Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Et cet homme, celui-l`a m^eme qui disait ^etre Job Askings, ce fuyard qui venait si myst'erieusement d’op'erer `a la Monnaie, qui, redoutant `a tel point d’^etre appr'ehend'e par la police, avait pr'ef'er'e entrer dans le repaire abominable, cet homme-l`a, c’'etait Juve… et Juve 'etait dans l’Enfer.
Que s’'etait-il donc pass'e, et pourquoi Juve se trouvait-il ainsi soudainement amen'e `a conna^itre d’extraordinaires aventures ?
`A la v'erit'e, il n’y avait rien de surprenant dans tout ce qui survenait et les 'ev'enements n’'etaient, au sens le plus philosophique des mots, que des cons'equences naturelles, des r'esultats obligatoires.
Juve enqu^etait toujours relativement aux myst'erieuses affaires dans lesquelles se trouvait compromis le malheureux directeur de la Monnaie.
Juve enqu^etait toujours et enqu^etait avec d’autant plus d’'energie, d’autant plus de rage, d’autant plus de pers'ev'erance que ses enqu^etes n’avancaient gu`ere, qu’il ne d'ecouvrait pas grand-chose, ce qui, naturellement, piquait de plus en plus sa curiosit'e.
Que se passait-il, d’ailleurs ? Quelle 'etait la v'eritable explication aux ph'enom`enes troublants, inqui'etants et tragiques qui se succ'edaient de jour en jour ?
Pourquoi le valet de chambre Firmain avait-il 'et'e assassin'e ? Pourquoi Paulette de Valmondois 'etait-elle morte ? Comment se faisait-il que des pi`eces d’or antidat'ees s’'echappaient de la Monnaie, 'echappaient plut^ot `a la vigilance du directeur, L'eon Drapier ?
Juve ne savait rien de tout cela.
Il avait devin'e, certes, que Fant^omas 'etait m^el'e `a ces sombres aventures. L’ombre effroyable du bandit, du Roi de l’'epouvante, du Ma^itre de tous et de tout, planait sur ces myst`eres. Cela n’'etait pas douteux, mais c’'etait peut-^etre la seule certitude que Juve e^ut os'e mettre en avant.
Ah ! l’invraisemblable aventure que celle de ce malheureux L'eon Drapier que la police, de plus en plus, tendait `a consid'erer comme coupable !
Juve, lorsqu’il y r'efl'echissait, grincait des dents, serrait les poings, s’emportait contre le sort qui lui semblait injuste et mauvais…
Ce n’est pas L'eon Drapier, pourtant, qui a coup'e la langue `a Mon-Gnasse et `a La Puce !…
L’horreur derni`ere, l’effroyable mutilation, impos'ee aux deux apaches troublait et inqui'etait Juve au plus haut point.
Il n’'etait pas, en effet, il ne pouvait pas ^etre victime des choses `a ce sujet.
`A coup s^ur, la Puce et Mon-Gnasse 'etaient tomb'es sous les coups de Fant^omas ; lui seul, le Roi du meurtre, le tortionnaire 'ehont'e, pouvait avoir os'e cela, pouvait surtout l’avoir r'ealis'e, l’avoir r'eussi, presque sous l’oeil de la police, `a deux pas des inspecteurs Nalorgne et P'erouzin.
Mais pourquoi Fant^omas avait-il agi ainsi ?
Certes, Juve devinait bien le but du bandit. Il avait voulu imposer silence `a Mon-Gnasse et `a la Puce. Il avait voulu, sachant ses complices fort capables de le trahir, les rendre muets pour toujours…
Craignait-il donc `a ce point les bavardages de Mon-Gnasse et de la Puce ? Ceux-ci avaient-ils donc jou'e un r^ole pr'epond'erant dans les t'en'ebreuses intrigues que Fant^omas menait `a cette heure ?
Et Juve s’effarait d’autant plus de cette mutilation qu’elle amenait d'esormais un effroyable malheur.
Ah ! certes, Mon-Gnasse et la Puce, que l’on soignait `a l’h^opital, qui allaient mieux, qui 'echapperaient peut-^etre `a la mort, fr^ol'ee de si pr`es, n’eussent pas r'esist'e au d'esir de se venger !… S’ils avaient pu parler, s’il leur avait 'et'e loisible de trahir ce que l’on craignait qu’ils trahissent, dans leur col`ere furieuse, dans leur rage d'echa^in'ee, dans leur rancune aveugle, ils n’eussent pas h'esit'e une seconde.
Mais Fant^omas avait assur'ement bien pris ses pr'ecautions.
La Puce et Mon-Gnasse ne pouvaient rien pour le d'enoncer, ils 'etaient muets, muets pour toujours… Tant qu’ils n’auraient pas appris le langage des sourds-muets, il leur serait interdit de se venger, ils ne pourraient trahir celui qui les avait si effroyablement atteints.
D`es que les deux apaches avaient commenc'e `a aller mieux, Juve avait 'et'e les interroger, muni des pleins pouvoirs de M. Havard qui, naturellement, outr'e de l’imb'ecile attitude de Nalorgne et de P'erouzin, avait d^u faire contre fortune bon coeur et remettre l’enqu^ete aux mains de Juve.
Celui-ci, en se rendant `a l’h^opital, concevait 'evidemment de formidables espoirs. Il pensait bien tirer de Mon-Gnasse et de la Puce des indications int'eressantes.
— Qu’ils ne puissent pas parler, soit, s’'etait dit Juve, mais nous correspondrons par 'ecrit !
Or, Juve avait connu alors une abominable d'eception, ni Mon-Gnasse ni la Puce ne savaient 'ecrire…
Et depuis ce moment, et c’'etait bien ce qui d'esesp'erait Juve, l’enqu^ete tra^inait lamentablement. Un tel faisceau de charges, de pr'esomptions, de vraisemblances se groupait autour de L'eon Drapier que le directeur de la Monnaie 'etait presque accabl'e.
Il n’y avait, Juve s’en rendait bien compte, plus gu`ere que sa haute situation qui p^ut faire h'esiter la police.
Si L'eon Drapier avait 'et'e un pauvre bougre, il aurait 'et'e sans doute, et depuis longtemps, appr'ehend'e, jet'e en prison ! Mais dans les sph`eres officielles, devant le scandale effroyable que ne manquerait pas de faire na^itre une semblable arrestation, on h'esitait encore…
Juve, pourtant, se disait :
— Ils iront jusqu’au bout, on le prendra au collet… et pourtant il est innocent !
Juve, `a ce moment, 'etait beaucoup plus libre d’esprit, beaucoup moins inquiet qu’au d'ebut de l’enqu^ete.
La persuasion o`u il 'etait en effet que Fant^omas jouait un r^ole dans les abominables myst`eres qu’il vivait 'etait pour lui, en m^eme temps qu’une cause de trouble, un motif de tranquillit'e.
Juve, en effet, n’oubliait pas et ne pouvait pas oublier qu’H'el`ene allait incessamment arriver au Mexique d'ebarquant du voilier qui l’avait recueillie lors de son 'evasion de la barge hollandaise.