Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Interdit, Juve venait d’imiter la manoeuvre de ses compagnons. Il s’'etait jet'e `a plat ventre, il 'ecoutait.
Le fils du chef des Grouilleurs se retourna vers lui.
— Job Askings, disait-il, l’affaire a l’air bougrement grave. La police est `a droite, et nous autres nous devons aller `a gauche.
— Comment le sais-tu ? demanda Juve.
Mais, `a cette simple question, le jeune homme haussait les 'epaules.
— Si tu n’'etais pas anglais, d'eclarait-il `a Juve, tu ne me demanderais pas quelque chose d’aussi simple ! Les fr`eres qui s’battent l`a-bas ont tous des cartouches de la Ruisselance. Elles ne claquent pas comme les autres, on ne peut pas s’y tromper. Les n^otres sont `a gauche, je l’entends rien qu’au bruit des rigolos…
Le jeune homme se retournait vers ses compagnons, il commandait `a voix basse :
— Vite ! Allons !
`A ce moment, Juve, les voyant partir en rampant dans la direction des combattants qui se trouvaient sur la gauche, 'eprouvait une violente envie de se glisser vers la droite.
Fid`ele `a sa r'esolution, en effet, le bon Juve n’avait qu’une id'ee, rejoindre les agents, trouver un pr'etexte, s’enfuir, ne pas prendre part `a une lutte o`u ses sentiments chevaleresques lui interdisaient de figurer.
Or, `a cet instant, Juve cependant se glissait furtivement vers la gauche.
Pourquoi donc ?
Juve rampait sur le sol. Il s’'ecorchait les mains et les genoux. Il se meurtrissait le visage. Qu’importe ? Tenant son browning d’une main, pr^et `a faire feu si d’aventure il 'etait en danger, s’il devait d'efendre sa vie, Juve, s’'ecartant de la police, allait vers les apaches, frissonnant `a la pens'ee que c’'etait peut-^etre une balle d’ordonnance qui allait, d’un instant `a l’autre, le frapper…
Juve n’agissait pas au hasard, Juve ne perdait nullement la t^ete et faisait volontairement ce qu’il faisait.
Juve n’allait pas faire le coup de feu contre la police, et Juve n’avait pas non plus l’intention de trahir les mis'erables dont il 'etait, apr`es tout, l’oblig'e.
Non ! Ce qui poussait Juve `a la suite des Grouilleurs qui couraient `a la bataille, c’'etait seulement la curiosit'e, une curiosit'e ardente, formidable, une curiosit'e qui le faisait haleter.
Ils 'etaient sortis sept en effet de l’'egout. Ils 'etaient sortis six Grouilleurs et Juve…
Or, depuis qu’ils rampaient tous dans la direction de la bande qui livrait une v'eritable bataille `a la police, Juve comptait sept corps 'etendus sur le sol, sept corps qui, p'eniblement, se faufilaient, gagnaient du terrain au risque d’^etre d'ecouverts, au risque d’^etre fusill'es par les agents aussi bien que par les mis'erables, car aucun des deux partis ne pouvait les reconna^itre.
Quel 'etait donc le septi`eme personnage qui venait de rejoindre la bande ?
Quelle 'etait l’ombre qui 'etait sortie de l’ombre, qui se m^elait `a eux ?
Et Juve, merveilleux de sang-froid, superbe de pr'esence d’esprit, se disait `a ce moment :
— Ce septi`eme individu qui vient de se joindre `a nous devait ^etre embusqu'e tout pr`es de l’entr'ee de l’Enfer. Il ne devait pas prendre part `a la bataille. Il a d^u assister `a notre arriv'ee ! Mon Dieu ! Ce serait `a croire qu’il espionnait les Grouilleurs !
Juve, en v'erit'e, pouvait penser ainsi.
Il se passait, en effet, dans la petite bande, quelque chose d’extraordinaire, de surprenant, de myst'erieux. Tandis que les six compagnons rampaient sur le sol, leur septi`eme camarade, Juve le reconnaissait parfaitement, manoeuvrait de telle facon qu’il fr^olait les Grouilleurs, l’un apr`es l’autre.
Il rompait alors quelques instants aupr`es d’un des hommes, puis il se laissait distancer, il en rejoignait un autre.
Juve continuait `a l’observer.
— Du diable si je sais ce que cela signifie ! pensa-t-il. Cet homme n’est pas, cependant, ne peut pas ^etre un agent ! S’il voit les autres, les autres doivent le voir aussi ; aucun d’eux tr`es certainement n’h'esiterait `a le poignarder !…
Et ce fut Juve alors qui manoeuvra `a son tour pour se rapprocher de l’inconnu.
Juve, d'edaignant la menace des balles qui sifflaient toujours de tous c^ot'es, Juve, n’'ecoutant m^eme pas les clameurs de rage qui, par moments, montaient vers le ciel noir, Juve, insensible au spectacle 'etrange qui l’entourait, oubliant cette bataille que des hommes se livraient dans l’ombre, Juve, sans peur, sans inqui'etude, curieux seulement, pressentant un myst`ere et voulant co^ute que co^ute en avoir la solution, se relevait avec pr'ecaution.
`A genoux maintenant, car il cessait de ramper, Juve avanca jusqu’`a l’inconnu. Celui-ci d’ailleurs paraissait l’attendre. Les deux hommes furent c^ote `a c^ote.
La nuit toutefois 'etait si noire que Juve, pendant quelques secondes, cherchait en vain `a deviner les traits de ce r^odeur qui devait l’examiner lui aussi.
Et c’'etait une chose brusque, soudaine. L’homme, brusquement, faisait un geste ; il tenait un browning, il tira un coup de feu au hasard, en l’air, si pr`es de la figure de Juve que celui-ci fut br^ul'e par la poudre.
Le coup de feu, toutefois, avait pour une seconde projet'e une vive lueur. C’'etait comme un 'eclair de lumi`ere qui trouait l’obscurit'e de la nuit.
Et, encore que Juve ne se f^ut pas attendu `a cette clart'e soudaine, elle lui suffisait pour voir, pour comprendre quel 'etait le personnage qui le fr^olait.
Deux cris, deux exclamations, furent pouss'ees…
Et c’'etaient deux noms, deux noms surprenants `a entendre qui r'esonnaient dans la nuit !
Le policier avait cri'e :
— Fant^omas !…
Une voix lui avait r'epondu :
— Juve !…
Et Juve, certes, 'etait assur'e de ne pas se tromper. `A la lueur fulgurante du coup de feu, il avait vu, nettement vu quel 'etait le septi`eme individu qui s’'etait ainsi myst'erieusement joint `a la bande. Cet individu, c’'etait Fant^omas !… C’'etait le Ma^itre de l’effroi, le Roi de l’'epouvante, c’'etait le G'enie du crime !…