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La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Mme Olivet l’ayant apercu, grommela d’un air vex'e :

— Bon, encore lui.

Cependant Fandor souriait en s’adressant au nouvel arrivant :

— Bonjour, mon cher Monsieur Olivet. Par exemple, ca me fait plaisir de vous voir. Et comment va la sant'e ce matin ?

— Mais pas mal, pas mal, Monsieur Fandor, mais c’est `a vous qu’il faut demander cela.

Sans attendre de r'eponse, M. Olivet jeta un regard inquiet et timide du c^ot'e de sa femme.

— Ma ch`ere Valentine, fit-il, excusez-moi de vous d'eranger mais il y a en bas quelqu’un qui vous demande, c’est un client qui vient pour une consultation.

— J’y vais, d'eclara s`echement Mme Olivet, et elle quitta la pi`ece.

Quelques instants encore, son mari demeurait avec Fandor, s’enqu'erait `a nouveau de sa sant'e.

— Cette pauvre jambe, murmurait-il, ne se gu'erit donc pas ?

Puis il ajoutait :

— Excusez-moi, Monsieur Fandor, de vous quitter, mais il faut que je m’occupe du m'enage, c’est aujourd’hui lundi, on fait le pot-au-feu et comme vous savez, ca prend du temps `a cuire. Pour qu’un pot-au-feu soit bon, il faut le mettre sur le feu d`es l’aube.

Fandor 'etouffa un fou rire tant que M. Olivet ne l’avait pas quitt'e, mais d`es qu’il se trouva seul, le journaliste donna libre cours `a sa ga^it'e :

— Ah, quels types, quels types, s’'ecria-t-il, v'eritablement je suis tomb'e, c’est le cas de le dire, dans une bien dr^ole de maison. Encore une fois, poursuivit le journaliste, je viens de l’'echapper belle avec la captivante Mme Olivet. Chaque jour, ma vertu court des risques de plus en plus s'erieux et je me demande s’il ne faudra pas qu’`a un moment donn'e ma pudeur ne c`ede `a ses br^ulantes invites. D'ecid'ement, quelle dr^ole de maison.

Fandor n’avait pas repris son roman-feuilleton. Le journaliste regardait autour de lui et consid'era d’un air distrait l’ameublement 'el'egant, confortable, du petit salon anglais dans lequel il 'etait install'e. Cet int'erieur 'etait vraiment charmant. Meubl'e avec go^ut, il y avait, dans les moindres d'etails, de la d'elicatesse et du charme, on retrouvait partout la trace discr`ete de cette Mme Olivet, qui savait donner de l’allure aux moindres choses.

`A c^ot'e de sa chaise-longue, Fandor avait `a port'ee de la main une petite table, un gu'eridon laqu'e blanc, sur lequel 'etait dispos'e un plateau portant lui-m^eme une carafe avec de l’orangeade. Plus loin, 'etait un 'el'egant 'etui `a cigarettes, puis, sur un fauteuil, `a proximit'e du canap'e, encore des livres, des journaux.

Comment Fandor se trouvait-il l`a ? Pourquoi le journaliste demeurait-il 'etendu sur cette chaise-longue, immobile ? 'Etait-il bless'e ?

Oui, sans doute, Fandor 'etait bless'e. Sous son pantalon, sa jambe gauche paraissait rigide et enfl'ee d’une facon anormale. En fait, cette jambe, depuis le genou jusqu’`a la cheville, 'etait immobilis'ee dans un pansement de ouate et de pl^atre qui permettait de comprendre `a quiconque le voyait que le journaliste 'etait en train de se gu'erir d’une fracture.

Fandor devait avoir fort envie, ce jour-l`a, de s’assurer des progr`es de sa gu'erison, car, 'etant bien certain qu’il 'etait seul d'esormais dans la pi`ece, il se souleva de sa chaise-longue et avec mille pr'ecautions essaya de poser `a terre son pied malade.

La premi`ere exp'erience parut le satisfaire, car, forcant sur son pansement, le journaliste parvint `a plier la jambe et `a faire remuer l’articulation de sa cheville. Puis, satisfait encore de ce nouvel essai, il se leva. Fandor s’appuya d’abord, avec une instinctive m'efiance, sur les meubles qui se trouvaient `a sa port'ee, mais s’enhardissant bient^ot, il commencait `a marcher sans aucune aide, puis, peu `a peu, il laissa peser le poids de son corps sur la jambe malade et constata avec une joie sans bornes, que celle-ci ne paraissait nullement en ^etre affect'ee.

— Nom d’un chien, jura Fandor, c’est extraordinaire ! Mais j’ai beau faire tous les mouvements d'efendus, je n’'eprouve absolument aucune souffrance. Qu’est-ce qu’elle me raconte que ma jambe doit ^etre extraordinairement affaiblie ? Jamais je ne me suis senti les muscles aussi vigoureux.

Le journaliste fit quelques pas, plia les jarrets, sauta m^eme, alla `a cloche-pied.

— Mais, c’est inou"i, continua-t-il, de ma vie je n’ai eu autant de souplesse, ni autant de vigueur.

Il ricana :

— Eh bien, ceux qui pr'etendent que l’on souffre lorsque l’on a la jambe cass'ee sont de rudes imposteurs, tout au moins d’invraisemblables douillets. En voil`a une bonne blague. C’est-`a-dire que si on ne vous assurait pas que vous avez une fracture, l’on ne s’en apercevrait point. Voil`a quinze jours que je suis immobilis'e, et c’est `a peine si j’ai souffert pendant deux heures. Bravo, bravo, mais c’est que je vais extraordinairement bien !

Le journaliste sauta en l’air. Retomb'e lourdement sur le plancher, il s’arr^eta net.

— Oh, oh, fit-il, j’entends du bruit, ca doit ^etre cette excellente et redoutable Mme Olivet qui revient, allons nous allonger.

Avec une agilit'e extraordinaire de la part d’un homme que l’on soigne pour une jambe cass'ee, Fandor bondit jusqu’`a la chaise-longue et s’y 'etendit en l’espace d’une seconde. Il pr^eta l’oreille :

— Je me suis tromp'e, fit-il, mais la brave femme ne doit pas ^etre loin, m'efions-nous.

En effet, on entendait aller et venir dans la pi`ece voisine.

Depuis quinze jours, comme il l’avait annonc'e, Fandor vivait une existence bizarre. Il recevait les soins assidus de Mme Olivet, `a la suite d’une m'esaventure singuli`ere. Quinze jours auparavant, en effet, Fandor avec son ami Juve, poursuivait leur redoutable adversaire, l’insaisissable Fant^omas, dans un restaurant aux allures myst'erieuses et louches, de la rue Froidevaux. Le policier et le journaliste s’'etaient trouv'es dans une salle de cet 'etablissement connu sous le nom de L’'Epervier, seuls avec Fant^omas et sa bande.

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