L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Fandor avait guid'e la jeune fille, il l’avait fait sortir de son compartiment, alors que le train s’engageait dans un long tunnel o`u les travaux effectu'es obligeaient le convoi `a ralentir. Sans trop de difficult'es, H'el`ene, qui, d’ailleurs, au Natal, avait pris l’habitude des exercices physiques, se laissait glisser comme le lui recommandait Fandor, sur les tampons d’attelage. Fandor, maintenant, examinait autant qu’il le pouvait les dispositions du tunnel.
— Il est tr`es long, expliqua-t-il `a la jeune fille, il se termine par une gare, mais nous t^acherons de sortir par la prise d’air qu’il y a au milieu, car, `a l’autre extr'emit'e, je sais qu’il y a des ouvriers qui pr'eviennent les trains des travaux. Et maintenant, attention, nous allons sauter.
Il prenait la jeune fille sous le bras, il la maintenait solidement.
— Vous vous pencherez dans le sens contraire `a la marche. Vous n’avez pas peur ?
— Je n’ai pas peur, r'epondit H'el`ene.
— Vous ^etes vaillante, ma ch'erie. Eh bien, nous sauterons `a trois. Je compte : un, deux…
`A trois, ils s’'elanc`erent dans le vide.
Heureusement, Fandor avait merveilleusement choisi son moment. Le train, en effet, ainsi qu’il l’avait pr'evu, marchait `a toute petite allure en raison des r'eparations effectu'ees sur la voie. J'er^ome Fandor et H'el`ene 'evit`erent heureusement d’^etre jet'es sous les roues du convoi. Ils roul`erent bien sur le sol, mais leur chute ne fut pas trop terrible :
— Vous n’avez rien ? cria Fandor.
— Rien du tout, r'epondit H'el`ene.
Et, en m^eme temps, avec une gaminerie d'elicieuse, elle se redressa, elle jeta dans le noir du tunnel o`u les lumi`eres rouges du train s’'eloignaient, un grand cri, un cri de d'elivrance :
— Vive la libert'e !
***
Vingt minutes plus tard, apr`es avoir 'eprouv'e la joie la plus folle au moment o`u il faisait 'evader H'el`ene, J'er^ome Fandor 'etait en proie au plus stupide 'etonnement, et `a la plus morne inqui'etude.
Il se trouvait toujours dans le tunnel o`u l’'evasion s’'etait produite, mais il s’y trouvait seul. H'el`ene n’'etait plus l`a. H'el`ene, en quelque sorte, avait myst'erieusement disparu sous ses yeux, sans qu’il p^ut rien faire pour la rejoindre.
Ayant repris leur marche, en effet, le journaliste et la jeune fille avaient rapidement atteint la prise d’air sur laquelle Fandor comptait pour sortir du tunnel sans ^etre oblig'e de passer par l’une de ses extr'emit'es, qui 'etait dangereusement gard'ee, l’une par la gare, l’autre par les ouvriers charg'es d’avertir les trains. Malheureusement, la prise d’air qui devait permettre au journaliste et `a sa fianc'ee, de s’'evader d'efinitivement, 'etait constitu'ee par une sorte de chemin'ee d'ebouchant probablement en pleine montagne, et creus'ee dans la vo^ute du tunnel qu’elle percait presque `a son sommet.
Fandor n’avait pas pens'e `a cela !
Tromp'e par des renseignements inexacts, il avait cru que la prise d’air descendait jusqu’au sol, il n’en 'etait rien, et d`es lors, il se demandait comment lui et H'el`ene allaient pouvoir se hisser dans ce conduit dont l’orifice 'etait ironiquement dress'e `a plus de cinq m`etres au-dessus de leur t^ete.
Le jeune homme et la jeune fille, perplexes, r'efl'echissaient encore, lorsqu’ils eurent une surprise absolument extraordinaire. Devant eux, en effet, quelque chose descendait lentement qui raclait les parois de la fameuse prise d’air. Et J'er^ome Fandor et H'el`ene qui, d’abord, avaient cru `a quelque 'eboulement de terrain, `a une pierre d'egringolant `a la suite d’une pluie quelconque, demeuraient muets d’effroi et de joie `a la fois en reconnaissant qu’il s’agissait d’une 'echelle, d’une 'echelle qui, miraculeusement, semblait venir s’offrir `a eux pour faciliter leur escalade.
J'er^ome Fandor n’h'esita pas.
— Mordieu, murmura-t-il, quand j’ai eu besoin d’une 'echelle pour sortir de Saint-Lazare, il s’est trouv'e une vieille femme extraordinaire pour m’en apporter une juste `a point. Tout `a l’heure, quand, dans votre wagon, je faisais trop de bruit en sciant le plafond, une autre vieille femme ou la m^eme, je n’en sais rien, s’est trouv'ee chanter juste au bon moment. Et voici que maintenant, comme nous ne savons de quelle facon nous en aller, une 'echelle nous arrive, c’est peut-^etre une troisi`eme vieille femme qui nous l’envoie, car enfin, ce ne peut pas ^etre la m^eme que celle qui chantait dans le wagon ?
Ce n’'etait pas le moment d’'epiloguer.
— Montez, conseillait Fandor `a H'el`ene, cette 'echelle est fragile et pourrait se rompre sous notre poids. Montez seule, une fois hors de danger et au sommet du puits, vous m’appeliez et je vous rejoins.
H'el`ene s’empressa d’ob'eir au jeune homme et gravit quelques 'echelons. Mais, elle n’en gravit que trois ou quatre. `A peine avait-elle commenc'e `a monter, en effet, qu’elle poussait un cri terrible, un cri auquel r'epondait une exclamation de J'er^ome Fandor.
L’'echelle `a laquelle se cramponnait la jeune fille, venait de bouger en effet. On la hissait. Elle remontait vers l’ouverture. Et, tandis qu’H'el`ene instinctivement, s’accrochait `a l’'echelle, sans penser `a sauter en arri`ere, Fandor avait beau, lui, jurer, hurler, faire un vacarme de tous les diables, il ne parvenait pas `a rattraper le dernier 'echelon. On lui enlevait H'el`ene sous les yeux.
***
Vingt minutes plus tard, n’entendant rien, perdu dans la nuit du tunnel, comprenant bien qu’H'el`ene, puisqu’elle ne lui donnait pas signe de vie, avait 'et'e victime de quelque aventure extraordinaire, J'er^ome Fandor se d'ecidait `a abandonner l’orifice de la chemin'ee d’a'eration.
Un train de marchandises traversait `a ce moment le tunnel. J'er^ome Fandor, la mort dans l’^ame, y monta. Il se faufila dans un wagon, un wagon qu’occupaient d’'enormes vaches, qui, de leur mufle roux, le flair`erent m'elancoliques, et l`a, `a bout de forces, bris'e de fatigue, accabl'e, il se laissa tomber sur leur liti`ere, et s’endormit d’un sommeil de plomb.
14 – NUIT DE TERREUR
— Qui va l`a ?
— Qui est l`a ?
Deux voix retentissaient dans la nuit, troublaient le silence de cette maison d'eserte o`u les rares bruits r'esonnaient, se r'ep'etaient lugubrement.
Il semblait que ces deux cris avaient 'et'e pouss'es par deux voix de femmes, l’une atterr'ee, l’autre un peu plus grave mais gouailleuse. Les interrogations avec un peu plus de nervosit'e dans le ton reprirent :
— Qui va l`a ?
— Qui est l`a ?
Soudain, la lumi`ere qui filtrait sous le pas d’une porte soigneusement close s’'eteignit brusquement, puis ce fut le silence qui dura un instant. Enfin la premi`ere voix reprit :
— R'epondez, c’est moi qui ai march'e. N’ayez pas peur.