La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Si, fit P'erouzin, brusquement, et je m’en vais vous la communiquer…
`A ce moment on frappait `a la porte, un garcon de bureau apparut :
— C’est un journaliste, dit-il, un r'edacteur du Phare de Monte-Carlo. Il voulait avoir des renseignements sur ce qui vient de se passer dans le cabinet de M. le directeur…
M. de Vaugreland avait repris sa mine impassible.
— R'epondez-lui, fit-il, que j’ignore ce qu’il d'esire : il ne s’est rien pass'e.
Le reporter n’insista pas, mais il courut au t'el'ephone et demanda :
« Paris »…
6 – LA MAIN DANS L’AIGUILLAGE
M. Dupont de l’Aube, s'enateur, directeur de La Capitale, conversait famili`erement avec M. de Panteloup, son secr'etaire g'en'eral.
Il 'etait cinq heures et demie.
Les premi`eres 'editions venaient de sortir dans Paris et les camelots, courant `a perdre haleine, les hurlaient sur les boulevards.
M. Dupont de l’Aube paraissait fort pr'eoccup'e et `a deux ou trois reprises il avait renvoy'e de son cabinet, dont les vastes fen^etres donnaient sur les boulevards, les garcons de bureau porteurs de cartes de visites, annoncant des visiteurs, la plupart du temps d’ailleurs qu'emandeurs ou solliciteurs.
— 'Ecoutez-moi, de Panteloup, fit M. Dupont de l’Aube, lorsqu’il eut pour la dixi`eme fois 'ecart'e d’un geste rageur et ennuy'e le bristol que lui pr'esentait un domestique, 'ecoutez mon cher, il faut absolument tirer cette affaire au clair. Nous devons `a notre r'eputation d’^etre les premiers et les mieux inform'es. Voyons, que s’est-il donc pass'e ? Racontez-moi cela en d'etail ?
— Mon cher directeur, ce sera tr`es court, car je suis bien peu renseign'e sur cette affaire compliqu'ee et obscure d’un num'ero qui gagne `a la roulette, d’un officier russe qu’on a failli arr^eter, para^it-il, qu’on a rel^ach'e ensuite, et enfin d’un malheureux jeune homme que l’on a trouv'e mort sur la voie du chemin de fer entre Nice et Monte-Carlo.
Mais M. Dupont de l’Aube, pr'ecis, rectifiait :
— Non pas, Panteloup, c’est entre Monte-Carlo et Nice, vous saisissez l’importance de la chose ?
— Vous avez toujours 'et'e l’homme de l’exactitude, mon cher directeur et je vous en f'elicite.
— Alors, Panteloup ?
— Dame je ne sais pas, je ne sais rien de plus. Notre correspondant de Monaco, qui est r'edacteur `a un petit journal local, nous a t'el'ephon'e hier soir qu’on lui opposait, au Casino, un mutisme absolu. Ce correspondant est un brave garcon mais il n’est pas tr`es d'egourdi. Il a pris pour argent comptant la consigne de l’administration.
M. Dupont de l’Aube hocha la t^ete, se gratta le menton :
— Tout ca n’est pas clair, mon cher, et tout cela a besoin d’^etre 'eclairci. Il faut envoyer quelqu’un l`a-bas qui puisse d'ebrouiller cette affaire avec tact, intelligence et discr'etion. Il ne s’agit pas de dire du mal par principe de la maison de jeu, il ne s’agit pas non plus de fermer les yeux s’il s’y passe quelque scandale que l’on veuille dissimuler au public dans l’int'er^et de la cagnotte.
— Mon cher directeur, conclut M. de Panteloup, vous avez absolument raison, soyons impartiaux et document'es, selon la formule qui nous a toujours si bien r'eussi.
— Qui allons-nous envoyer, Panteloup ?
— Parbleu, il n’y a pas `a h'esiter.
Le directeur appuya sur un timbre, passa une fiche au garcon de bureau.
Quelques instants apr`es, par une petite porte dissimul'ee dans le mur du cabinet directorial, entrait un jeune homme `a tournure 'el'egante, `a mine 'eveill'ee, yeux p'etillants, l`evre ombr'ee d’une l'eg`ere moustache blonde.
— Mon cher Fandor, dit M. Dupont de l’Aube, d`es l’entr'ee du nouveau venu, je vous annonce une bonne nouvelle.
— Je suis augment'e ? demanda Fandor.
— Pas encore, mais vous partez, charg'e d’une mission de confiance.
***
J'er^ome Fandor n’'etait autre que le c'el`ebre journaliste qui depuis quelques ann'ees par ses aventures sensationnelles avait int'eress'e et distrait le public parisien. Le jeune journaliste, m^el'e d`es le d'ebut de sa carri`ere aux intrigues les plus compliqu'ees, aux aventures `a la fois les plus tragiques et les plus extravagantes, s’'etait fait dans la presse une situation toute personnelle et tr`es particuli`ere. `A maintes reprises, pendant des mois entiers, il avait disparu de La Capitale, abandonnant son journal avec la plus parfaite d'esinvolture d`es qu’il s’agissait de se livrer `a une enqu^ete polici`ere ou de s’attacher `a 'eclaircir un myst`ere donn'e. Lorsqu’il revenait, on l’accueillait toujours comme l’enfant prodigue et `a maintes reprises M. Dupont de l’Aube, qui le grondait `a chaque retour, pour la forme, ne manquait jamais de lui dire ensuite :
Et c’'etait l`a une promesse qui avait son importance pour J'er^ome Fandor, car si le journaliste avait err'e de par le monde, avait vu bien des choses, fait bien des m'etiers, il ne s’'etait jamais enrichi `a son m'etier de reporter. Bien au contraire, d`es qu’il avait des 'economies il les dilapidait sans compter pour les besoins de la cause et lorsque, par aventure, il ne se passait rien qui f^ut susceptible d’int'eresser son humeur aventureuse, il 'etait fort heureux de trouver `a La Capitale, la modeste, mais suffisante mensualit'e qui lui permettait d’attendre le lendemain.
Ayant entendu M. Dupont de l’Aube, Fandor fit la grimace :
— Une mission de confiance, r'ep'eta-t-il, feignant un immense d'esespoir, c’est bien pour moi… moi qui m’imaginais que j’allais passer l’hiver tranquille, c’est au moins au P^ole Nord ou dans le Centre de l’Afrique que vous m’envoyez. `A moins qu’il ne s’agisse de partir dans la machine d’un inventeur qui pr'etend se rendre de la Terre `a la Lune par les voies les plus directes et les moins encombr'ees ?
— J'er^ome Fandor, la mission dont je veux vous charger est de tout repos. L’air de Paris ne vous vaut rien en ce moment, j’en suis convaincu, et vous avez besoin de passer quelques jours `a l’endroit le plus charmant qu’il existe en cette saison. Je vous envoie `a Monte-Carlo et je vous donne un cr'edit illimit'e, `a la condition, bien entendu, que vous soyez raisonnable.