L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Laissez-moi donc passer. C’est stupide de m’interdire l’acc`es des chambres des t'emoins. Quand je vous dis que je suis policier.
— Mille regrets, monsieur, mais la consigne est la consigne.
— Je vous dis que c’est grotesque. Comprenez, je m’appelle Juve.
— Juve ? dit le gendarme, c’est vous monsieur Juve ? le policier Juve qui poursuit Fant^omas ?
— H'e oui, c’est moi Juve. Vous comprenez bien, j’imagine, que ce n’est pas aux agents de la S^uret'e qu’on interdit de causer aux t'emoins ? C’est notre m'etier, cela, mon ami.
Et haussant les 'epaules, superbe d’autorit'e, Juve, passa devant le gendarme interloqu'e, `a bout de r'esistance.
Juve se dirigea vers la salle des t'emoins :
— M. Ellis Marshall ? Madame Sonia Danidoff ? princesse Sonia Danidoff ?
Juve, qui venait d’entrouvrir une porte, avait appel'e deux personnes enferm'ees dans une petite pi`ece qui, entendant prononcer leurs noms, se retourn`erent d’un m^eme mouvement, fort surprises :
— Vous, monsieur Juve.
— Moi-m^eme. Voulez-vous m’accorder une minute d’entretien ?
— Nous vous 'ecoutons, monsieur Juve. Mais que diable d'esirez-vous ?
Juve entra dans la pi`ece, referma soigneusement la porte, sourit, puis tr`es franchement, tendit la main `a Sonia Danidoff.
— Princesse, je suis ici pour vous parler d’une affaire int'eressante, mais qui ne peut vous causer aucune esp`ece de d'esagr'ement.
— Mais, monsieur Juve.
— Non plus qu’`a M. Ellis Marshall.
Juve s’amusait visiblement.
— A^oh, r'epondit l’Anglais, je suis enchant'e, monsieur Juve, de faire votre connaissance et serais tr`es heureux d’apprendre ce qui me vaut le plaisir de votre visite. Venez-vous nous voir, Mme Sonia Danidoff et moi, au sujet du proc`es ? ou alors…
Il allait parler, c’'etait s^ur, du maroquin rouge. La princesse ne lui en laissa pas le temps.
— Taisez-vous donc, mon cher Ellis, dit-elle, M. Juve va certainement nous expliquer ce qu’il d'esire ?
— Vous avez raison, fit Juve, je crois, monsieur Marshall que vous ^etes ici, `a Quimper, en compagnie de la princesse Sonia Danidoff pour vous plaindre du vol d’une automobile, vol dont vous avez souffert r'ecemment alors que vous vous rendiez `a la Pointe Saint-Mathieu, et qui est, si je ne m’abuse, imput'e `a OEil-de-Boeuf. Est-ce exact ?
— C’est exact, mais en quoi ?
— En quoi cela m’int'eresse-t-il ? continuait Juve, mon Dieu, cela me touche directement. Figurez-vous, monsieur Ellis Marshall, figurez-vous, princesse, que j’'eprouve en ce moment de violents remords. Si vous ne voulez pas, en effet, vous en rapporter `a ma parole, je vais ^etre cause d’une erreur judiciaire. Le r'equisitoire et l’acte d’accusation font en effet grief `a OEil-de-Boeuf de vous avoir vol'e votre voiture. Or, OEil-de-Boeuf n’a jamais touch'e `a votre automobile. Je puis vous en donner ma parole.
— Qui donc a vol'e cette voiture ? demanda Sonia, n’est-ce point la bande des naufrageurs ? Parlez, parlez, Juve.
— Qui a vol'e cette voiture, princesse ? mais moi, moi, tout simplement, moi, Juve aid'e de mon ami J'er^ome Fandor.
Il expliqua comment.
— Dans dix minutes, conclut Juve, vous allez monsieur Marshall et vous princesse, t'emoigner contre OEil-de-Boeuf. Vous pouvez le croire coupable. C’est pour cela que je suis `a Quimper.
'Etait-ce r'eellement pour 'eviter `a Ellis Marshall et `a Sonia Danidoff de faire une d'eposition inexacte que Juve s’'etait rendu `a Quimper ?
On e^ut pu en douter `a voir avec quel soin, quelle passion, Juve suivait les d'ebats.
`A la v'erit'e le policier se doutait parfaitement qu’OEil-de-Boeuf 'etait innocent du crime que la justice lui reprochait. Juve, de plus, savait que la fille de Fant^omas s’'etait enfuie, non d'eguis'ee cette fois, sous sa v'eritable apparence de femme, `a bord de la roulotte du p`ere et de la m`ere Zizi, et que certainement, elle avait d^u, lors du naufrage du Skobeleff, conserver son d'eguisement d’aspirant de marine.
Il n’avait pas eu de peine, en cons'equence `a deviner qu’OEil-de-Boeuf n’avait nullement assassin'e l’aspirant de marine qu’on lui reprochait d’avoir tu'e, et qui n’'etait qu’un cadavre
Non.
Et c’est pourquoi Juve, tr`es 'emu, assistait au proc`es d’OEil-de-Boeuf, appr'ehendant, `a juste titre, une erreur judiciaire qui entra^inerait la condamnation `a mort de la sinistre crapule, qui certes m'eritait largement la peine capitale, mais pas pour les faits qui allaient la lui valoir.
Juve, `a la reprise de l’audience, avait 'et'e s’installer au bout du pr'etoire, sur l’une des banquettes de bois r'eserv'ees au public. Il fut tout surpris de voir venir prendre place `a c^ot'e de lui, un extraordinaire petit bossu, vieux et sale, remarquablement loquace, qui, tout de suite, engagea la conversation avec lui, en d'eclarant, p'eremptoire :
— Pour moi, vous savez, l’accus'e est compl`etement innocent. Jamais OEil-de-Boeuf n’a tu'e cet officier. Qu’en pensez-vous ?
— Vous avez raison, r'epondit-il au bossu, instinctivement satisfait de rencontrer quelqu’un de sympathique `a l’accus'e. Cet homme est certainement innocent du crime qu’on lui reproche. Malheureusement, comment le prouver ?
— Eh, dit le bossu, comment le prouver ? je ne sais pas moi. Ce n’est pas mon m'etier. C’est affaire aux agents de la S^uret'e. Ce devrait ^etre `a eux de toujours trouver les coupables et de toujours d'efendre les innocents.
Or, Juve, 'etonn'e de la remarque, eut `a peine le temps de tourner la t^ete dans la direction de son myst'erieux interlocuteur, que celui-ci se levait, et, sans prendre garde aux signes imp'eratifs de l’huissier que scandalisait un pareil sans-g^ene, traversait le pr'etoire, s’en allait vers la porte de la salle, la franchissait, disparaissait.