La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Naturellement, fit M. Hoch, puisque c’est un agent secret.
— Mais qui est-ce ? o`u est-il ?
— Mai foi, je n’en sais rien, poursuivit M. Hoch, cet homme, qui est arriv'e en m^eme temps que vous a disparu de l’Imp'erial pr'ecis'ement depuis le soir o`u il a arr^et'e le spahi.
— Chut, Monsieur Hoch, silence, ne parlez pas de cette affaire. Pour l’amour de Dieu, ne laissez pas 'ebruiter l’histoire. C’est l’essentiel. Car il n’y aura pas de scandale `a Madrid `a propos de ces aventures de femmes qui se sont si tragiquement termin'ees. Mais encore, M. Hoch, pourquoi 'etait-il l`a, cet agent secret ?
— Je ne puis vous le dire, Monsieur le marquis, je n’en sais rien, ce ne sont pas mes affaires.
— Il ne nous 'etait d’aucune utilit'e.
— Pardon, Monsieur le marquis, mais cet agent secret a arr^et'e le meurtrier de la jeune femme qui se trouvait avec Son Altesse Royale, ils 'etaient m^eme deux, lui et sans doute un de ses coll`egues.
— M. Hoch, ah, par exemple, cela devient trop fort ! Vous allez en compter quatorze maintenant et pour peu que ca continue.
— Non, Monsieur le marquis, dit le g'erant, vous ne me laissez pas finir ma phrase. Je disais que l’arrestation a 'et'e op'er'ee par votre agent, l’agent secret c’est-`a-dire la treizi`eme personne qui figure sur ma note et probablement par un de ses coll`egues, un policier de Biarritz qui n’a point fait de d'epenses `a mon h^otel et que je ne fais point figurer sur mon relev'e.
— Que voulez-vous ? fit le marquis, d’un air d'esesp'er'e, il faudra bien que je me r'esigne. Voyons la note de ce treizi`eme. Qu’a-t-il d'epens'e ? Mais c’est scandaleux ! Effrayant ! Tous les jours une bouteille d’un premier cru, des cigares de luxe, des liqueurs fines, et dire qu’on ne m’a ouvert un cr'edit que pour douze personnes !
— Vous avez du profit, Monsieur le marquis, fit observer doucement le g'erant, puisque je vous consens un escompte personnel.
— C’est vrai, reconnut le majordome, j’ai dix pour cent sur la note, mais s’il faut que je paie pour ce treizi`eme je ne gagne plus rien.
Cela 'etait parfaitement indiff'erent au g'erant de l’Imp'erial H^otel, qui essayait de conclure l’entretien en appelant le caissier pour prendre l’argent qu’avec regret le marquis tirait de sa poche :
Celui-ci se lamentait :
— Tout mon b'en'efice y passe, en entier. D'ecid'ement ce s'ejour `a Biarritz ne nous a 'et'e profitable, ni `a Son Altesse Royale, ni `a moi.
M. Hoch eut piti'e du pauvre grand seigneur.
— Vous r'eclamerez un suppl'ement pour cet agent suppl'ementaire.
— Oui 'evidemment, dit le marquis, qui ne s’en allant pas, impatientait le g'erant. 'Evidemment je r'eclamerai au minist`ere de l’Int'erieur, mais vous ne les connaissez pas aux Finances de Madrid. Ils sont capables de me rembourser en pesetas et alors je perdrais au change.
— Eh bien, qu’est-ce que vous diriez si au lieu de vous faire votre note en francs, je l’avais compt'ee en marks qui valent vingt-cinq sous ? Et c’'etait mon droit apr`es tout, puisque l’Imp'erial H^otel est, en somme, une soci'et'e allemande. Estimez-vous donc bien heureux, Monsieur le marquis et au plaisir de vous revoir.
L’infortun'e majordome, machinalement, serra la main que lui tendait le g'erant et s’en alla t^ete basse, porte-monnaie vide. Mais, sit^ot dans le hall de l’h^otel, comme il y apercevait quelques jolies femmes, il retroussa la moustache, tendit le jarret. Ce n’'etait plus le majordome qui venait de r'egler ses comptes avec le g'erant de l’h^otel, c’'etait le Grand d’Espagne qui passait.
Cependant le personnage qui avait 'ecout'e, depuis le d'ebut, cet entretien, non sans avoir failli `a maintes reprises 'eclater de rire, n’'etait autre que Juve.
Toutefois, si le policier avait 'et'e amus'e par les mesquines r'ecriminations du majordome espagnol et les calculs brutaux de l’employ'e allemand, quelque chose dans tout cela l’avait fortement intrigu'e.
— Dr^ole de police, avait-il pens'e en premier lieu que cette police espagnole dont les inspecteurs ne paient pas leurs notes et les font porter sur le compte des grands personnages qu’ils suivent.
Mais, apr`es un instant de r'eflexion, Juve 'etait revenu sur cette opinion.
— Cette histoire d’agent secret, se disait-il `a lui-m^eme, m’appara^it suspecte. Et puis, quelle co"incidence bizarre… Cet agent charg'e de prot'eger l’infant d’Espagne et qui dispara^it aussit^ot apr`es avoir arr^et'e un militaire qui vient de tirer sur une femme avec laquelle Son Altesse Royale avait 'evidemment rendez-vous, tout cela me para^it louche.
Juve eut encore une autre pens'ee :
— Peut-^etre, songea-t-il, ce Monsieur Hoch a-t-il des instructions pr'ecises pour dire au majordome que l’agent secret 'etait parti, alors qu’il n’en est rien ?
Juve, en effet, avait appris par quelques paroles prononc'ees par les domestiques qui passaient et repassaient dans le hall, que si don Eugenio d’Aragon avait quitt'e l’h^otel depuis une heure, quelques gens de sa suite s’y trouvaient encore. Il 'etait donc fort possible que l’agent secret ne f^ut pas encore parti. Juve s’approcha du cabinet de M. Hoch :
— Monsieur, dit-il, je serais fort d'esireux de voir la personne que vous d'esignez sous le nom d’agent secret, agent de la police espagnole sans doute ?
Juve se faisait aimable, esp'erant qu’il pourrait avoir le renseignement sans ^etre oblig'e de r'ev'eler sa qualit'e d’inspecteur de la s^uret'e. Ceci n’'etait pas n'ecessaire en effet. M. Hoch, tout en signant des lettres, en acquittant des factures, en v'erifiant des menus et en 'epongeant d’un coup de tampon buvard les lignes trac'ees `a la h^ate sur un 'enorme livre r'epliqua d’un ton bourru :
— L’agent secret ? Parti.
— Depuis combien de temps, s’il vous pla^it, Monsieur ?