Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Voyons, pr'ecisa-t-il, j’esp`ere bien que vous n’avez plus de soupcons en ce qui me concerne. Je vous l’ai dit, je ne suis pas de la police, je crois m^eme vous l’avoir prouv'e par mon attitude, et si je vous demande o`u est le cadavre de l’oncle Baraban, c’est afin de le faire dispara^itre pour que ce mort ne ressuscite pas et ne vienne point, au plus beau moment, d'eranger toutes nos combinaisons.
Fernand Ricard d'eclara simplement :
— Nous ne savons pas o`u est le cadavre de l’oncle Baraban.
L’inconnu se rapprocha de lui, mit sa main sur son 'epaule :
— Voyons, fit-il, c’est votre int'er^et de me le dire. Parlez.
Apr`es un instant de silence et, comme s’il triomphait d’une h'esitation, Fernand risqua :
— Le cadavre de l’oncle Baraban, le cadavre de l’oncle Baraban… Apr`es tout, sait-on jamais ? N’aurait-il pas 'et'e mis dans cette fameuse malle verte que l’on a retrouv'ee ?
Il s’arr^eta net. L’inconnu l’interrompit d’un violent geste de d'en'egation :
— Ah ca non, s’'ecria-t-il, je vous garantis bien que non !
— Pourquoi ? demandait Fernand cependant qu’Alice 'ecoutait, anxieuse, l’entretien des deux hommes.
— Pourquoi ? reprit l’inconnu. C’est bien simple ! Parce que c’est moi qui l’ai envoy'ee, cette malle verte, c’est `a cause de moi qu’on l’a d'ecouverte et je sais qu’elle ne contenait aucun mort.
C’'etait au tour des 'epoux Ricard d’^etre abasourdis et Fernand interrogea :
— C’est vous qui avez envoy'e cette malle verte, mais pourquoi ?
— Oh c’est bien simple, expliqua le faux oncle Baraban. Sit^ot le scandale 'eclat'e, sit^ot que l’on a reconnu la disparition myst'erieuse du cadavre de votre oncle, je me suis dit que j’allais profiter de la situation. On avait arr^et'e quelqu’un qui paraissait devoir constituer un coupable id'eal, c’'etait Th'eodore Gauvin. Il avait parl'e d’une femme rencontr'ee par lui sous les ponts. Je connaissais cette femme, peu vous importe comment. La justice n’avait pas de grandes preuves de la culpabilit'e de ces deux individus, j’ai cru qu’il 'etait bon de leur en fournir, et c’est pour cela que j’ai adress'e, sous le nom de Baraban, la malle verte `a Brigitte.
— C’est formidable, murmura Fernand Ricard, cependant que sa femme ajoutait terrifi'ee, ne comprenant rien :
— C’est affolant.
L’inconnu pr'ecisa :
— La justice, d’autre part, en la personne du policier Juve, 'etait tent'ee de croire que votre oncle n’'etait pas mort, mais bien en fuite, qu’il avait volontairement disparu, il fallait donc, `a mon avis, accr'editer l’histoire du crime, la th`ese de l’assassinat. On ne retrouvait pas la fameuse malle jaune, j’ai lanc'e la malle verte, toute macul'ee de sang, dans les jambes de la police. Depuis lors, les choses ont tourn'e autrement. Vous n’avez pas voulu vous entendre avec moi, et j’ai d^u faire rejaillir sur vous la responsabilit'e du crime.
Fernand Ricard se leva :
— Vous dites ? hurla-t-il.
— Je dis, poursuivit froidement l’inconnu, que j’ai fait le n'ecessaire pour vous compromettre, que dans l’appartement de l’oncle Baraban j’ai fait d'ecouvrir des preuves certaines de votre pr'esence la nuit du crime et de votre culpabilit'e.
— Vous ^etes un mis'erable !
— Je suis votre sauveur, dit l’inconnu, et vous l’avez bien compris. Je ne tiens plus `a vous nuire, mais bien `a vous tirer d’affaire. Voyons, insinua-t-il, le cadavre o`u est-il ?
Il ajoutait d’un ton pressant :
— Comprenez donc qu’il faut le faire dispara^itre. Il faut d'esormais rendre impossible toute d'ecouverte des traces de ce mort.
Il croyait avoir bien plaid'e sa cause, il attendait. Ce fut en vain.
Fernand Ricard opposait un ent^etement r'esolu `a la demande qui lui 'etait adress'ee :
— Je ne sais pas qui a tu'e l’oncle Baraban, d'eclarait-il, j’ignore o`u se trouve son cadavre.
Ils discut`erent ainsi pendant une heure. L’inconnu se montra tour `a tour suppliant, puis menacant, puis terrible, ce fut en vain. Il ne pouvait obtenir aucune autre r'eponse.
De guerre lasse, il 'etait `a ce moment pr`es de minuit, le faux oncle Baraban se leva :
— Je vous sauverai malgr'e vous, d'eclara-t-il. Souvenez-vous d’une chose, simplement : c’est que l’oncle Baraban existe, et que c’est moi. Souvenez-vous 'egalement que si vous osiez enfreindre mes ordres, les pires malheurs vous surviendraient, je ne vous ferais pas gr^ace.
Fernand Ricard, narquoisement, consid'erait son interlocuteur. Il ne r'epondait rien. Alice malgr'e son 'emotion, semblait, elle aussi, r'esolue `a r'esister.
Les deux 'epoux raccompagn`erent le myst'erieux inconnu jusqu’au seuil. En s’en allant, celui-ci, avant de s’enfoncer dans la nuit noire demanda encore :
— C’est votre dernier mot ? Ne me direz-vous pas o`u se trouve le cadavre de l’oncle Baraban ?
— Nous ne pouvons pas le dire, nous ne le savons pas.
L’homme s’enfonca dans la nuit. En se retournant, il vit, demeur'es sur le seuil de la porte, les deux 'epoux Ricard qui souriaient.
Quelques instants apr`es, le myst'erieux personnage arpentait les rues d'esertes de la ville de Vernon. Il passa devant la mairie, traversa deux rues obscures, puis s’arr^eta devant une maison surmont'ee d’une enseigne dor'ee, o`u on lisait : 'Etude.
Il sonna violemment `a la porte de l’immeuble appartenant `a M e Gauvin.
Cependant qu’il attendait une r'eponse, l’inconnu songeait, murmurant presque `a haute voix :
— L’oncle Baraban est-il r'eellement mort ? Ou ne l’est-il pas ?
Le personnage myst'erieux carillonna vingt minutes environ `a la porte du notaire, sans obtenir de r'eponse. Brusquement la lumi`ere se fit en son esprit.
— Que je suis b^ete, dit-il. Gauvin est `a Paris, et naturellement les domestiques en ont profit'e pour d'ecamper.