Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Si Fant^omas avait 'et'e libre, s’il avait disparu, si Juve avait cru la jeune fille expos'ee aux coups du bandit, il aurait 'et'e mortellement inquiet, mortellement d'esesp'er'e surtout, de n’avoir pu voler `a son secours.
Mais Juve, maintenant, avec son flair de policier, avait la certitude que Fant^omas 'etait `a Paris. H'el`ene ne courait donc aucun danger, elle ne risquait rien, elle n’avait pas besoin de lui.
Et Juve ne s’en acharnait que davantage `a poursuivre le mis'erable.
Juve, d’ailleurs, ne reculait devant rien. Ainsi qu’il en avait coutume lorsqu’il s’agissait d’enqu^etes polici`eres, il risquait le tout pour le tout. Il jouait sa vie `a l’aventure, pour arriver `a la v'erit'e.
Juve s’'etait dit tout d’abord qu’il 'etait inutile, qu’il 'etait mauvais d’enqu^eter sous sa v'eritable apparence. C’'etait pourquoi il s’'etait fait si nettement une t^ete d’apache.
Mieux que personne, Juve savait se grimer. Il 'etait donc m'econnaissable en voyou.
Et c’'etait en voyou, en membre ordinaire de la p`egre, qu’il avait pouss'e l’audace, cette nuit-l`a, jusqu’au point de s’introduire `a la Monnaie, dans l’espoir d’y surprendre quelque chose qui p^ut le renseigner, lui faire deviner, au moins, l’explication des myst`eres dont il poursuivait la solution.
Pendant le cours de son audacieuse exp'edition, Juve avait recueilli des d'etails qui, d'esormais, lui permettraient d’agir car, en effet, `a l’instant o`u il 'etait sorti des caves de la manutention, il ne paraissait aucunement f^ach'e d’avoir eu l’id'ee d’y aller faire un tour.
Que savait-il au juste, toutefois ? Qu’avait-il devin'e ?
Lui seul aurait pu le dire, ce n’'etait pas certainement aux membres de l’Enfer qu’il allait risquer de semblables confidences.
Et Juve, qui n’avait pas voulu se laisser arr^eter par la police parce qu’il m'editait tr`es probablement quelque nouvelle aventure pour laquelle il avait besoin de son incognito, Juve avait pr'ef'er'e p'en'etrer dans le bouge, et risquer une fois encore les terribles aventures pouvant survenir en raison de la f'erocit'e de la bande qui g^itait l`a.
Juve, apr`es avoir p'en'etr'e dans l’Enfer, avait d’ailleurs fait preuve, une fois encore, de cette extraordinaire pr'esence d’esprit qui le rendait r'eellement incomparable.
En un instant, en effet, alors que fuyant, sur les berges, la police qu’il sentait sur ses talons, Juve s’'etait demand'e comment se tirer de la f^acheuse situation o`u il se trouvait, Juve s’'etait souvenu de l’Enfer.
Il connaissait le bouge depuis le jour o`u, dans une pr'ec'edente affaire, Bouzille l’y avait conduit afin d’enqu^eter sur le vol d’un cadavre, le cadavre du policier Daniel, d'erob'e par Fant^omas `a la morgue.
Juve s’'etait nettement souvenu de la situation du repaire ainsi que du mot de passe qui d'ecidait ses h^otes `a ouvrir leur porte d’entr'ee.
Il s’'etait souvenu surtout, et cela 'etait le principal, qu’il passait, aux yeux des habitants de l’Enfer, pour Job Askings, le
Et c’'etait alors tout naturellement que Juve avait d'ecid'e de se r'efugier l`a. C’'etait tout naturellement encore qu’il r'epondit `a l’interrogation anxieuse qu’on lui posait :
— Qui je suis ? Job Askings !
Qu’allait-il se passer cependant ?
Les mis'erables qui se trouvaient devant le policier se laisseraient-ils duper encore une fois ? Admettraient-ils, encore une fois, que Juve 'etait bien Job Askings ?
Le policier, maintenant, se le demandait non sans une certaine frayeur.
Il contemplait en m^eme temps ce bouge, ce bouge effroyable dans lequel il venait d’entrer. L’Enfer n’avait point chang'e d’aspect. C’'etait toujours un trou noir, lugubre, 'eclair'e par la lueur clignotante d’une chandelle de suif fich'ee `a la muraille.
Sur le sol, il y avait toujours la vieille paillasse qui servait de lit. Et les h^otes eux-m^emes, toujours arm'es jusqu’aux dents, hommes `a la face de brute, b^etes f'eroces v'eritables, 'epuis'es de mis`eres, affol'es de crimes 'etaient, comme jadis, capables de tout, toujours pr^ets au meurtre, toujours avides de sang.
Juve, tranquillement s’asseyait.
Il ne s’'etonnait point du silence qui avait accueilli son arriv'ee. Il savait que les brutes en face desquelles il se trouvait avaient l’esprit lent, la r'eflexion p'enible.
Ces malheureux vivaient en r'ealit'e dans une telle mis`ere, dans une si s'ev`ere pauvret'e, qu’ils n’'etaient plus gu`ere des hommes, qu’ils 'etaient tomb'es peu `a peu au rang de l’animal, qu’il leur 'etait p'enible, impossible presque, de risquer une phrase.
Juve, cependant, assis sur un billot de bois, demandait :
— Et les affaires, ca va ?
Il sentait le besoin d’engager la conversation. Il fallait, pour d'etourner les soupcons, qu’il d^it quelque chose, qu’il prononc^at quelques paroles, qu’il se m^it bien avec la bande.
Or, `a la question de Juve, d’un coin de la paillasse o`u il 'etait 'etendu, fumant une grosse pipe, un homme se soulevait, le chef, celui-l`a m^eme que Juve, jadis, pour accr'editer son personnage de Job Askings, avait proprement vol'e. Il r'epondit :
— Les affaires, non, ca n’va pas ! On n’fait rien ! On s’serre la ceinture ! Pas m^eme de quoi s’emplir les dents creuses ! Et toi, du p`eze ?
— Oui, du p`eze ! r'epondit Juve.
Le vieux se rapprocha curieusement… Une flamme de convoitise brillait d'esormais dans ses yeux.