La gu?pe rouge (Красная оса)
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— Au revoir, Dick Valgrand.
`A peine Valgrand 'eloign'e, le bandit 'eclatait de rire :
— Quel imb'ecile que ce jeune homme, murmurait-il. Le voil`a qui se rend au cabaret du p`ere Korn, persuad'e qu’il va sauver Sarah. La belle histoire. De deux choses l’une. Ou il ne trouvera personne l`a-bas, ou le hasard voudra qu’il y rencontre le Barbu. Si le Barbu est au cabaret, si Dick lui pr'esente la pi`ece perc'ee que je lui ai confi'ee, l’affaire est claire, Dick Valgrand est un homme mort. Et maintenant, au travail.
Brusquement, Fant^omas ouvrit la porte. Brusquement il entra dans l’atelier.
— Sunds, appela-t-il, c’est moi.
Fant^omas avait-il donc des relations avec l’extraordinaire fabricant de vieux neuf ?
Le bandit s’'etonna de ne pas obtenir de r'eponse :
— Tu n’es point l`a, Sunds ?
Dans un coin de l’atelier, Fant^omas venait d’apercevoir le corps de l’artiste, 'etendu de tout son long.
Il se pr'ecipita vers l’homme 'ecroul'e, le releva, le porta sur le divan.
— Sunds, demanda-t-il, m’entends-tu ?
Mais Sunds restait 'evanoui.
Alors Fant^omas avisa un flacon de rhum tra^inant sur une table, il entrouvrit de force les l`evres du bless'e, y versa quelques gouttes de la puissante liqueur.
— Bon Dieu, que m’est-il arriv'e ? demandait Sunds, ouvrant enfin les yeux.
— Je n’en sais rien, mais tu sembles mal en point, camarade.
Or, `a ce moment, la m'emoire revint au malheureux Danois :
— Tiens, c’est toi Fant^omas ? Ma foi, tu aurais bien fait d’arriver cinq minutes plus t^ot.
— Pourquoi ?
— J’ai recu une tripot'ee num'ero un. Ca je peux m’en vanter.
— De qui ?
— De Mathusalem.
— C’est Mathusalem qui t’a mis en cet 'etat ? interrogea Fant^omas. Qui est-ce Mathusalem ? Il vit encore ?
— Mathusalem ? C’est un vieux qui est un jeune. Voil`a. C’est exactement la m^eme chose que Daniel qui est une femme. Vrai, Fant^omas, depuis quelque temps, je ne sais plus comment je vis. Je ne sais pas ce qui se manigance autour de moi, mais tout se complique bigrement.
Le pauvre Sunds se frottait toujours les membres. Levant les yeux, il finit cependant par remarquer le visage sombre et l’air irrit'e de Fant^omas.
— Au fait, demanda-t-il, qu’est-ce que tu viens faire chez moi, toi ? Il 'etait convenu entre nous, depuis l’affaire de Bagatelle, que tu ne remettrais pas les pieds dans mon atelier. Je ne comprends pas ta pr'esence ici.
— Tu vas comprendre, d'eclara sardoniquement Fant^omas. Es-tu en 'etat de me r'epondre ?
— Assur'ement, je suis aussi en 'etat de me frictionner avec de l’essence de t'er'ebenthine. Bon Dieu, cet animal de vieux m’a litt'eralement coup'e la peau. Demain je serai noir et bleu. Dr^ole de drapeau.
Sunds 'etait gai. Fant^omas, brutalement le rappela `a l’ordre :
— Tais-toi, ordonna-t-il, tu riras plus tard, si tu en as le temps.
— Ah ca, qu’est-ce qui te prend, Fant^omas ? Tu n’as pas l’air de bonne humeur ?
— O`u sont les papiers de ma fille ?
— Les papiers de ta fille ? Quels papiers ? Je ne connais m^eme pas ta fille.
— Si, tu connaissais Daniel ?
— Daniel ? Allons bon. Voil`a que Daniel 'etait ta fille.
Mais Fant^omas n’'etait pas en disposition d’esprit pour entrer dans des explications. Il r'ep'eta brutalement :
— Parle… O`u sont les papiers de ma fille ?
— Je n’en sais fichtre rien !
— Et moi, Sunds, je te dis que tu dois le savoir. Ils sont cach'es chez toi, ici.
— Ici ? fit Sunds d’un air incr'edule.
— Ici, oui, dans une potiche.
Or, Fant^omas n’avait point dit ces mots :
— Ah bon Dieu de bon Dieu, jurait l’artiste, mais alors, je comprends, je comprends tout ! Ce sont ces papiers que ramassait le vieux-jeune pendant que je cognais dessus, avec tant de plaisir. Eh bien, c’est du joli ! S’il y avait des papiers, Fant^omas, ils 'etaient dans la potiche que tu vois bris'ee par terre, et s’ils sont quelque part maintenant, ils sont dans la poche de l’individu qui m’a si promptement rou'e de coups.
La d'eclaration que faisait Sunds 'etait en tout point sinc`ere.
Fant^omas cependant, fronca les sourcils, prit un air plus terrible encore :
— Tu mens, jurait-il, je sais que tu mens ! Sunds, c’est toi qui as pris ces papiers.
— Mais non, ce n’est pas moi.
— Si, et le vieux dont tu parles n’existe que dans ton imagination. Tu me joues la com'edie en ce moment. Peut-^etre m’as-tu entendu parler devant ton atelier avec Dick Valgrand, et as-tu d'ecid'e de me jouer la sc`ene que tu me joues ? Oh, oh, Sunds, il faut avoir bien de l’audace pour tenter de me faire chanter, moi ! Rends-moi ces papiers imm'ediatement, ou appr^ete-toi `a apprendre ce que j’ose dans ma col`ere.
Mais Sunds, sans se rendre compte peut-^etre de l’'etat d’'enervement o`u 'etait Fant^omas, demeurait fort calme et fort souriant :
— Patron, ripostait-il, je me demande ce que tu as aujourd’hui. Une fois, deux fois, trois fois, je n’ai pas ces papiers. Si d’ailleurs quelqu’un doit se plaindre, c’est moi, Fant^omas, et pas toi. Car enfin, d’apr`es ce que tu me dis, je comprends que la correction que je viens de prendre, je l’ai prise `a propos de ces maudits papiers, dont je ne soupconnais pas l’existence. Que diable, pourquoi donc aussi t’'etais-tu amus'e `a les cacher chez moi, sans me pr'evenir ?
La bonne foi de Sunds 'etait 'evidente. Mais la col`ere aveuglait Fant^omas :
— Ce n’est pas moi qui ai cach'e ces papiers, hurlait-il, c’est ma fille, c’est Daniel.
— Dis donc, Fant^omas, au fait, est-ce que par hasard le vieux Mathusalem, qui est jeune, ne serait pas un policier ?
— Laissons cela ! dit Fant^omas. Je saurai plus tard si tu dis la v'erit'e et je serai toujours en mesure de te ch^atier si tu mens. Il y a autre chose, Sunds, r'eponds-moi franchement, o`u est le tableau ? Je le veux. Il est temps que l’affaire nous profite.