La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Priez M. le commissaire de police de monter `a l’instant.
— Ah, hurla Ivan Ivanovitch, qu’allez-vous faire, monsieur ? vous appelez la police, vous allez m’arr^eter ?
— Je n’arr^ete pas, monsieur, le commissaire de police appr'eciera et d'ecidera ce qu’il doit faire.
***
Le premier bal du Casino, le premier bal de la saison s’achevait brillamment dans les superbes salons avoisinant la salle de jeu.
Il 'etait tard, la f^ete allait se terminer lorsque soudain, malgr'e l’enthousiasme des tziganes et l’entrain endiabl'e de quelques valseurs, les couples cess`erent de tournoyer.
Des groupes myst'erieux s’'etaient form'es. On s’interrogeait `a voix basse. Dans les encoignures des fen^etres, danseurs et danseuses affectaient soudain des mines piteuses et renfrogn'ees, puis de temps `a autre, un cri s’'elevait, cri d’inqui'etude ou de surprise que couvrait rapidement les flonflons de l’orchestre.
Peu `a peu, lentement, avec la progression r'eguli`ere et implacable d’une tache d’huile qui s’'etend, le bruit du drame s’'etait propag'e.
On apprenait que le train, partant `a onze heures vingt-cinq de Monaco, `a destination de Nice et de toutes les stations de la c^ote, avait 'et'e le th'e^atre d’un crime affreux.
Le commissaire de police venait de proc'eder `a l’arrestation du commandant russe Ivan Ivanovitch.
La premi`ere personne qui avait apport'e cette information dans les salons du Casino, ne s’'etait pas apercue qu’elle produisait une formidable impression sur une d'elicieuse cr'eature qui jusqu’alors semblait s’^etre follement amus'ee pendant la f^ete.
C’'etait une femme, une jeune fille, presque une enfant ; `a peine avait-elle vingt ans.
Elle 'etait jolie `a ravir, v^etue d’une facon exquise, dansant `a la perfection, affectant `a la fois des mani`eres r'eserv'ees et tr`es libres, ce qui lui donnait un charme tout particulier.
Cette jeune fille n’'etait autre que M lleDenise, la pensionnaire de M. et M meH'eberlauf.
En apprenant l’arrestation d’Ivan Ivanovitch, qui succ'edait `a la nouvelle de la mort de Norbert du Rand, M lleDenise avait affreusement p^ali. Elle s’approcha d’une fen^etre, l’entrouvrit, huma une large bouff'ee d’air pur, puis, 'epongeant son front avec un fin mouchoir de batiste, elle demanda `a son danseur de vouloir bien l’excuser.
Ce danseur 'etait le comte de Massepiau.
— Mon cher ami, disait la jeune fille, accordez-moi quelques instants, un malaise subit, une indisposition passag`ere m’oblige `a me retirer. Je vous retrouverai l`a tout `a l’heure, attendez-moi.
Le comte de Massepiau n’avait pas le temps de r'epliquer que l’orchestre attaquait la derni`ere valse, que la jeune fille s’'etait d'ej`a 'eclips'ee.
Certes son malaise ne devait ^etre qu’un pr'etexte, car, avec une rapidit'e extraordinaire, elle gravit aussi vite que possible le grand escalier d'esert qui m`ene au second 'etage du Casino.
— M. de Vaugreland ? demanda-t-elle…
— Il n’est pas visible, d'eclara un garcon de bureau…
— Je le sais, fit la jeune fille qui passait outre devant le domestique stup'efi'e, mais il faut que je le voie quand m^eme.
Denise toutefois se heurtait, lorsqu’elle atteignit une porte plus rapproch'ee du bureau directorial, `a une consigne plus s'ev`ere, `a un brigadier galonn'e :
— Vous ne pouvez pas voir M. le directeur en ce moment, affirma le cerb`ere.
Mais Denise parlementa, insista tellement que l’homme h'esita.
Denise eut la trouvaille d'efinitive pour le d'ecider `a l’annoncer :
— C’est au sujet du crime, d'eclara-t-elle, que je viens…
Et le brigadier n’osa plus refuser d’introduire la visiteuse dans un petit salon attenant au cabinet de M. de Vaugreland.
De cette pi`ece, Denise pouvait d`es lors p'en'etrer librement dans celle o`u s’'etait d'eroul'e le drame qui s’achevait maintenant par l’arrestation de l’'enigmatique Ivan Ivanovitch.
`A la grande stup'efaction de tous les hommes qui 'etaient r'eunis dans le bureau directorial, la jeune fille fit irruption et, sans prendre m^eme le temps de regarder Ivan Ivanovitch, elle d'eclara :
— Attendez, messieurs, attendez, cet homme est innocent.
Puis brusquement, Denise se tut.
Le directeur, les inspecteurs et m^eme le commissaire de police s’'etaient retourn'es, fig'es de surprise.
M. de Vaugreland, toujours correct, offrait une chaise `a la nouvelle venue.
— Remettez-vous, mademoiselle, qu’avez-vous `a nous apprendre ? Nous nous trouvons en pr'esence d’un drame myst'erieux. Si vous pouvez nous apporter quelques 'eclaircissements, ils seront les bienvenus.
— Assur'ement, mademoiselle, ils seront les bienvenus, r'ep'etait en s’inclinant devant elle, avec une gr^ace de pachyderme, un homme gros et court, afflig'e d’un effroyable accent du Midi et qui n’'etait autre que M. Amizou, le commissaire de police.
Apr`es sa premi`ere d'eclaration, Denise semblait avoir perdu toute son assurance. La jeune fille 'etait toute p^ale et cependant qu’Ivan Ivanovitch la consid'erait avec stupeur, elle balbutia :
— Mon Dieu, messieurs, je ne sais pas, je voudrais savoir… vous aider, sauver notre ami, Ivan Ivanovitch, qui, j’en suis certaine, est un tr`es honn^ete homme, incapable de l’horrible forfait qu’on lui reproche… Tenez, j’'etais encore tout `a l’heure avec lui dans le bal, nous causions… plusieurs amis sont venus nous serrer la main…
Au fur et `a mesure que Denise parlait, une stup'efaction grandissante se peignait sur le visage de M. de Vaugreland.
— Pardon, pardon, interrompit P'erouzin, que nous racontez-vous l`a, mademoiselle ? Vous 'etiez avec le commandant Ivan Ivanovitch tout `a l’heure dans le bal… dites-vous. Pouvez-vous pr'eciser l’heure ?