La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
Шрифт:
Un g'emissement l’appela `a quelques pas de l`a, aupr`es du malheureux cavalier qui gisait inanim'e, terriblement p^ale.
Fandor se pencha sur lui, il le consid'era :
— Un gosse… un gamin, pensa-t-il… le malheureux, il a failli se tuer.
Et, en brave garcon qu’il 'etait, Fandor sans se pr'eoccuper de sa propre situation, sans songer aux malheurs qui l’accablaient depuis si longtemps, s’employa avec ardeur `a ranimer le jeune homme.
Le journaliste 'etait all'e tremper son mouchoir dans l’eau toute proche, il humecta les l`evres du cavalier 'evanoui, lui frictionna les tempes.
L’adolescent ne tarda pas `a ouvrir les yeux.
Tout d’abord, il regarda le personnage qui se trouvait devant lui, et s’il n’eut pas un mouvement de stup'efaction, c’est qu’assur'ement il 'etait bien ma^itre de ses sentiments, car Fandor, avec sa chevelure hirsute, ses v^etements en guenille, sa barbe longue d’un mois, devait assur'ement avoir une allure des plus extraordinaires.
L’adolescent, comme s’il avait eu honte de sa faiblesse, repoussa Fandor qui lui offrait son bras, et il se releva brusquement, tituba une seconde sur ses genoux tremblants, mais sa d'emarche s’affermit vite.
Sans s’occuper du journaliste, le cavalier allait `a son cheval.
Il le consid'era quelques secondes. La malheureuse b^ete 'etait morte, il n’y avait plus rien `a faire.
Le cavalier crispa les poings, puis, se tournant vers Fandor, revint la main tendue :
— C’est vous, dit-il, qui m’avez sauv'e, merci.
Ce jeune homme s’exprimait en anglais, avec un petit accent toutefois.
Fandor comprit fort bien n'eanmoins ce que lui disait son interlocuteur. Mais l’incendie continuait `a faire rage.
— Si l’on ne vient pas, fit-il, si l’on n’arr^ete pas ce d'esastre, tout Londres va br^uler… Je suis s^ur que c’est encore un coup de Fant^omas. Le monstre l’a voulu.
Fandor s’interrompit. Le cavalier l’avait tir'e par la manche et interrog'e avec inqui'etude :
— Pardon, qu’est-ce que vous venez de dire ?
— Londres br^ule… Londres br^ule… Regardez plut^ot, l’incendie gagne de toutes parts… C’est Fant^omas, je vous dis… Parbleu. Il m’a enferm'e dans une caisse, au milieu de ces docks, pour ^etre plus s^ur de ma mort.
— Pardon, fit encore le jeune homme, de plus en plus intrigu'e, mais, aussi, de plus en plus calme, au fur et `a mesure que Fandor s’exaltait, pardon, mais voulez-vous me dire, qui vous ^etes ?
Hors de lui, le journaliste 'eclata :
— Qui je suis ?… Sa victime, parbleu ! sa victime qu’il avait condamn'ee mais qui, malgr'e tout, lui 'echappe… Ah ! Ah ! Ah !… nous allons voir… `a nous deux Fant^omas… Fandor est vivant, gare `a toi, Fant^omas.
'Epuis'e par cet effort, le journaliste, la gorge s`eche, s’arr^eta. Il titubait comme un homme ivre, montrant le poing aux flammes, l’oeil inject'e, la l`evre 'ecumante. Puis, comme hallucin'e, il courut vers la fournaise.
Le jeune homme qu’il venait de ranimer quelques instants auparavant, le retint des deux mains.
Visiblement, il avait piti'e. Il avait forc'e le jeune journaliste `a s’arr^eter. Il le regardait les yeux dans les yeux.
Doucement, avec une sollicitude inqui`ete, le jeune cavalier interrogea, prononcant avec lenteur, comme s’il craignait de n’^etre pas compris :
— Vous parlez tout le temps de Londres, monsieur, ignorez-vous donc o`u vous ^etes ?
— Oui… non… r'epondait Fandor, l’air 'egar'e… les docks… les bateaux… la rivi`ere… tout cela, c’est bien Londres.
— Durban, dit le cavalier…
Fandor ne comprenait pas, il r'ep'eta :
— Durban… quoi ?… Durban ?
— Oui, Durban, insista le jeune homme, Durban… au Natal… en Afrique du Sud…
Fandor observa avec stupeur l’adolescent qui se trouvait devant lui, puis, brusquement, il recula, poussant un ricanement strident.
Le journaliste n’alla pas loin.
De lourdes mains s’'etaient abattues sur ses 'epaules, de tous c^ot'es on le tiraillait et Fandor, au comble de la surprise, se trouva d'esormais au milieu d’une troupe d’hommes, tous v^etus de toile brune, arm'es de carabines, coiff'es de chapeaux mous.
Tous l’interrogeaient `a la fois, le menacaient du geste, de la parole.
Comment se trouvait-il l`a ? D’o`u venait-il ? Comment pr'etendait-il justifier sa pr'esence dans les docks interdits au public ? N’avait-il pas allum'e l’incendie ?
Toutes ces questions 'etaient pos'ees `a Fandor dans un anglais correct, sans doute, mais aux intonations un peu gutturales, qui rappelaient l’accent du jeune cavalier.
Fandor, 'epuis'e, sur les genoux et la t^ete vide, consid'erait ces hommes arm'es avec des yeux abasourdis, ne trouvant rien `a r'epondre.
Que se passait-il ? vivait-il ? 'etait-il 'eveill'e ?
Le chef venait de dire `a ses hommes :
— Il ne veut pas r'epondre… Je lui donne trente secondes… apr`es quoi, vous connaissez la loi : au mur, et feu de peloton.
Fandor pendant ce temps, balbutiait des phrases o`u revenait comme un refrain le nom de Fant^omas. Puis, soudain, il parut sortir d’un r^eve pour demander :
— O`u suis-je ? Londres ?… les docks ?
Mais les hommes en uniforme ne d'esarmaient pas. Ils n’attendaient qu’un signe pour ex'ecuter ce suspect, ce responsable, sans doute, de l’incendie dont les flammes 'eclairaient cette sc`ene de guerre civile, cet 'episode qui restait incompr'ehensible de son principal int'eress'e. Fandor ne comprenait pas, parmi les clameurs de la ville en train de s’'eveiller, des bruits de trompes, du roulement des chariots et du galop des chevaux, les pompiers sans doute ? Et maintenant, c’'etaient les longs soupirs 'etouff'es que poussent les mati`eres incandescentes lorsque l’eau des pompes vient les disputer `a la morsure du feu.