La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Bien, r'etorqua J'er^ome Fandor, cela ne m’a pas l’air ennuyeux pour le moment. Que vais-je donc faire `a Monte-Carlo ?
— Ce qu’on y fait toujours, Fandor. Vous vous l`everez de bonne heure, vous vous coucherez tard, vous irez au Casino, au th'e^atre, dans les restaurants `a la mode, vous vous ferez de belles relations, vous organiserez des promenades en automobiles, avec des amis, m^eme avec des dames. Vous parlerez de tout et de rien, vous ouvrirez les yeux, vous regarderez autour de vous.
— Parfait, je vois ce dont il s’agit. Il y a comme on dit des
M. Dupont de l’Aube s’'etait lev'e, il prenait son chapeau, son pardessus.
Le populaire s'enateur, extr^emement mondain, avait sans doute encore quelque d^iner en ville qui l’emp^echait de prolonger son s'ejour au journal. Au surplus il n’avait plus rien `a dire `a son collaborateur.
J'er^ome Fandor, en effet avait tr`es bien compris.
— Naturellement, poursuivit ce dernier en se tournant vers M. de Panteloup, cela signifie encore que je pars par le prochain train ?
M. de Panteloup, qui, depuis quelques instants d'ej`a feuilletait l’indicateur, hocha affirmativement la t^ete :
— Fandor, disait-il avec enjouement, il n’est que six heures, le rapide de 7 heures 20 m’a l’air tout indiqu'e…
— Tout indiqu'e, en effet. J’avais ce soir rendez-vous avec une petite femme dont j’ai par-dessus la t^ete. Nous allons mettre de la sorte quelques bons kilom`etres entre elle et moi.
Fandor, qui n’oubliait pas les choses importantes, fit signer par le secr'etaire g'en'eral un bon qu’il s’empressa de toucher `a la caisse, puis le journaliste quitta le journal.
Il n’avait que le temps d’aller boucler sa valise pour attraper son train.
***
Gare de Lyon, vers 7 heures.
C’'etait, sur le premier quai, le mouvement accoutum'e, la bousculade qui pr'ec`ede le d'epart des grands express et des trains de luxe `a destination de la c^ote d’Azur.
Le journaliste, en maugr'eant, fendait la foule des voyageurs qui d'ej`a avaient retenu les meilleurs des coins dans les compartiments disponibles :
— Pourvu, grognait Fandor, qu’il reste une place dans un wagon-lit.
Le journaliste n’osait l’esp'erer car `a cette 'epoque de l’ann'ee, de f'evrier `a avril, tous les compartiments de luxe sont retenus.
Mais, par bonheur, le journaliste eut l’agr'eable surprise d’apprendre qu’une couchette 'etait disponible. Le voyageur qui devait l’occuper manquait au dernier moment :
— Installez-moi bien vite l`a-dedans, dit J'er^ome Fandor, en gratifiant d’un bon pourboire l’employ'e du wagon.
Mais soudain au moment o`u il allait inspecter le domicile ambulant qui allait le transporter, en l’espace d’une nuit, du coeur de Paris, maussade, embrum'e et pluvieux, sur la c^ote d’Azur, toute resplendissante de soleil, J'er^ome Fandor poussa un cri de surprise :
— Ah, par exemple ! fit-il, cela n’est pas ordinaire, que diable, mon cher, faites-vous par ici ?
Le journaliste venait d’adresser ces paroles `a un homme d’une quarantaine d’ann'ees environ, aux yeux clairs, `a la face ras'ee, aux cheveux argent'es sur les tempes. L’interlocuteur de J'er^ome Fandor faisait `a ce moment les cent pas sur le quai, la t^ete pench'ee en avant, les yeux baiss'es vers le sol, comme plong'e dans de profondes r'eflexions. Il 'etait envelopp'e dans une grande pelisse qui faisait ressortir la carrure de ses 'epaules.
Le personnage ainsi interpell'e releva la t^ete, cependant que Fandor continuait :
— Juve, mon bon Juve, comme je suis heureux de vous rencontrer.
C’'etait en effet l’inspecteur de la s^uret'e, le c'el`ebre Juve, que venait de heurter sur le trottoir de la gare de Lyon, le journaliste J'er^ome Fandor.
Les deux amis se serr`erent affectueusement les mains.
Il y avait au moins quinze jours que les hasards de l’existence les avaient 'eloign'es l’un de l’autre et quinze jours, c’'etait beaucoup pour ces hommes qu’unissait depuis si longtemps une sinc`ere, une 'etroite amiti'e.
Tous deux, en effet, avaient v'ecu, ensemble ou s'epar'ement, mais toujours l’un pour l’autre, les heures `a la fois les plus tragiques, les plus impressionnantes, les plus dr^oles comme les plus douloureuses, qu’il soit possible de vivre. Ils avaient 'et'e m^el'es aux aventures les plus fantastiques, ils s’'etaient trouv'es h'eros ou victimes des 'ev'enements les plus inou"is.
Et, en effet, si J'er^ome Fandor 'etait universellement connu, eu 'egard `a sa qualit'e de reporter charg'e des enqu^etes les plus sensationnelles, Juve, le policier Juve, 'etait le plus c'el`ebre des inspecteurs de la S^uret'e.
`A maintes reprises, il avait 'et'e m^el'e aux pires aventures, s’'etait trouv'e dans les situations les plus compliqu'ees, payant perp'etuellement de sa personne et risquant sa peau, compromettant au besoin sa r'eputation, luttant contre tout et contre tous. Juve, seul, ou aid'e de son ami Fandor, s’'etait, depuis plus de dix ans acharn'e `a la poursuite du bandit le plus formidable qui ait d'efray'e la chronique, – la chronique sanglante, – et aliment'e les annales du crime, du bandit qui, perp'etuellement, prenait les plus diff'erents aspects pour 'echapper aux poursuites les plus acharn'ees : Fant^omas.