L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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On avait pr'evenu la police de l’accident. Une ambulance avait emmen'e la victime `a l’H^opital Boucicaut.
Les chiffonniers qui avaient joyeusement commenc'e la journ'ee, ne parlaient plus. Bient^ot ils partirent, sauf Jean-Marie, qui pr'etexta une course `a faire `a Billancourt.
Que voulait-il ?
L’apache aurait 'et'e lui-m^eme fort embarrass'e d’expliquer les motifs qui le conduisaient `a laisser ses amis partir seuls. Il ne s’avouait pas `a lui-m^eme que s’il 'etait demeur'e, c’est qu’il voulait se rassasier encore les yeux, en consid'erant la tache sanglante qui marquait l’endroit o`u le corps du Costaud s’'etait 'ecras'e au sol. C’'etait pourtant l’attrait ignoble de cette ros'ee de sang tachant l’herbe verte qui retenait Jean-Marie.
Mais il 'etait dit que le monstre ne pourrait ce soir-l`a, satisfaire sa passion. Les chiffonniers s’'etaient `a peine 'eloign'es, que Jean-Marie s’entendit appeler :
— H'e l`a, l’homme, venez donc causer un peu.
D’un bond, Jean-Marie se retourna.
Jean-Marie, qui d'ej`a s’'etait mis sur la d'efensive, – il avait sans doute de bonnes raisons pour savoir que l’accident du Costaud pouvait lui causer des ennuis, – apercut alors, assis `a une table, d'egustant un litre de bi`ere, un paisible personnage v^etu de gris et qui avait tout l’air d’un paisible bourgeois.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda l’'equarrisseur.
— Approchez donc, que diable. Je ne vous veux pas de mal. J’ai tout simplement l’intention de vous offrir un verre de bi`ere et de causer un peu avec vous.
Jean-Marie et l’inconnu caus`erent donc.
'Etrange causerie. Il semblait que l’inconnu pr^it `a t^ache de questionner Jean-Marie et que Jean-Marie, entra^in'e par on ne sait quelle secr`ete sympathie, n’h'esitait pas `a se confier avec une franchise dont il n’'etait pas coutumier.
— Alors, conclut l’inconnu, au bout de quelques instants de ce myst'erieux entretien, alors, comme cela, vous ^etes 'equarrisseur ? La vue du sang, cela ne vous fait rien ?
— Ma foi, non.
— Rien du tout ?
— Oh ! rien du tout, et m^eme…
— M^eme ?
— M^eme, je ne d'eteste pas ca.
C’'etait l`a, `a coup s^ur, des paroles audacieuses, dangereuses, et Jean-Marie les regretta imm'ediatement.
Si brute qu’il f^ut, en effet, l’'equarrisseur venait parfaitement de se rendre compte qu’`a ces derniers mots son interlocuteur avait tressailli.
— Et qu’est-ce que vous gagnez, dans votre m'etier d’'equarrisseur ?
— Six francs, sept francs par jour.
— Cela vous irait de gagner vingt-cinq louis par mois ?
— Cinq cents francs ? Je ne vous comprends pas.
L’inconnu se contenta de sourire. Il tira de sa poche une carte de visite qu’il tendit `a Jean-Marie :
— Vous comprendrez en voyant mon nom. J’ai besoin d’un aide. Venez donc me voir un de ces matins. Vous me plaisez.
Le paisible petit bourgeois v^etu de gris 'etait d'ej`a loin. Jean-Marie fixait, de ses yeux stup'efaits, la carte grav'ee :
— Deibler, c’est Deibler qui me parlait.
Cette nuit-l`a, Jean-Marie devait faire des r^eves d’or, des r^eves de sang.
22 – LES 'EL`EVES DU P`ERE GRELOT
Au bruit du r'eveil, le dormeur, 'etendu dans l’un des mauvais lits de l’H^otel d’Auvergne, boulevard Barb`es, se redressa furieux.
— Sacr'ee sonnerie, murmura-t-il, pas moyen d’arriver `a ne pas l’entendre.
Le dormeur 'etouffa encore un long b^aillement, s’'etira les bras en homme accabl'e de fatigue, puis, faisant un grand effort, se jeta `a bas du lit.
— Secouons-nous, murmura l’ex-dormeur, secouons-nous, que diable, ou nous allons manquer la lecon.
Et c’est avec une rapidit'e merveilleuse qu’il acheva de s’habiller.
— Sept heures un quart, hum, je vais ^etre en retard. L’excellent copain qui, rue Saint-Joseph, m’a pass'e le tuyau, m’a dit qu’il convenait d’^etre `a huit heures chez le p`ere Grelot si l’on voulait assister `a la lecon. Bon, j’y serai `a huit heures ou j’y perdrai mon nom.
Les v^etements que rev^etait le jeune homme disaient assez bien sa profession. `A coup s^ur, il n’'etait pas riche. Il portait un petit complet `a carreaux comme ont l’habitude d’en adopter les lads en rupture d’'ecurie. Il s’enfoncait sur le front une casquette plate `a courte visi`ere qui achevait parfaitement de lui donner la tournure d’un quelconque
Ce curieux personnage tira de sa poche un portefeuille assez usag'e, mais cependant de coupe recherch'ee, il y prit quelques billets de cent francs qu’il serra soigneusement dans un tiroir de la commode boiteuse, pi`ece principale du mobilier, s’assura qu’il restait quelques pi`eces blanches dans son gousset, alluma encore une cigarette, puis, d’un pas d'elib'er'e, il quitta son logis de l’H^otel d’Auvergne.
Ce jeune homme qui sortait ainsi d’un de ces bouges o`u l’on loue aussi bien « `a la journ'ee » qu’ « au mois » des chambres infectes, pleines de vermine, mais 'etonnamment bon march'e, `a tous ceux qui se pr'esentent, quels que soient au juste leur profession, leur aspect, n’'etait autre en r'ealit'e que le journaliste J'er^ome Fandor. C’est J'er^ome Fandor qui sortait de l’H^otel d’Auvergne et remontait ainsi le boulevard Barb`es en direction du M'etropolitain.
C’est Fandor, toujours, qui montait au m'etro de Barb`es, prenait place dans une des voitures du train, changeait `a l’'Etoile et s’arr^etait en fin de compte `a la passerelle de Passy.
J'er^ome Fandor, au sortir de la station du chemin de fer, descendit rapidement les escaliers qui conduisent `a la Seine, puis, s’'etant machinalement assur'e que nul ne le suivait, traversait d'elib'er'ement le fleuve, en homme qui sait parfaitement o`u il va, pour gagner enfin le quartier mis'erable de Grenelle.
Le journaliste demanda deux ou trois fois son chemin, s’informant d’une petite rue au nom extravagant, puis encore d’une impasse et apr`es vingt minutes de marche il parvint au pied d’un immeuble sordide. `A peine cependant h'esita-t-il `a l’entr'ee du couloir menant `a l’escalier qui conduisait aux 'etages. L’endroit 'etait lugubre, propice aux embuscades. Il suait le vice et le crime. Fandor y p'en'etra. Le jeune homme atteignit enfin le dernier 'etage o`u il se trouva face `a une s'erie de portes closes.