La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Madame… commenca-t-elle.
Mais la jeune fille s’interrompit. La porte du petit salon s’'etait entreb^aill'ee et par cette ouverture, apparaissait une silhouette masculine, la grosse t^ete ronde de Timol'eon Fargeaux qui roulait des yeux 'etonn'es.
— Vous en faite un tapage, commenca-t-il, on vous entend toutes les deux depuis…
Timol'eon Fargeaux s’arr^eta net. Delphine avait bondi et, redevenant acari^atre, les poings crisp'es, elle s’'etait 'ecri'ee :
— Toi, d’abord, fiche-nous la paix.
Prudent et rapide, Timol'eon Fargeaux avait battu en retraite.
— Bon, bon, murmura-t-il, en balbutiant encore quelques vagues excuses qui se perdaient dans le couloir.
— Croyez-vous qu’il est assommant, s’'ecria machinalement Mme Fargeaux.
H'el`ene ne put s’emp^echer de rire. Elle 'etait un peu 'etonn'ee par ce caract`ere de femme m'eridionale au temp'erament excessif, et qui passait en l’espace d’une seconde de l’extr^eme douceur `a la plus vive col`ere ou `a la plus franche gaiet'e.
— Si tel est votre mari, Madame, dit H'el`ene, je crois qu’il sera inutile d’en venir aux extr'emit'es f^acheuses que vous m'editiez tout `a l’heure. Je maintiens qu’il est indispensable que vous alliez au plus t^ot dire la v'erit'e `a la justice et faire lib'erer votre fr`ere, mais que votre d'epart est inutile, et qu’il vous suffira pour assurer d'efinitivement la paix de votre m'enage, de quelques bonnes paroles dites au bon moment `a l’excellent homme que doit ^etre votre mari.
11 – UN RAT D’H^OTEL
Il 'etait `a peu pr`es neuf heures du soir, et par la fen^etre `a tabati`ere, il ne tombait plus dans la chambre mansard'ee du caissier principal de l’Imp'erial H^otel, qu’un jour rare et mis'erable, un jour qui n’'eclairait que d’une tr`es ind'ecise lumi`ere la petite pi`ece, simplement meubl'ee o`u l’employ'e mod`ele venait se reposer, son travail termin'e.
Guillaume n’'etait pas encore remont'e de la caisse, attard'e sans doute par des comptes difficultueux ou encore par un bilan exig'e, `a l’improviste, du g'erant qui, de temps `a autre, adressait ainsi des demandes de v'erification, pr'etendant que c’'etait pour le bon ordre et n’ayant en r'ealit'e qu’une envie : trouver Guillaume en faute, obtenir un motif pour le cong'edier car, sans raison, il ne l’aimait pas.
Si Guillaume n’'etait pas dans la chambre, un autre personnage y 'etait install'e dont la seule vue e^ut r'ev'el'e la qualit'e.
L’homme 'etait v^etu des pieds `a la t^ete d’un costume extraordinaire. Son corps 'etait moul'e dans un maillot de laine noire dont le col remontait jusqu’au visage qui disparaissait enti`erement sous une cagoule, une cagoule noire.
Le personnage 'etait l'egendaire. La silhouette 'etait c'el`ebre. Silhouette de nuit, silhouette de crime, silhouette de meurtre. Si le maillot noir e^ut put faire croire `a un ordinaire rat d’h^otel, la cagoule, de forme bien particuli`ere, ne pouvait permettre l’h'esitation, l’individu qui se trouvait dans la chambre de Guillaume, c’'etait Fant^omas, c’'etait le bandit terrifiant, c’'etait le Ma^itre de l’'Epouvante.
Comment Fant^omas s’'etait-il introduit dans la chambre ? Le passe-partout qu’il tenait encore `a la main et qu’il enfouissait dans sa poche suffisait `a l’expliquer.
Le Roi du Crime avait tranquillement ouvert la serrure, tir'e la porte sur lui. Maintenant, il 'etait seul et de dessous sa cagoule, on entendait son rire r'esonner lugubrement.
— Me voici dans la place, disait Fant^omas, jetant un rapide coup d’oeil autour de lui, je crois que mon entreprise ne pr'esentera aucune difficult'e et j’imagine que demain les gens de l’h^otel en se r'eveillant…
Mais un bruit de pas r'esonna dans le couloir. Fant^omas, rapidement prit son parti :
— Ce doit ^etre Guillaume qui remonte, songea-t-il. M'efiance…
Dans le demi-jour de la pi`ece, sa silhouette noire avait quelque chose de fantastique, de diabolique m^eme. Par moments, elle se d'ecoupait en lignes pr'ecises sur la fen^etre, en d’autres, elle disparaissait compl`etement, semblait s’'evanouir, se m^eler `a l’ombre, se fondre en elle.
Le bruit de pas se rapprochait :
— C’est bien Guillaume, r'ep'eta Fant^omas, c’est bien le caissier.
Le bandit se baissa, se jeta `a plat ventre sur le sol, sans un bruit, en rampant avec une souplesse extraordinaire, il se glissa sous le lit de fer du caissier.
Fant^omas ne s’'etait pas dissimul'e dans cette cachette que la porte de la chambre s’ouvrait. C’'etait bien Guillaume, le caissier, fatigu'e d’une longue journ'ee de travail, regagnant sa chambrette. L’employ'e, d’ailleurs, ne paraissait aucunement se douter du sinistre visiteur qui, quelques secondes auparavant, s’'etait gliss'e chez lui. Son attitude 'etait celle d’un homme press'e mais non pr'eoccup'e.
La porte ouverte, `a t^atons, Guillaume avait atteint le commutateur de l’'electricit'e. L’ampoule, pendue au plafond s’illumina. Guillaume b^ailla, puis alla `a sa table de toilette.
Il se donna un coup de brosse sur les cheveux, rectifia le noeud de sa cravate, puis, revenant vers la chemin'ee, choisit dans une petite bo^ite une cigarette qu’il alluma, dont il tira avec b'eatitude quelques bouff'ees.
Dans la pi`ece, on n’entendait aucun bruit. Fant^omas 'epiait.
Le caissier cependant, ayant fum'e, parut h'esiter quelque peu. Il eut le haussement d’'epaules d’un homme qui se d'ecide `a une d'emarche peu agr'eable, il se d'echaussa, il prit ses souliers `a la main, revint vers la porte de sa chambre, il sortit. La porte se referma sur lui dans un claquement sec.
Or, au moment m^eme o`u la porte se refermait, f'ebrilement, Fant^omas sortit de sa cachette. Le bandit, lui aussi, se releva. Il courut `a la porte. Son passe-partout `a la main, il l’ouvrit facilement, sans que la serrure e^ut grinc'e le moins du monde, puis il sortit, il se glissa dans le couloir, il se coula `a la suite du caissier.
— Ah ca, songeait Fant^omas, pourquoi diable ce maudit Guillaume est-il sorti d’ici ? O`u peut-il aller ? Que m'edite-t-il ? et que signifie l’extraordinaire facon dont il s’est d'echauss'e, dont il a pris ses souliers `a la mains ?