La gu?pe rouge (Красная оса)
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— C’est une copie qu’on a mise `a la place !
Le ministre sentit son coeur se serrer, il avait l’impression que les paroles qu’il venait de prononcer, quelques instants auparavant, pour affirmer son admiration, 'etaient au moins inopportunes. Il jeta un coup d’oeil d'esesp'er'e sur les journalistes et s’apercut qu’ils riaient sous cape. Cependant une rumeur confuse montait dans l’entourage des personnages officiels.
— Il n’y a plus de doute, criait-on, c’est une copie ! Qu’est devenu l’original ? C’est extraordinaire…
Ce fut une ru'ee, une 'epouvantable bousculade.
Et les commentaires allaient leur train, cependant que M. Marquelet s’'etait affaiss'e sur une chaise, et que le b^atonnier temp^etait au milieu des siens.
Plus de doute en effet. `A la place du superbe Rembrandt se trouvait une affreuse cro^ute, une copie grossi`ere, dont la peinture encore toute luisante 'etait `a peine s`eche.
— On a vol'e le Rembrandt de Me Faramont, r'ep'etait-on.
— C’est impossible.
— Non, non, voyez plut^ot.
Me Faramont apercevant 'Erick Sunds, l’interpella :
— Eh bien, fit-il, avez-vous vu ? Qu’est-ce qui s’est pass'e ? C’est 'epouvantable, cela tient du sortil`ege.
Sunds 'etait si p^ale qu’il faisait peur `a voir. D’une voix blanche, soutenant mal le regard interrogateur du b^atonnier, il balbutia, haussant les 'epaules :
— Du sortil`ege, comme vous dites, monsieur le B^atonnier. C’est 'epouvantable et je ne comprends rien `a ce qui s’est pass'e. L’original 'etait encore l`a hier soir, quand nous sommes partis, et depuis lors, personne n’est entr'e dans les salles d’exposition.
M. Marquelet, apr`es avoir manqu'e s’'evanouir, reprenait peu `a peu conscience de lui-m^eme :
— Ah monsieur le ministre, commenca-t-il, en s’adressant `a M. Dubois, qui tiraillait sa moustache, fort ennuy'e et tr`es inquiet `a l’id'ee des commentaires qu’il avait formul'es au sujet de l’affreuse copie qu’il avait prise pour le v'eritable tableau, ah Monsieur le Ministre, je vous demande bien pardon !
M. Dubois grogna :
— Vous auriez pu me pr'evenir, fit-il, que ce tableau n’'etait qu’une copie.
Puis, sur un signe `a ses attach'es, le sous-secr'etaire d’'Etat laissa comprendre qu’il en avait assez de cette exposition :
— Veuillez m’excuser, fit-il, mais je suis oblig'e de retourner `a Paris, nous avons Conseil des ministres ce matin.
Son d'epart passa d’ailleurs absolument inapercu. Il n’'etait plus question, dans toute l’Exposition, que de l’effarante aventure qui venait de se produire. Il y a toujours des gens pour plaisanter. Quelqu’un avait l^ach'e :
— Cette histoire-l`a, c’est du Fant^omas !
Et le mot avait fait fortune.
— Si c’est du Fant^omas, c’est `a vous d'ego^uter du bon Dieu et de ses saints.
— Pourquoi donc ?
— Dame, reprenait l’autre, Henri Faramont est son d'efenseur ! Si c’est ainsi que Fant^omas lui t'emoigne sa reconnaissance.
Mais quelqu’un intervenait :
— Fant^omas ne doit plus avoir besoin d’avocat, puisqu’il s’est 'evad'e avant-hier, vous le savez bien.
Et peu `a peu, encore que la chose par^ut invraisemblable au premier examen, l’id'ee s’accr'editait, dans la foule, que la myst'erieuse disparition du tableau de Rembrandt et sa substitution par une affreuse copie, 'etaient encore le r'esultat d’un des audacieux mal'efices du sinistre bandit :
— L’affaire, d’ailleurs, en vaut la peine, fit observer quelqu’un. Ce tableau-l`a repr'esente une multitude de billets bleus.
Le mot de
— Qu’est-ce qu’on a vol'e ?
Quelqu’un brusquement lui r'epondit :
— On a vol'e le tableau de Rembrandt.
De rouge qu’il 'etait le gros homme devint vert.
— Le P^echeur `a la ligne ? questionna-t-il. Le tableau appartenant `a Me Henri Faramont ?
— Comme vous dites, r'epliqua son interlocuteur.
Et le gros personnage poussa un g'emissement :
— Vol'e ! Le tableau est vol'e mon Dieu ! Cela va nous co^uter cinq cent mille francs !
Et il tomba raide sur le parquet, comme s’il avait 'et'e frapp'e par une congestion.
L’homme qui s’'evanouissait `a cette nouvelle, c’'etait M. de Keyrolles, le directeur de L’'Epargne, la Compagnie qui avait assur'e l’oeuvre d’art de Me Faramont contre tous les risques possibles.
16 – LA GU^EPE
Les incidents extraordinaires de Bagatelle avaient eu lieu dans la matin'ee. Le soir m^eme, Fandor, mis au courant comme tout le monde de ce qui s’'etait pass'e, se rendait vers huit heures `a la Pr'efecture de police.
Juve lui avait donn'e rendez-vous l`a. Et, `a peine le journaliste avait-il retrouv'e son ami, que celui-ci l’amenait `a la S^uret'e. Une animation inhabituelle r'egnait dans les couloirs du Quai des Orf`evres.
Juve ne devait pas ^etre dans ses bons jours, car il avait la mine renfrogn'ee, le front soucieux.
Fandor 'etait demeur'e silencieux, n’interrogeant point l’inspecteur. Il s’y d'ecida cependant au moment o`u le policier, quittant un groupe d’agents avec lesquels il venait de conf'erer, se rapprochait de lui :