La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Il n’y avait gu`ere de risque `a courir d'esormais. Elle allait descendre `a la lingerie et quant `a Narcisse, comme chaque jour, il resterait tr`es tard au lit, s’habillerait vite vers les onze heures et irait, alors seulement, reprendre son service.
— Il ne saura jamais, pensa F'elicie, jamais il ne se doutera de rien. Il est trop b^ete.
Avisant pourtant les cartons `a chapeau qu’elle avait sortis du placard au moment o`u elle avait cach'e son amant, F'elicie Lapeyrade, avant de descendre, songea `a les remettre en place. La jeune femme, causant toujours avec son mari, marcha donc vers le placard, s’appr^eta `a l’ouvrir. Elle ne fit que l’entreb^ailler. C’est avec une h^ate folle, avec une pr'ecipitation extr^eme qu’elle le referma, soudain livide et tremblante. Dans le placard, F'elicie Lapeyrade avait apercu Guillaume. Le caissier, son amant, 'etait toujours l`a.
— Comment Guillaume est-il encore l`a ? r'efl'echissait la jeune femme, comment est-il l`a, puisque cette nuit je l’ai moi-m^eme fait sortir ?
L’heure avancait, force 'etait bien `a F'elicie de descendre prendre son service et Guillaume, lui aussi, aurait d^u rejoindre sa caisse. Qu’allait-on dire si jamais il 'etait absent, si on ne le trouvait pas dans sa chambre ? Que se passerait-il surtout si Narcisse avait la malencontreuse id'ee de chercher quelque objet dans le placard ?
F'elicie Lapeyrade, d’une voix qu’elle s’efforcait vainement de faire tranquille et assur'ee, interrogea :
— Alors, tu ne te l`eves pas, Narcisse ? Tu n’es pas honteux de paresser ainsi.
Le gros homme 'eclata de rire :
— Mais non, mais non, je ne suis pas honteux, t'e, autrement, sais-tu que c’est dans le lit que l’on est encore le mieux.
Il ajouta :
— Tu devrais descendre, F'elicie, sais-tu, d'ecid'ement, c’est l’heure pour toi.
La jeune femme ne r'epliqua pas. Sans un mot, elle quitta la pi`ece, elle s’'eloigna.
F'elicie Lapeyrade 'etait `a bout d’'energie. Elle expiait durement la faute qu’elle commettait en trompant son brave homme d’'epoux. Elle se demandait :
— Qui donc ai-je fait sortir cette nuit de ma chambre ? et que va-t-il arriver ?
12 – TRIBULATIONS DE JUVE
Alors que tous ces 'ev'enements se d'eroulaient avec une extr^eme rapidit'e et une vari'et'e inconcevable, passant des sc`enes de drames aux incidents burlesques, Juve qui n’en n’avait pas connaissance, restait abasourdi, stup'efait, apr`es avoir achev'e son enqu^ete et d'ecouvert d’une facon certaine que la myst'erieuse victime du non moins myst'erieux assassin n’'etait autre que Fleur-de-Rogue, la pierreuse bien connue, la farouche ma^itresse du Bedeau.
Certes, Juve avait imm'ediatement song'e que seul l’insaisissable Fant^omas pouvait ^etre l’auteur de ce crime, car, seul, il pouvait avoir eu int'er^et `a attirer dans ce lieu d'esert et lointain la malheureuse fille dont la vie ou la mort pouvait avoir `a ses yeux une importance que, d’ailleurs, le policier voyait mal.
Juve sentait qu’en 'etayant son raisonnement sur des bases solides, il n’allait pas tarder `a conclure que Fant^omas 'etait tr`es certainement l’auteur de l’assassinat qu’il venait de d'ecouvrir. Mais `a ce moment le policier avait eu l’attention d'etourn'ee par un fait nouveau :
On lui avait apport'e cette d'ep^eche et il avait lu :
Le spahi arr^et'e pour tentative assassinat sur jeune femme actuellement h^opital Biarritz.
— Quelle est encore cette nouvelle affaire ? s’'etait demand'e Juve qui commencait `a ^etre intrigu'e par la tournure que prenaient les 'ev'enements. Le policier lut et relut le t'el'egramme, remarqua qu’il ne portait pas de signature. Il ne lui vint pas un instant `a l’id'ee que ce t'el'egramme p^ut avoir 'et'e envoy'e par quelqu’un d’autre que par Anselme Roche.
— C’est 'evidemment lui, pensa-t-il, qui m’adresse cette d'ep^eche, puisqu’il est rentr'e hier `a Bayonne. Allons, Anselme Roche avait raison, ce spahi 'etait destin'e `a faire connaissance avec la paille humide des cachots et maintenant je regrette qu’on ne l’ait point appr'ehend'e ici, nous aurions peut-^etre de la sorte 'evit'e le crime pour lequel on l’a mis en 'etat d’arrestation. Mais quelle peut bien ^etre cette femme qu’il a bless'ee, qu’Anselme Roche ne para^it pas conna^itre, puisqu’il ne la nomme point dans sa d'ep^eche et qui se trouve actuellement dit-il, `a l’h^opital de Biarritz ? Parbleu, rien n’est plus facile que de le savoir en allant l`a-bas. Je n’ai rien `a faire ici pour le moment d’ailleurs. Filons !
En r'ealit'e, Juve n’'etait pas autrement f^ach'e de quitter la Maison Borel o`u il venait de passer de longues et maussades journ'ees, de vivre des heures perp'etuellement tourment'ees par le souci de d'ecouvrir le secret du myst`ere qui le pr'eoccupait tant. C’'etait chose faite.
Juve, apr`es ce travail, estimait qu’il avait le droit de s’accorder quelques heures de tranquillit'e et de se reposer tout au moins en changeant d’occupations. Il d'ecidait d’aller `a Biarritz.
`A l’aube, le policier prit un train qui, en moins de deux heures le descendit `a la gare de la c'el`ebre ville qui r'esume toutes les beaut'es pittoresques de la c^ote du sud-ouest et qui est consid'er'ee, `a juste titre, comme la reine des plages du golfe de Gascogne. Le policier, sans toutefois s’attarder au charme de la gracieuse cit'e o`u l’on fl^anerait 'eternellement, se fit conduire en voiture jusqu’`a l’h^opital civil, juch'e tout au haut de la ville. Il se fit annoncer au directeur, et celui-ci, fort aimablement, s’arracha un instant `a ses occupations pour le mettre en rapport avec la seule personne, disait-il, qui p^ut lui fournir de bons renseignements. Quelques instants apr`es, introduit dans la salle de garde, Juve faisait la connaissance de l’interne de service, le Toulousain Carnabesse.
Celui-ci, vint `a lui, la main tendue :
— Eh, t'e, mon bon Monsieur, d'eclara-t-il, je suis heureux de vous 'ecraser les doigts dans les miens. Troun de l’air ! vous ^etes un homme comme je les aime. On m’a dit, n’est-ce pas, que c’'etait `a M. Juve, le c'el`ebre inspecteur de la S^uret'e `a qui j’allais avoir l’honneur de parler.
— C’est moi, en effet.
— Ah, tant mieux, cela me fait plaisir de vous voir, on a tellement parl'e de vous, il vous est arriv'e de telles aventures que vous ^etes un v'eritable h'eros. Permettez-moi de vous serrer encore la main !
L’interne, de plus en plus enthousiaste, broya dans les siennes les phalanges de Juve :
— Je vous en prie, Monsieur, murmura celui-ci, vous ^etes trop aimable, vous exag'erez, au surplus, permettez. Je suis malheureusement tr`es press'e et j’ai bien des choses `a vous demander.
— Mais, r'epliqua Carnabesse, je vous 'ecoute, mon cher ami, je ne fais que cela.
— Eh bien, dit Juve, gagn'e malgr'e lui par la faconde famili`ere du jeune m'edecin, pourriez-vous me donner d’abord des nouvelles de la femme qui a 'et'e avant-hier victime d’un attentat, de la part d’un spahi et si ce n’est pas trop exiger, ne pourriez-vous me conduire aupr`es d’elle ?