Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Et c’'etait lui, Juve, que l’on chargeait de cela.
Et c’est `a lui que l’on disait ignorer o`u se trouvait Fant^omas, alors que Juve savait qu’il se trouvait dans la cellule toute proche.
Juve songea un instant qu’il avait d'esormais `a son enti`ere merci le couple des formidables criminels. Lady Beltham amen'ee par lui, impatiente, anxieuse de voir Fant^omas, l’attendait dans une voiture, `a quelques m`etres de la porte de la prison. D’autre part, derri`ere les sombres murs de Pentonville, Fant^omas, enferm'e dans son cachot, attendait sans s’en douter la d'ecision de Juve…
Jamais la situation n’avait 'et'e meilleure, et cependant Juve n’en profiterait pas.
Ah ! une terrible lutte se livrait en lui ! Sa conscience lui commandait d’agir, lui dictait cette d'eclaration :
« Oui, cette femme dont vous avez sous les yeux la photographie, c’est bien lady Beltham, la ma^itresse de Fant^omas, et elle se trouve, ne soupconnant rien, `a cent m`etres d’ici. Quant `a Garrick, que vous maintenez en prison, que vous allez pendre demain matin, c’est Fant^omas lui-m^eme. Il suffira d’un mot, d’une confrontation des deux bandits, pour le proclamer `a la face du monde entier.
Mais ces paroles, Juve ne les prononca pas…
Parler ainsi, provoquer la d'ech'eance des monstres, c’'etait assur'ement signer l’arr^et de mort de Fandor, que Fant^omas tenait `a sa merci.
Ah ! l’effroyable dilemme.
Il fallait commettre une iniquit'e pour en emp^echer une autre.
Juve, pour sauver Fandor, devait devenir le complice de lady Beltham et de Fant^omas…
Sans qu’un muscle de son visage n’ait tressaillit, Juve avait envisag'e ces diverses hypoth`eses.
Estimant qu’il fallait enfin r'epondre quelque chose, il se tourna vers Shepard :
— M. le d'etective, d'eclara-t-il, je regrette de ne pouvoir accepter la mission que vous me confiez. Pour des raisons qui me sont personnelles, je d'esire r'esilier mes fonctions. J’irai toutefois, jusqu’au bout de la mission qui m’a 'et'e assign'ee, et j’assisterai, conform'ement `a votre d'esir, `a l’ex'ecution de Garrick… Demain toutefois, apr`es la mort du coupable, le policeman 416 vous redemandera sa libert'e.
Aux interrogations cordiales, aux objurgations chaleureuses du d'etective, longtemps Juve opposa d’irr'evocables d'en'egations.
— « 416 » demanda Shepard, ce n’est pas votre dernier mot, je suppose ?
— Monsieur le d'etective, poursuivit Juve, je ne puis revenir sur cette d'ecision… Peut-^etre un jour pourrai-je vous expliquer les motifs qui m’ont d'etermin'e `a la prendre.
— C’est bien, dit Shepard, je prends note de votre d'emission, vous n’appartiendrez plus `a la police anglaise `a partir de demain, dix heures du matin.
Juve salua le coroner, Shepard, puis se retira lentement.
Le policier quitta la prison, et `a peine arriv'e dans la rue, rejoignit la voiture o`u l’attendait toujours lady Beltham.
— Eh bien ? interrogea celle-ci, dont le majestueux visage se dissimulait sous de longs voiles sombres.
Le policier jeta une adresse au cocher, puis s’installant dans la voiture, `a c^ot'e de la grande dame, il chuchota :
— Nous avons failli tout perdre…
27 – LES PETITS B'EN'EFICES DU BOURREAU
Dame Betty, m'enag`ere diligente, mais perp'etuellement grognon, s’'etait lev'ee ce matin-l`a de moins bonne humeur que d’habitude.
Dame Betty 'etait descendue en retard de quelques minutes sur l’horaire qu’elle s’'etait fix'e depuis une dizaine d’ann'ees, et qui r'eglait minutieusement les op'erations diverses qu’elle devait accomplir chaque jour, depuis la lecture de la Sainte Bible qu’elle faisait le matin, 'epouvantablement s'ev`ere derri`ere d’'enormes lunettes rondes descendues sur son nez, jusqu’`a la lecture du journal qu’elle entreprenait, le soir, apr`es avoir mis ses papillotes… et qu’elle ne poursuivait jamais, le sommeil venant toujours l’interrompre.
Dame Betty, d’une main rageuse, d'ecrocha les volets cl^oturant la boutique – bonbons et jouets – qui appartenait `a son ma^itre, le tr`es honorable M. Jo'e Lamp.
Jo'e Lamp 'etait exigeant. Il n’admettait point qu’on f^ut en retard, il ne tol'erait pas que sa vieille servante f^it manquer, par son peu de diligence, quelques heures de vente, quelques minutes m^eme, et Dame Betty, qui partageait l’avarice de son ma^itre, tenait `a sa fortune comme elle e^ut tenu `a la sienne propre, se gourmandait et tremblait dans l’attente des reproches de Jo'e Lamp…
— Monsieur a l’oreille si fine, pensait Betty, qu’`a coup s^ur, il va m’entendre enlever les volets. Il est huit heures cinq, il me grondera, il pr'etendra encore que j’ai manqu'e la pratique des garnements de Jackson Coll`ege.
… `A vrai dire, Dame Betty n’avait rien manqu'e du tout, les garnements dont elle parlait n’arrivant au coll`ege voisin qu’`a huit heures et demie. `A vrai dire surtout, il n’'etait point n'ecessaire que Jo'e Lamp e^ut l’oreille fine pour entendre, du haut de sa chambre, Dame Betty d'ecrocher les volets, car nerveuse, la vieille femme en se livrant `a cette besogne ne manquait jamais de le faire avec une telle brutalit'e qu’elle causait un vacarme 'epouvantable.
Ce matin-l`a, comme les autres, le r'esultat d’une telle facon d’op'erer ne se fit pas attendre :
— Betty.
La voix qui appelait 'etait col'ereuse, imp'erieuse et d'esagr'eable, une voix de t^ete qui disposait mal en faveur de l’interlocuteur.
Le personnage qui, d’ailleurs, continuait `a appeler de plus en plus fort Betty, ne tarda pas `a faire son apparition. C’'etait un petit homme, blond, p^ale, mince, le teint jaune et les 'epaules vo^ut'ees qui, bien que de petite taille et poss'edant des jambes arqu'ees, semblait toujours regarder ceux qui parlaient de haut en bas, comme les soupesant du regard et invariablement les estimant bien inf'erieurs, tant de valeur morale que de beaut'e physique, `a lui-m^eme.