L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Attention.
— C’est lui ?
— C’est lui.
Les pas se rapproch`erent. L’homme qui venait fut `a la hauteur des deux hommes embusqu'es.
Au moment o`u le passant allait s’'eloigner, Albert avanca de deux pas au milieu du trottoir, tournant le dos au r'everb`ere voisin, il avait le visage dans l’ombre et ne pouvait pas ^etre vu, mais il discernait parfaitement l’individu qu’il allait accoster.
— Monsieur ?
Le passant s’arr^eta.
— Monsieur ? continua Albert.
L’homme se retourna.
— Quelle heure est-il ?
Le passant, peut-^etre, allait r'epondre. Mais comme il ouvrait la bouche, Albert le frappa d’un coup de poing `a la tempe. Sans pousser un cri, sans un g'emissement, tant l’attaque avait 'et'e soudaine et prompte, le passant tomba. Et ce fut Albert, qui appela `a mi-voix :
— `A moi. Il en tient.
Comme son compagnon arrivait `a la rescousse, Albert se jetait `a genoux sur la poitrine de l’homme qu’il venait d’abattre, il levait son poing, arm'e d’une sorte de massue de fer, il allait frapper encore. Albert, cependant avait mal calcul'e son affaire. Il croyait l’homme tu'e, l’autre n’'etait qu’'etourdi. Au m^eme moment, tandis que Louis accourait, le passant parut reprendre ses esprits. Son corps eut un brusque soubresaut. Il 'echappa `a l’'etreinte de son agresseur, para son nouveau coup de poing, parvint `a se remettre debout, 'etreignit Albert `a la gorge.
— Mis'erable ! canaille !
— Nom de Dieu, fit l’autre.
Albert, pourtant repoussait l’homme, parvenait `a frapper encore :
— Cr`eve donc.
Atteint `a la tempe cette fois, le malheureux passant s’'ecroula derechef.
La victime, d'ecid'ement, avait du coffre. D’autres eussent 'et'e assomm'es par les deux terribles coups qu’il venait de recevoir, lui n’en 'etait encore qu’'etourdi. Pour la seconde fois il parvint `a se redresser. En m^eme temps il tirait un revolver de sa poche, il allait le braquer sur son agresseur.
— Bougre de bon Dieu, jura le compagnon d’Albert, il va faire du p'etard.
Et il se pr'ecipita en avant, saisit l’homme aux 'epaules, le secoua.
— Hardi Albert, hardi, qu’est-ce qui te prend ? t’es donc devenu cossard ? assomme-le, cr'e matin !
L’homme n’eut pas le temps de tirer. Albert lui avait saisi le poignet, l’avait tordu violemment : on entendit les os craquer, le revolver 'echappa au poignet bris'e, tomba sur le sol. Le passant ne devait plus avoir une nette conscience des choses. Pourtant il voulait encore r'esister : Louis r'ep'eta :
— Mais tue-le donc, tue-le donc !
L^achant les 'epaules du malheureux passant, il se jetait `a genoux, il le prenait par les jambes, il le jetait sur le sol et c’'etait au tour d’Albert, d’achever la sinistre besogne.
Il se laissa tomber sur l’homme renvers'e qui ne bougeait plus gu`ere, il s’accroupit sur lui, il leva son poing, arm'e d’une massue, il lui en frappa le cr^ane `a coups redoubl'es.
— Que je le tue ? parbleu, j’suis l`a pour ca. Tu as raison, tuons-le, tuons-le.
Comme on bat un fer sur une enclume, il martelait de sa massue le cr^ane de l’homme sur les dalles du trottoir. D’abord, les os r'esist`erent, puis la bo^ite cr^anienne craqua, et soudain, Albert eut le sentiment qu’il tapait sur quelque chose de mou, qu’il avait atteint le cerveau. Mais comme une brute, il continua de frapper. Son compagnon pourtant, venait de l^acher les jambes du malheureux passant. Il calmait la furie de son complice :
— Assez, assez, bon Dieu, tu vas flanquer du sang partout.
— C’est vrai. Bon Dieu, ca a 'et'e dur. Bah, c’est fait.
Ils rest`erent l`a tous les deux devant l’homme mort, sans dire mot, puis Albert reprit son sang-froid :
— Maintenant il faut s’en d'ebarrasser.
L’autre eut un haussement d’'epaules.
— C’est bien lui au moins ?
Albert retourna le corps : il se pencha sur la face, il 'eclata de rire :
— Oui, c’est bien Didier.
***
Ils s’appr^etaient `a fuir, lorsque celui qui s’'etait fait appeler Albert se redressa brusquement :
— Nom de nom, on vient !
— Les hirondelles. On est cuits.
Il jetait autour de lui des regards 'epouvant'es, il 'etait pr^et `a fuir, `a s’'elancer par-dessus la haie voisine, `a dispara^itre dans l’ombre complice des terrains vagues. Son compagnon le retint. Les agents 'etaient trop loin pour avoir pu voir la sc`ene, mais trop pr`es aussi pour ne point avoir distingu'e leurs ombres.
— Pas de b^etise. Reste. Tu veux donc qu’on prenne notre signalement, qu’on nous retrouve tout de suite. Reste, il faut… Tiens, prends-le sous le bras, comme moi, hardi, tu vas voir.
Tout en parlant, Albert avait pris le mort sous l’un des bras, il le soulevait `a moiti'e, disant :
— Viens donc, mon pauvre vieux, faut pas te coucher l`a, comme ca, qu’est-ce qu’elle dirait ta femme demain ? allez, quoi, un peu de courage, h'e vieux fr`ere, ne te laisse pas porter.
Ils firent ainsi quelques pas. Albert continuait :
— Si c’est possible, tout de m^eme d’^etre plein comme ca. Quelle gueule de bois il aura demain. Ah, mes enfants.
`A ce moment, les agents cyclistes croisaient le groupe, l’un des agents leur jeta :
— Dites donc, est-ce que vous allez loin avec votre copain ?
— Pas tout pr`es, pourquoi ?
— Eh bien, bonne promenade. Il a de la veine que vous soyez l`a. Nous l’aurions bien ramass'e. Il en tient une, hein ?
— Tu parles !
Les agents s’'eloignaient, les deux assassins tra^in`erent le mort quelques pas encore. Mais Louis d'efaillait :
— Si je les ai eues `a z'ero, alors. Tu as eu une bonne id'ee d’imaginer le truc de l’ivrogne.
Et comme il 'etait `a bout de force, comme une sueur froide perlait `a son front, comme ses jambes se d'erobaient sous lui, il l^acha le cadavre, qui soudain abandonn'e, entra^ina presque Albert `a son tour.