La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Non, Juve. Mais…
— Attends. Donc, si ce n’est pas l’effet du hasard, c’est le r'esultat d’une volont'e bien arr^et'ee. La volont'e de qui ? tu l’as devin'e ?
— Non.
— Alors, 'ecoute : l’homme qui a fait cela, l’a fait, `a coup s^ur, pour t^acher de nous retenir, toi et moi, `a l’endroit o`u nous avons d'ecouvert cette main. Maintenant, dis-moi, Fandor, quel homme imagines-tu ayant int'er^et `a nous 'ecarter de Monaco, o`u un crime extraordinaire vient d’^etre commis ?
— L’assassin, Juve.
— Et l’assassin se nomme ?
— Fant^omas, bien s^ur.
Et Juve, net et pr'ecis comme `a son ordinaire, fit alors `a Fandor l’expos'e de ce qu’il appelait lui-m^eme le modus vivendiqu’ils devaient adopter tous deux.
— Fant^omas, affirmait Juve, doit avoir connaissance de notre venue. C’est lui, n’en doutons pas, qui nous a fait retrouver cette main de cadavre. Il doit ^etre persuad'e actuellement que nous avons d^u rester `a Arles pour enqu^eter au sujet de ce macabre d'ebris. Donc, Fant^omas ne nous attend pas. Eh bien mon cher Fandor, profitons-en. Ne commettons pas la lourde gaffe d’aller descendre dans un h^otel en renom, o`u notre arriv'ee lui serait tout de suite signal'ee. Choisissons, au contraire, une bo^ite tranquille, et, puisque nous avons de l’avance sur ce bandit, ne la perdons pas, pr'eparons-nous `a enqu^eter d`es demain matin, mais `a enqu^eter discr`etement.
***
Ils descendirent `a la Bonne Chance, et d`es l’aube, se mirent au travail.
Sur les genoux de Juve, 'eparpill'es sur les tables, sur les lits, sur les chaises, des documents, que Juve, l’un apr`es l’autre, passait `a Fandor.
— Regarde, expliquait le policier, 'etudie-moi tout cela. Pendant que tu dormais, tout `a l’heure, j’ai fait pr'evenir les policiers locaux que je n’avais aucun besoin de les voir.
— Ce n’est pas poli, Juve.
— C’'etait n'ecessaire. Je me suis d'ebarrass'e d’eux, et j’ai camp'e mon personnage de
Brusquement Fandor s’'etait lev'e.
Le journaliste s’'etait m^eme lev'e avec tant de pr'ecipitation qu’il avait renvers'e la petite table pliante sur laquelle Juve d'epouillait le dossier.
Puis, Fandor traversa la pi`ece en courant, se pr'ecipita vers le lit et f'ebrilement fouilla dans les premiers papiers que Juve lui avait montr'es quelques minutes auparavant, qu’il avait d'ej`a pos'es l`a.
— Qu’as-tu ? qu’as-tu, sapristi ? r'ep'etait Juve.
Fandor 'eclata :
— J’ai, Juve, que tous les deux nous sommes fous, saouls ou aveugles.
— Parle donc clairement, bon Dieu.
Maintenant, Fandor attirait Juve pr`es de la fen^etre, il le forcait `a regarder un document qu’il tenait devant lui :
— Juve, qu’est-ce que vous voyez-l`a ?
— Eh bien, la photographie du cadavre de Norbert du Rand, faite `a la Morgue ?
— C’est entendu, mais l`a ?
Et Fandor, du bout de son crayon, pointait la photographie.
— L`a ? Eh bien je vois la main gauche du cadavre ?
— Parfaitement. Et sur cette photographie-ci ?
Fandor, triomphalement, tendait `a Juve un second clich'e pris par les soins de la police mon'egasque.
— L`a que voyez-vous ?
— Tu as raison, c’est bien la main droite, il n’y a pas `a s’y tromper.
Et c’'etait en v'erit'e une d'ecouverte ahurissante, que Fandor venait de signaler `a Juve.
Les photographies qu’il tenait avaient 'et'e faites, la veille au soir.
Or, si elles repr'esentaient, l’une la main droite de Norbert et l’autre sa main gauche, c’est qu’il 'etait bien 'evident que, la veille au soir, le cadavre avait encore ses deux mains, et que, par cons'equent, la main trouv'ee `a Arles, portant la bague d’Isabelle de Guerray, n’'etait pas la main amput'ee de Norbert du Rand, comme Juve et Fandor l’avaient cru.
D`es lors, tombait d'ej`a tout l’'echafaudage d’hypoth`eses laborieusement construit par le journaliste et le policier.
***
— Voulez-vous me suivre, messieurs ? Monsieur le directeur sera enchant'e de vous recevoir.
Il y avait cinq minutes d'ej`a que Juve et Fandor attendaient dans le petit salon – celui-l`a m^eme o`u, quelques jours avant, Ivan Ivanovitch avait attendu avant d’aller faire la proposition que l’on sait `a la direction du Casino – et les deux amis qui trouvaient le temps long, se lev`erent avec empressement.
— Viens, avait dit Juve, une demi-heure plus t^ot, entra^inant Fandor au Casino. Je te pr'esenterai comme mon secr'etaire, et de la sorte, nous serons deux `a entendre les d'eclarations du directeur, et elles ne doivent pas manquer d’int'er^et, ces d'eclarations.
Fandor, naturellement, s’'etait laiss'e convaincre, tr`es flatt'e en somme.
— Monsieur Juve, d'eclara le directeur de la Compagnie des Bains, saluant profond'ement le policier et accordant un l'eger signe de t^ete `a Fandor ; je suis on ne peut plus heureux de votre rapide arriv'ee, je ne doute pas que, gr^ace `a vous…
Mais Juve n’aimait pas les compliments.
— Vous ne doutez pas, monsieur ? Eh bien, vous avez tort, moi je doute. Voyons : Avez-vous d’autres 'el'ements d’enqu^ete, concernant l’assassinat de ce monsieur Norbert du Rand, depuis que vous avez t'el'egraphi'e `a la S^uret'e ?