Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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La police ! C’'etait v'eritablement l’ennemi de tous les jours. Il y avait guerre acharn'ee entre elle et les Grouilleurs !
Juve, brusquement, songeait que cette haine f'eroce de ces individus, c’'etait peut-^etre bien l’explication de tant de crimes incompr'ehensibles, de tant de meurtres inexpliqu'es.
Ah ! sans doute, lorsque les Grouilleurs se glissaient hors de leur repaire, lorsqu’ils se r'epandaient pour effectuer leurs rapines dans Paris, il devait se passer d’horribles choses que personne n’avait jamais soupconn'ees !
Combien d’agents 'etaient tomb'es victimes du devoir !
Combien d’inspecteurs de la S^uret'e avaient 'et'e retrouv'es quelquefois, la poitrine trou'ee d’un coup de couteau, sans que nul p^ut se douter de la cause de leur mort !
`A coup s^ur, les Grouilleurs devaient ^etre pour beaucoup dans ces forfaits !
Ces hommes, que leur repaire insoupconn'e faisaient en quelque sorte inattaquables, devaient tout oser. Ils devaient surtout tuer, tuer pour le plaisir de tuer, affol'es de col`ere lorsque le hasard les amenait `a rencontrer un agent.
Juve, toutefois, devait r'epondre et r'epondre vite `a la question du chef.
Or le policier 'etait avant tout un curieux des moeurs d’apaches. Il lui semblait tr`es amusant de confier un d'ep^ot au chef des Grouilleurs. Il voulait savoir si ce d'ep^ot serait r'eellement et scrupuleusement gard'e. Juve prit dans sa poche son portefeuille ; il avait heureusement sur lui une grosse enveloppe bourr'ee de papiers sans importance et dont le poids et les dimensions permettaient d’affirmer qu’il s’agissait de billets de banque.
Juve pris cette enveloppe et la cacheta.
— Tu as raison, dit-il, prends, chef ! Si je ne suis pas mort, tu me rendras cela. Au cas contraire, tu le garderas.
Le vieillard prit l’enveloppe et la serra dans sa propre poche.
— C’est bon ! dit-il, va maintenant !
Juve, `a cet instant, se demandait de quelle facon les Grouilleurs allaient rejoindre les berges.
Assur'ement, ils ne voudraient pas sortir par la porte de l’Enfer par laquelle 'etait entr'e Juve. Cela e^ut attir'e l’attention, cela e^ut pu les compromettre.
Le fils du chef, d’ailleurs, `a la t^ete des cinq compagnons qui s’'etaient rang'es derri`ere lui et pr'ec'edant Juve, se dirigeait d’un c^ot'e tout oppos'e. Il marchait vers le fond du souterrain.
Juve, `a cet instant, r'efl'echissait encore.
Qu’allait-il faire ? Que devait-il faire ?
Le policier se sentait cruellement embarrass'e.
Son devoir 'etait peut-^etre de se jeter sur le fils du chef d`es qu’il serait sorti de l’Enfer, son devoir de policier 'etait peut-^etre d’aider les agents qui combattaient, de leur indiquer le repaire des bandits, de les faire capturer ?
C’'etait l`a son devoir de policier, oui, mais o`u 'etait son devoir d’homme ?
Et Juve, subitement, se trouva embarrass'e.
Il 'etait all'e chez les Grouilleurs pour leur demander asile ; il 'etait entr'e dans l’Enfer alors qu’il fuyait la police, alors qu’on le poursuivait.
Dans l’Enfer, il s’'etait pr'esent'e sous le nom de Job Askings. On l’avait recu, on l’avait accueilli, on l’avait sauv'e…
Juve pouvait-il, d'esormais, honn^etement, livrer ces gens ?
— Non ! non et non ! se d'eclara le policier.
Il ne voulait pourtant pas, l’excellent Juve, rester du c^ot'e des mis'erables et faire avec eux le coup de feu contre les agents !
Il ne voulait m^eme pas, par sa pr'esence, sembler pactiser avec ces gens qui 'etaient, apr`es tout, des assassins.
Et Juve, brusquement, prit son parti.
— Une fois sur la berge, d'ecidait-il, je m’enfuirai, je les laisserai se d'ebrouiller, je ne puis que cela pour eux, mais cela je le puis et je le dois !…
La petite troupe cependant, apr`es avoir long'e le souterrain, tournait `a droite dans une galerie dont Juve reconnaissait 'evidemment la destination. Il s’agissait tr`es certainement d’un 'egout encore, d’un 'egout que la ville avait depuis longtemps abandonn'e et qui devait longer les quais.
Comment allait-on en sortir ?
Juve fut rapidement document'e. Ses compagnons s’arr^etaient en effet devant de grossiers crampons de fer qui montaient le long d’un puits.
— Attention ! lui souffla l’un d’eux. Au-dessus de notre t^ete, il y a tout juste une grosse trappe qui est cadenass'ee et `a laquelle personne ne pr^ete attention. C’est une plaque de fonte qui p`ese fort lourd. Le chef seul en a la cl'e. Il va la soulever, et nous allons nous glisser dehors. Compagnon, il faudra faire vite, car il ne faut pas que personne puisse jamais se douter de l’importance de cette plaque d’'egout !
Juve le comprenait fort bien et se h^atait en effet de se couler hors du puits `a la suite de ses compagnons.
Le temps avait chang'e cependant.
Cependant que Juve, avec bonheur, respirait `a pleins poumons de larges bouff'ees d’air pur, il notait que la pluie cinglait avec force, que le vent sifflait par rafales.
C’'etait d’ailleurs une nuit d’horreur, une nuit tragique d’'epouvante.
`A peine sorti du trou, `a peine 'echapp'e de l’Enfer, Juve entendait brusquement la fusillade cr'epiter autour de lui.
Qui se battait et qui tirait ? De quel c^ot'e 'etait la police, de quel c^ot'e 'etaient ses adversaires ?
Juve, d’abord, ne put pas le savoir.
Les berges 'etaient compl`etement noires ; des balles perdues avaient bris'e les r'everb`eres qui longent les quais et l’on devinait avec peine, parmi les amoncellements de mat'eriaux dispos'es pr`es des p'eniches, le passage furtif d’ombres rapides.
'Etait-ce des amis ou des ennemis ?
Par moments seulement de vives lueurs 'eclataient. Une d'etonation retentissait alors, un coup de feu venait d’^etre tir'e. Qui tombait, si quelqu’un tombait ?