La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Graduant savamment son effet, Mme Fargeaux se rapprochait de l’infant, chancela, s’'ecroula dans ses bras, toute palpitante.
De plus en plus interloqu'e, l’infant d’Espagne recut doucement le pr'ecieux fardeau sur sa poitrine, cependant qu’H'el`ene qui le consid'erait, contenait son fou rire.
L’infant se sentit compl`etement ridicule.
Soutenant Mme Fargeaux, qui feignait une p^amoison, il la d'eposa sur un fauteuil voisin. Il lui tapa dans les mains :
— Madame Fargeaux, dit-il, revenez `a vous, tout cela n’est pas la peine.
La jeune femme ob'eit, ouvrit les yeux, regarda don Eugenio.
Le regard de celui-ci allait d’une femme `a l’autre et na"ivement le Grand d’Espagne d'eclarait `a mi-voix :
— Je suis tr`es ennuy'e, fort vex'e de ce qui arrive. 'Evidemment c’'etait sur vous, Mme Fargeaux que je comptais, on avait convenu en effet ce rendez-vous, mais j’avoue que, 'evidemment, d’autre part…
Brusquement, l’infant l^acha le fond de sa pens'ee :
— Madame… Mademoiselle… Je pr'ef`ere, apr`es tout, dit-il, l’autre personne.
Et il d'esignait H'el`ene…
— Ah ca, par exemple, c’est trop fort ! hurla Mme Fargeaux et je ne le permettrai pas.
Comme tous les grands personnages, don Eugenio craignait le scandale et il sentait qu’une affaire d'esastreuse 'etait imminente. Qu’allait-il faire si deux femmes se battaient pour lui ? Tout l’h^otel serait au courant de l’aventure, les journaux en parleraient. L’infant avait d'ej`a eu trop d’histoires scandaleuses pour ne pas redouter d’en voir une de plus s’ajouter `a la liste d'ej`a longue de ses exploits amoureux. Il prit une d'ecision subite et comme un enfant g^at'e auquel on ne r'esiste pas, il dicta brutalement ses instructions :
— Vous allez sortir d’ici toutes les deux, dit-il, vous vous expliquerez ailleurs, ou plut^ot vous ne vous expliquerez pas, car c’est absolument inutile. Moi je ne comprends rien `a cette affaire et n’en suis pas responsable. Allez-vous-en, je ne veux vous revoir ni l’une ni l’autre.
C’'etait une v'eritable furie que cette Mme Fargeaux. D'esesp'er'ee de la tournure que prenait l’aventure, elle 'eclata en lamentations cependant qu’elle gagnait la porte. Elle se pr'ecipita dans le couloir en hurlant :
— Ah, mon Dieu, au secours, c’est affreux. L’infant est un monstre !
Mme Fargeaux passa en courant sans le voir devant son fr`ere et se pr'ecipita dans l’escalier avant que le spahi n’ait eu le temps de la retenir. Mais la col`ere du militaire qui, jusqu’alors 'etait pr^ete `a s’exercer sur sa soeur, changea brusquement de destinataire.
— Pauvre petite, pauvre Delphine, pensa soudain le spahi, c’est moi qui suis une brute, un mis'erable de l’avoir un instant soupconn'e. Non certes elle ne voulait pas tromper son mari, ni d'eshonorer sa famille, elle a 'et'e attir'ee ici comme dans un guet-apens, et lorsqu’elle a su ce que lui voulait l’infant, toute sa pudeur s’est r'evolt'ee, son honn^etet'e s’est cabr'ee, elle a fui l’indigne personnage, l’odieux individu qui voulait la d'eshonorer.
Au fur et `a mesure qu’il pensait ainsi, le spahi sentait sa col`ere s’exasp'erer.
— O`u est-il donc cet homme, que je le tue ? hurla-t-il.
`A cet instant quelqu’un sortit de la pi`ece, brusquement :
— C’est lui, grogna le spahi.
Et, braquant son arme sur la personne qui surgissait soudain, il fit feu.
Un cri d'echirant retentit. Un corps tomba par terre. Une femme, baign'ee dans son sang.
— Mal'ediction ! hurla le spahi.
Il se pr'ecipita aupr`es de sa victime par erreur.
H'el`ene, car c’'etait elle, s’'etait relev'ee, cependant. Elle avait 'et'e touch'ee l'eg`erement `a l’'epaule, son bras saignait abondamment, mais elle n’'etait pas gri`evement bless'ee.
Cependant, au bruit de la d'etonation, des domestiques, des gens 'etaient accourus, les portes s’ouvraient de tous c^ot'es. En l’espace d’une seconde le couloir se remplissait de gens de l’h^otel, de voyageurs, d’Espagnols appartenant `a la suite de l’infant. Seul, ce dernier demeurait invisible.
Tout d’abord on s’'etait lanc'e au secours d’H'el`ene qui titubait, d'efaillante, affaiblie aussi par la blessure de son 'epaule.
En l’espace d’une seconde on l’emporta au rez-de-chauss'ee. M. Hoch accourut, mais le g'erant de l’h^otel qui voulait avant tout 'eviter le moindre scandale, fit avancer une automobile, deux hommes y mont`erent avec la jeune fille, la voiture s’'eloigna rapidement, on avait dit au m'ecanicien :
— `A l’h^opital, et `a toute vitesse.
Le d'esordre s’accroissait malgr'e les efforts de M. Hoch qui disait `a tous ceux qui l’interrogeaient :
— Ce n’est rien, absolument rien, un l'eger accident, sans la moindre importance.
Cependant le spahi n’avait pas boug'e du couloir, il demeurait `a genoux sur le tapis, la t^ete pench'ee sur le sol, les yeux contemplant fixement l’endroit o`u 'etait tomb'ee sa victime inconnue, o`u il ne restait plus qu’une large tache de sang.
Les choses s’'etaient pass'ees si vite que si Martial Altar`es n’avait eu ce sinistre t'emoignage pour raviver son souvenir, il aurait cru que tout cela n’'etait qu’un r^eve, un cauchemar et que rien n’'etait arriv'e.
Cependant, deux hommes s’approchant du militaire l’oblig`erent `a se relever. Ils avaient des mines 'energiques et farouches, ils 'etaient v^etus simplement de complets fonc'es :
— C’est vous, n’est-ce pas ? interrogea l’un d’eux.
— Vous ne niez pas ? demanda l’autre.
— J’avoue, murmura l’infortun'e Martial.
Les deux hommes se firent un signe, Martial sentit sur ses poignets quelque chose de froid. Tout son ^etre tressaillit :
— Les menottes, se dit-il.