L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— De m’en emp^echer ?
— De t’en emp^echer. Tu es ici, enferm'ee prisonni`ere…
— Moi ? ah, par exemple, mais pourquoi veux-tu que je reste ?
— Parce que j’ai peur.
— Serais-tu devenue mon ennemie, Blanche ?
— Oh, H'el`ene, tu as pu croire un seul instant ? Non, mais si j’agis de la sorte, si je te supplie de rester, si je t’y oblige, c’est pour ton bien, assur'ement, car, en agissant de la sorte, je ne fais qu’ex'ecuter les ordres de Juve.
— De Juve ? s’'ecria H'el`ene, au comble de la stup'efaction, tu connais Juve ? Il t’a parl'e de moi ?
Blanche s’expliqua :
— C’est Juve qui m’a conduite ici, lui-m^eme, pour me soustraire aux mal'efices des terribles adversaires que j’avais `a redouter, m’a-t-il assur'e. Il m’a annonc'e depuis quelques jours ta venue, sans te nommer, d’ailleurs, mais en pr'ecisant que j’aurais une compagne sur laquelle je devrais veiller, dont je serais responsable. Cette compagne, c’est toi. Je l’ai compris tout de suite en te voyant.
Blanche fournissait encore quelques explications. H'el`ene n’insistait pas, singuli`erement troubl'ee ; elle r'efl'echissait, se demandant ce que tout cela pouvait bien signifier.
— Il faut aviser, pensa-t-elle, il est bon de ne pas prendre une d'ecision `a la l'eg`ere.
H'el`ene, en effet, avait trop souvent v'ecu de tragiques aventures pour ne pas s’^etre accoutum'ee `a la prudence et `a la circonspection. Et elle renonca provisoirement `a son projet primitif de s’enfuir. Elle d'ecida d’attendre, d’'etudier au pr'ealable la situation, la topographie de l’endroit bizarre et myst'erieux dans lequel elle se trouvait.
Blanche s’ing'eniait `a satisfaire les d'esirs d’H'el`ene, `a pr'evenir ses besoins. Elle lui pr'eparait un repas avec des provisions trouv'ees dans une cuisine merveilleusement am'enag'ee, sans que Blanche p^ut savoir l’origine des approvisionnements que l’on y renouvelait sans cesse.
Blanche avait fait conna^itre `a H'el`ene le petit Jacques, puis, avant que la nuit ne f^ut enti`erement tomb'ee, les deux femmes 'etaient all'ees faire `a pied le tour de la maison.
H'el`ene, aventureuse, audacieuse, sans cesse, voulait s’'ecarter de la maison, p'en'etrer sous les bois pour en interroger le myst`ere, Blanche, craintive la retenait, la suppliait de n’en rien faire, de ne pas s’'eloigner.
Puis, elles 'etaient rentr'ees et, apr`es une longue conversation au cours de laquelle elles envisag`erent les plus extraordinaires hypoth`eses au sujet de leur captivit'e respective, les deux femmes avaient d'ecid'e de se coucher.
Blanche avait dress'e un lit pour H'el`ene dans sa chambre.
Et la fille de Fant^omas, un peu ironique, avait plaisant'e son amie `a ce sujet :
— Tu me surveilles ? avait-elle dit. Je vois que tu te m'efies encore de mon humeur ind'ependante et que tu tiens `a toujours avoir l’oeil sur moi.
Blanche n’avait pas dit non.
***
— H'el`ene.
— Blanche.
— As-tu entendu ?
— Non, rien.
— 'Ecoute, ca recommence.
Au milieu de la nuit les deux femmes avaient 'et'e r'eveill'ees en sursaut, elles ne savaient pas pourquoi. H'el`ene avait ni'e avoir entendu quelque chose, par simple bont'e d’^ame vis-`a-vis de sa craintive amie. Mais, en r'ealit'e, elle avait percu un bruit, un bruit auquel elle ne se trompait pas, bruit net et cat'egorique, ais'ement identifiable, bruit que fait un homme en courant, le bruit de pas lourds et pr'ecipit'es.
Elles pr^et`erent l’oreille toutes deux. Apr`es un silence momentan'e, le bruit des pas recommenca. Il provenait du rez-de-chauss'ee, on reconnaissait fort bien le choc des chaussures, heurtant le dallage en pierre du grand hall.
— Cette fois, murmura Blanche, d’une voix qui tremblait, il n’y a plus de doute.
H'el`ene, d’une voix nette, r'epliqua :
— Il n’y a plus de doute en effet, quelqu’un marche au rez-de-chauss'ee.
— Il monte pr'ecisa Blanche. Je reconnais le bruit de ses pas dans l’escalier.
H'el`ene intrigu'ee, mais courageuse, serrait les poings. Quelques secondes pass`erent, angoissantes, les pas se rapproch`erent. Les deux femmes haletaient.
La porte lentement s’ouvrit avec un bruit sec et net, la serrure qui ne tenait que par une ou deux vis tomba sur le plancher, puis, sortant de l’ombre pour se pr'eciser en pleine lumi`ere, la silhouette d’un homme apparut :
Mais `a peine l’individu 'etait-il entr'e dans la pi`ece que la fille de Fant^omas poussa une exclamation :
— Le Bedeau, s’'ecria-t-elle.
Et, cependant que Blanche ne comprenait pas et reculait instinctivement `a l’extr'emit'e oppos'ee de la pi`ece, la fille de Fant^omas voyait s’ouvrir devant elle des horizons nouveaux, rien que par la pr'esence de cet homme. C’'etait en effet le Bedeau qu’elle avait devant elle, le Bedeau, l’un des plus redoutables apaches, l’un des ^etres les plus brutaux et les plus f'eroces du monde, des bouges et des souteneurs. Le Bedeau 'etait un personnage cruel et n'efaste qu’H'el`ene ne pouvait voir appara^itre devant elle sans ira serrement de coeur, car, cette apparition 'evoquait en elle toute une s'erie de souvenirs, de drames, de tragiques 'ev'enements, auxquels se m^elait toujours le souvenir de son p`ere, de Fant^omas qui, dans de si fr'equentes circonstances, s’'etait trouv'e `a la t^ete de bandes de criminels dont le Bedeau avait toujours 'et'e l’un des plus acharn'es.
L’apache cependant 'etait demeur'e stup'efait en pr'esence d’H'el`ene. Lui aussi la reconnaissait et la saluait d’un surnom que, quelques mois auparavant, on avait donn'e `a la jeune fille, dans le quartier de Belleville qu’elle habitait alors :
— La Gu^epe, murmura-t-il, comment se fait-il que tu sois-l`a ?
Blanche Perrier, p^ale comme un linge, venait d’assister `a cette sc`ene de reconnaissance, elle interrogea d’un ton alarm'e :
— Vous vous connaissez donc ?
— Oui, nous nous connaissons.
Mais H'el`ene ne pr'ecisa pas et, se tournant vers le Bedeau, avec cet air d’autorit'e hautaine qu’elle savait prendre `a l’occasion et qui lui permettait de dissimuler, sous une apparence d’indiff'erence, ses plus grandes appr'ehensions, elle interrogea :
— Que fais-tu ici toi-m^eme le Bedeau ? que nous veux-tu ?
— 'Ecoute, la Gu^epe, tu n’es pas une mauvaise fille, quoi qu’on ait dit sur toi, je sais d’ailleurs qui tu es et qu’on peut te confier un secret. Je n’aurais pas d^u me montrer, je suis mont'e ici parce que j’ai eu peur.