La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Du lit o`u reposaient F'elicie Lapeyrade et son amant, la respiration r'eguli`ere des dormeurs montait de facon rassurante. Mais sans doute, le moindre craquement r'eveillerait l’un des deux amants ?
Fant^omas allait se d'ecider `a tenter l’aventure, `a s’approcher de la porte, `a l’ouvrir en appelant `a son aide toute sa science, toute son adresse, lorsqu’un 'ev'enement impr'evu vint ruiner son projet.
Un poing robuste heurtait pr'ecis'ement la porte, en m^eme temps qu’une voix, une grosse voix, une voix bon enfant, criait avec un fort accent marseillais :
— T'e, c’est moi F'elicie, ouvre donc, ma jolie, allons, r'eveille-toi pas moins. J’ai oubli'e ma clef, d'ecid'ement.
Fant^omas entendant cela, plus vif que l’'eclair, se rejeta sous le lit.
H'elas, au m^eme moment, F'elicie Lapeyrade et Guillaume se r'eveill`erent en sursaut :
Qui frappait ?
Ils n’h'esit`erent ni l’un ni l’autre `a le deviner. C’'etait Narcisse Lapeyrade, c’'etait le mari.
Guillaume, le caissier, assis dans le lit, les yeux encore ferm'es par le sommeil, eut un sourd juron :
— Ah bon sang de bon sang !
F'elicie Lapeyrade g'emissait :
— Mon Dieu, mon Dieu.
Or, de l’autre c^ot'e de la porte, l’excellent Narcisse s’'etonnait que sa femme ne se r'eveill^at point :
— T'e, tu ne m’entends donc pas, F'elicie. Ouvre ma petite. C’est moi, c’est ton Narcisse, ouvre donc, ma bonne.
F'elicie Lapeyrade garda tout son sang-froid.
— Nous sommes pris dit le caissier.
— Non, tais-toi, tu vas voir.
Rus'ee, pour gagner du temps, F'elicie se h^ata d’ajouter `a voix haute :
— C’est toi, Narcisse ? c’est toi qui rentres ?
— H'e oui c’est moi, tu r^evais donc, ma mignonne. Alorsse, tu m’ouvres ?
— Oui, oui, je t’ouvre.
Elle sauta en bas du lit.
La jeune femme courut, pieds nus, jusqu’`a un grand placard garnissant un angle de la chambre.
F'ebrilement, elle en tira une pile de cartons `a chapeaux qu’elle posa sur le tapis :
— Guillaume. Vite. Entre l`a-dedans.
Le caissier ne se fit pas r'ep'eter l’invitation. Il disparut dans le placard. Sa ma^itresse referma la porte sur lui.
— Mes v^etements, murmura le caissier, tu oublies mes v^etements.
— Chut.
En deux pas, F'elicie 'etait revenue vers le lit. Il lui fallut une seconde pour r'etablir le d'esordre des oreillers, une seconde `a peine pour saisir les v^etements de son amant qu’elle jeta sous le lit.
Cela fait, F'elicie courut `a la porte, ouvrit `a son mari :
— Si tu savais comme je dormais bien.
Narcisse Lapeyrade n’en doutait pas.
— C’est vrai, ma ch'erie, eh bien, recouche-toi vite, prends garde de ne point prendre froid.
Tandis que F'elicie regagnait son lit, Narcisse Lapeyrade se d'eshabillait tranquillement :
— Et alors ? demanda-t-il, en s’'etendant `a nouveau sous les couvertures, et alorsse, ma petite femme, rien de nouveau ? T'e, c’est une bonne surprise, hein ? Je croyais ne revenir que demain `a trois heures et me voil`a de retour.
— Je tombe de sommeil, dit la jeune femme, nous causerons demain, si tu veux.
— Mais oui, mais oui, r'epondit le bon Narcisse, fais dodo, ma petite.
— Bonsoir Narcisse.
Dix minutes plus tard, Narcisse dormait `a poings ferm'es, cependant que sa femme, sa petite femme, songeait avec angoisse :
— Ce pauvre Guillaume, comme il doit avoir froid. Comme il doit ^etre mal, et comment tout cela finira-t-il ?
F'elicie Lapeyrade r'efl'echit encore longuement `a la terrible situation o`u elle se trouvait, mais petit `a petit ses id'ees s’embrouill`erent, le sommeil qui l’avait fui d’abord finit par alourdir ses paupi`eres. `A son tour, elle s’'etait endormie.
Brusquement, la jeune femme s’'eveilla.
Une main s’'etait pos'ee sur son 'epaule. Une voix lui souffla `a l’oreille :
— Ouvre-moi.
F'elicie Lapeyrade avait d'ej`a compris. Avec d’extr^emes pr'ecautions, la jeune femme se leva. Dans la pi`ece obscure, elle glissa jusqu’`a la porte et, se servant de sa clef, elle fit jouer la serrure :
— Je te rendrai tes v^etements demain, souffla-t-elle, mon Dieu, qu’il est assommant.
— Oui, oui, prends garde.
Les deux amants chuchotaient.
F'elicie Lapeyrade tendit les l`evres. Un baiser rapide. Une ombre s’'eloigna le long du couloir, la jeune femme referma sa porte.
— T'e mais qu’est-ce que tu fais, F'elicie ?
La porte en se refermant venait d’'eveiller Narcisse.
— Dors, r'epondit la ling`ere, je regardais si tu avais bien mis le verrou de s^uret'e.
Tranquillis'ee, F'elicie Lapeyrade se recoucha pr`es de son tendre mari.
***
Maintenant il faisait grand jour et F'elicie Lapeyrade achevait de s’habiller en h^ate tandis que son mari, 'eveill'e, lui aussi, paressait tranquillement.
— Tu ne te l`eves pas, Narcisse ?
— H'e non, ma petite. Je n’ai rien `a faire ce matin, je reste l`a, bien douillettement. Au moinsse tu n’as pas besoin de faire le lit, je suppose ?
— Non, non, reste.
Pr^ete, la jeune femme mit un peu d’ordre dans la pi`ece, jetant de furtifs coups d’oeil dans la direction du lit pour s’assurer que les v^etements qu’y avait laiss'es son amant ne se voyaient pas.
D’ailleurs, apr`es l’angoisse qu’elle avait 'eprouv'ee lors du retour de son 'epoux, F'elicie, maintenant, 'etait toute dispos'ee `a rire de l’aventure qu’elle trouvait dr^ole. Son mari ridicule dormant avec b'eatitude, bien douillettement, comme il le disait, dans un lit qui recouvrait la preuve de son infortune : les v^etements de Guillaume. 'Etait-ce assez farce.