La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Cependant, au ch^ateau de Garros, Timol'eon Fargeaux 'etait en t^ete-`a-t^ete avec sa femme. Les 'epoux s’expliquaient :
— Enfin, d’o`u viens-tu ? demandait Timol'eon pour la dixi`eme fois.
— Je te l’ai d'ej`a dit, r'epliqua Delphine qui simulait la patience ang'elique. J’ai 'et'e voir ma tante `a Dax, tu sais bien qu’elle est malade.
— Enfin, va-t-elle mieux ?
— Elle va mieux.
— Est-ce bien vrai, cette histoire-l`a ?
— Pourquoi ?
— Parce que, 'eclata Timol'eon, je sais qu’hier, `a la gare, au lieu de prendre le train pour Dax, tu as pris celui qui va dans la direction oppos'ee.
— C’est pour gagner du temps. Je suis all'ee jusqu’`a Bayonne prendre l’express qui va d’une traite `a Dax.
— Ah, c’est donc ca. Je comprends maintenant.
— D’abord, tu ferais mieux de me dire `a quoi tu as pass'e toi-m^eme ta soir'ee et ta nuit ?
— Moi, je suis rest'e bien tranquille `a la maison.
— Allons donc, je sais que tu es sorti.
— Eh bien, oui, c’est vrai, je suis sorti `a neuf heures pour ne rentrer qu’`a une heure du matin. Mais je n’ai rien fait de mal, j’ai simplement 'et'e faire un tour dans la propri'et'e.
— Pourquoi ? demanda Delphine.
Timol'eon refusa de r'epondre.
Timol'eon Fargeaux, d’ailleurs, ramena la conversation sur l’absence de sa femme.
— Ouf, fit-il en se laissant tomber dans un fauteuil et en attirant tendrement Delphine pr`es de lui, je suis bien content de tout ce que tu viens de me dire, car me voil`a rassur'e et je t’avoue franchement que, depuis hier, j’avais des inqui'etudes.
— Des inqui'etudes ? `a quel sujet ?
— Je n’ose pas te le dire.
— Et moi, je veux que tu parles.
— Hier, ton fr`ere est venu aussit^ot apr`es ton d'epart, et il m’a fait une sc`ene terrible, m’accusant d’^etre un mari aveugle, m’affirmant que j’'etais cocu.
— Mon fr`ere est un imb'ecile.
— Non, fit Timol'eon, c’est un brave garcon, seulement il est un peu vif, exag'er'e, et puis, s’il parlait ainsi, c’'etait dans notre int'er^et, pour sauvegarder l’honneur de la famille.
— L’honneur de la famille… l’honneur de la famille… De quoi se m^ele-t-il, maintenant, Martial ? V'eritablement, c’est extraordinaire. Insupportable. J’en ai assez, entends-tu, Timol'eon ? Si jamais Martial s’avise de te reparler de ces choses-l`a, tu le prieras de s’adresser `a moi. Et je m’en expliquerai avec lui une bonne fois pour toutes.
— Oh, je ne demande pas mieux, moins il y aura d’histoires et plus je serai satisfait. L’essentiel, pour moi, c’est, en somme, d’^etre assur'e que je ne suis pas cocu.
Il attira Delphine tout pr`es de lui, lui serra tendrement la taille :
— Dis-le-moi, fit-il d’une voix 'emue.
— Quoi ?
— Eh bien, que je ne suis pas cocu.
La jeune femme ne r'epondit pas. On venait de frapper `a la porte du salon. Elle s’arracha des bras de son 'epoux.
— Entrez.
La bonne se pr'esenta.
— C’est l’institutrice.
— Quelle institutrice ?
— Celle que Madame a fait venir de Bayonne.
— Eh, tu t’y prends de bonne heure, ma Delphine. Tu engages des institutrices, et nous n’avons pas encore d’enfants.
Mme Fargeaux ne r'epondit pas `a son mari, mais elle demeura tout interloqu'ee, ahurie, ne comprenant rien `a ce qu’annoncait la bonne.
— Vous ^etes s^ure que c’est pour moi ?
— Oui, Madame, pr'ecisa la servante, c’est une jeune dame qui est venue comme ca sonner `a la porte du ch^ateau, et elle m’a dit :
Delphine 'etait bien trop intelligente pour ne pas se douter qu’il y avait l`a quelque myst`ere qu’il lui fallait 'elucider avec adresse.
— Faites entrer cette personne dans le petit salon, dit-elle, je vais aller la rejoindre.
La bonne ob'eit. Timol'eon Fargeaux se disposait `a suivre sa femme dans le petit salon, et il n’'etait pas autrement f^ach'e `a l’id'ee de voir l’institutrice.
Mme Fargeaux l’en emp^echa :
— Toi, fit-elle, reste ici, ca n’est pas l’affaire des hommes de s’occuper du personnel de la maison, et ca m’agace de t’avoir tout le temps sur mes talons.
— Bien, bien, r'epondit l’excellent Fargeaux, qui renonca aussit^ot `a son projet. Ne te f^ache pas, je n’irai pas voir la personne, seulement je sors pour aller fumer ma pipe dans le jardin.
— C’est cela, va fumer ta pipe.
Quelques instants apr`es, Mme Fargeaux p'en'etra dans le petit salon. `A peine y fut-elle entr'ee qu’elle poussait un cri :
— Ah mon Dieu, la femme de cette nuit.
Mme Fargeaux reconnaissait en effet la myst'erieuse personne qu’elle avait trouv'ee en t^ete `a t^ete avec l’infant d’Espagne, dans les appartements de ce dernier, `a l’Imp'erial H^otel. Mme Fargeaux tressaillit de col`ere :
Par exemple, c’'etait plus fort que tout :
— Eh bien, Madame, s’'ecria-t-elle, incapable de rester calme, devant cette personne, vous avez un fameux toupet. Non seulement je vous trouve hier soir l`a o`u je devais ^etre, mais je vous revois aujourd’hui, chez moi. Vous avouerez que c’est un peu raide, et que je suis en droit de me f^acher. D’abord, que voulez-vous ?
— Vous auriez pu commencer. Madame, par me demander ce que je voulais, cela vous aurait 'evit'e des paroles inutiles, et quelque peu compromettantes, non pas tant pour moi que pour vous.
— Il suffit. Alors Madame, que voulez-vous ?
— C’est, bien simple, fit H'el`ene, je veux que vous m’accordiez pendant quelques jours, votre hospitalit'e.
— Vous ^etes folle ?
— J’ai mon enti`ere raison. Toutefois, pour dissimuler ce que la chose pourrait avoir d’'etrange, vous me ferez passer pour l’institutrice de vos enfants.
— Mais je n’ai pas d’enfants.
H'el`ene r'eprima un sourire :
— Peu importe, Madame, je serai alors gouvernante de votre personnel, la soeur de la femme de chambre, la ling`ere charg'ee de quelques r'eparations. Je n’ai pas de vanit'e. Je passerai pour ce que vous voudrez. L’essentiel pour moi, c’est d’habiter ici, chez vous.