efficaces, on doit pratiquer 'egalement la respiration artificielle…
Tom Bob s’arr^eta net : un coup discret venait d’^etre frapp'e `a la porte de la cellule.
Une voix, celle du gardien Jacob, appela :
— Monsieur le sh'erif…
Sir Ellis se souleva avec peine. Effondr'e sur l’unique escabeau qui meublait la pi`ece, il lui semblait que son corps pesait une tonne.
Le sh'erif, p^ale comme un linge, se tra^ina jusqu’`a l’entr'ee de la cellule, s’appuya sur le mur `a c^ot'e de la porte entreb^aill'ee, 'ecouta le gardien dont les paroles bourdonnaient `a ses oreilles. L’instant supr^eme approchait, il 'etait cinq heures moins cinq.
William Hope et le prisonnier avaient surpris cette occasion, se rendant compte que c’'etait le seul instant o`u ils pourraient s’entretenir sans ^etre remarqu'es.
Toujours tr`es ma^itre de lui et pour ne pas attirer les soupcons, Fant^omas avait dit `a haute voix :
— Monsieur le R'ev'erend, venez pr`es de moi, tout pr`es. C’est un mourant qui veut demander avec vous, `a Dieu, le pardon de ses fautes.
Les deux hommes s’'etaient jet'es dans les bras l’un de l’autre. Ils feignirent de se tenir embrass'es, cependant qu’un bref dialogue s’'echangeait entre eux :
— Alors ?
— Tout ira bien, Tom Bob, je l’esp`ere, la corde sera trop longue… au lieu d’^etre pr'ecipit'e dans le vide vous tomberez sur le sol d’une hauteur de trois m`etres environ… pr'eparez-vous…
William Hope, en m^eme temps, glissait un objet dans la main de Fant^omas :
C’'etait une sorte de tube creux, en caoutchouc durci : l’instrument avec lequel le condamn'e allait pouvoir se dilater la gorge et maintenir ouverte sa trach'ee art`ere en d'epit de la compression que le noeud coulant exercerait sur son cou.
Fant^omas allait introduire l’objet dans sa gorge, il s’arr^eta. Il avait encore deux mots `a dire… Paroles supr^emes, car une fois l’appareil en place, il lui serait impossible de prononcer la moindre parole.