L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Qu’est-ce que nous allons faire ?
Albert, d'ej`a regarda autour de lui :
— Nous allons le cacher dans un wagon en r'eparations, dit-il sur un ton sans r'eplique.
Les deux hommes prirent le mort, l’un par les bras, l’autre par les jambes, ils le hiss`erent par-dessus une haie, ils le tra^in`erent `a moiti'e, le portant `a demi jusqu’`a un grand wagon-lit.
Albert escalada la voiture, ouvrit l’une des porti`eres.
— Passe-moi la viande, commanda-t-il. On va le mettre sur une banquette.
— Attends un peu. Laisse-moi d’abord lui faire la petite op'eration que tu sais.
Quelques instants apr`es, Louis se redressait et avec l’aide de son compagnon, hissait le corps, la t^ete heurtait `a l’un des panneaux de t^ole et le cerveau s’y 'eclaboussait, y marquant une tra^in'ee sanguinolente…
Alors Albert hurla :
— Fais donc attention, mon salaud, voil`a maintenant que tu as flanqu'e du sang partout. S^urement les ouvriers verront cette tache-l`a demain matin et ouvriront le compartiment, ils trouveront Didier.
Il n’entrait 'evidemment pas dans les desseins de l’assassin que le cadavre f^ut rapidement retrouv'e. Enferm'e dans le wagon-lit, il n’aurait 'et'e sans doute d'ecouvert que fort longtemps apr`es. La tache de sang maculant la porti`ere, visible de l’ext'erieur, allait au contraire attirer l’attention d`es le lendemain matin.
Que faire ? Les deux meurtriers tinrent conseil.
Louis proposait :
— Il y a des pots de peinture par-l`a ? Si j’essayais d’en renverser un sur le panneau de t^ole ?
— Essaye.
Mais la peinture adh'erait mal et puis le rem`ede 'etait pire que le mal. Les ouvriers s’'etonneraient de ce pot de peinture renvers'e sur la t^ole du compartiment.
Albert s’'enervait :
— Qu’allons-nous en faire ? Dans le wagon on le retrouvera tout de suite. Et de toute facon maintenant, comme on d'ecouvrira fatalement la banquette tach'ee de sang, on fouillera l’entrep^ot, ah, sapristi… Plus loin il y a la Seine.
Et sans doute, il songeait alors que le fleuve qui roule dans ses flots limoneux tant de myst'erieux cadavres anonymes, pourrait bien en rouler un de plus.
Albert 'etait encore debout, sur le marchepied du wagon-lit. Il sauta, il courut `a une sorte de petit chariot, `a un
— Nous allons le coller l`a-dessus et le charrier jusqu’`a la flotte.
Ce qu’ils firent. Albert avait pris une corde. Ils ficel`erent le corps sur le diable. Ce fut alors une marche lugubre. En avant, `a quelque distance pour 'eviter les rencontres possibles d’un gardien, Louis marchait. Albert, derri`ere, tirait le diable sur lequel reposait le corps. Il y avait sur leur chemin des obstacles de toutes sortes, des rails qui faisaient tressauter le cadavre, de l’herbe o`u les roues du chariot enfoncaient, des barri`eres qu’il fallait 'eventrer. Cela dura une heure. Il leur fallut une bonne heure pour atteindre la berge de la Seine.
Alors Albert d'eficela le corps. Aid'e de son compagnon, il empila dans les poches du pardessus des pierres, des boulons, des morceaux de ferraille. Puis il lia les pieds, puis encore il attacha le mort par les chevilles `a une longue corde et enfin, il le pr'ecipita dans le fleuve :
— Je pense bien qu’il va couler, disait Albert et pour plus de s^uret'e nous allons le tra^iner comme une vulgaire p'eniche `a quinze cents m`etres d’ici. Si on retrouve des traces de notre passage on ne fouillera pas le fleuve si loin.
Les deux hommes tir`erent sur la corde, tir`erent le cadavre.
D’abord, se fut tr`es dur, puis, tout d’un coup ce fut plus facile. Ils 'echang`erent un regard 'epouvant'e, ils ne tiraient plus sur le corps, c’'etait le corps qui les tirait. Louis l^acha la corde… Albert voulut r'esister, r'esista une seconde, la l^acha `a son tour… elle tomba au fleuve, elle fila.
Mais Albert avait d'ej`a retrouv'e ses esprits.
— Nous sommes b^etes, d'eclara l’assassin, ce n’'etait pas Didier qui nous tirait. Il est bien mort, parbleu, c’est le courant qui l’entra^inait plus vite que nous ne marchions.
***
Il 'etait `a peu pr`es deux heures et quart au moment o`u les assassins laissaient 'echapper la corde du cadavre qu’ils avaient jusqu’alors remorqu'e. Dix minutes plus tard, `a deux heures vingt-cinq, `a peine, d’un fourr'e de cette berge de la Seine o`u le cadavre de Didier Granjeard venait de s’engloutir, un homme sortait avec pr'ecaution, il regardait de tous c^ot'es avant de quitter sa cachette, puis s’'eloignait `a grands pas.
Cet homme, monologuait `a voix basse :
— C’est une terrible affaire. Il va falloir jouer serr'e.
Il marchait tr`es vite, de plus en plus vite.
Et cet homme-l`a, c’'etait l’ami de Riquet. Si Riquet l’avait rencontr'e il lui aurait demand'e :
— Monsieur Juve, d’o`u venez-vous ? Que venez-vous de voir ?
5 – PR'ESENTATIONS
Il 'etait `a peu pr`es huit heures du matin, le boulevard pr'esentait son maximum d’animation, des ouvriers, des employ'es, se h^ataient vers leur travail. Riquet, lui, ne semblait nullement press'e de reprendre la direction de Saint-Denis o`u on devait, `a la m^eme minute, le porter absent.
Riquet semblait de la meilleure humeur du monde. Le spectacle de la rue l’amusait prodigieusement. Un corbillard passait, au trot, Riquet interpella le cocher :
— Eh dis donc, mon vieux, va pas si vite, ton client a pas eu le temps de monter.
Plus loin, c’'etait une voiture de blanchisserie :
— Tiens, v’l`a toute la salet'e de la bourgeoisie qui passe, salut et respect.
Dans la poche de Riquet, tintaient quatre sous. Il avait d'ej`a fait deux visites `a un marchand de marrons 'etabli au coin d’un caf'e et il avait command'e gravement :