La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Un instant, fit-il…
Puis appelant Nalorgne, il ajoutait :
— Dites-moi, Nalorgne, et vous P'erouzin, quelle somme estimez-vous que M. Norbert du Rand a pu emporter ce soir lorsqu’il a quitt'e le Casino ?
— Environ six cent mille francs, monsieur, on a d^u arroser la banque trois fois dans la soir'ee.
Ce chiffre 'etait 'evidemment une r'ev'elation pour Ivan Ivanovitch, car au mot de six cent mille francs, il poussa un cri d’horreur :
— Mais c’est la somme que j’ai sur moi.
— C’est un peu ce que je pensais, d'eclara le directeur. Comptez, messieurs.
— Ah c`a ! Ah ca ! hurlait Ivan Ivanovitch, que signifie donc cette enqu^ete, cet interrogatoire, je crois commencer `a comprendre. Je comprends. Auriez-vous l’intention, par hasard de m’accuser d’avoir vol'e Norbert du Rand ? qui sait m^eme, de l’avoir tu'e ? Ah ! non, ca serait trop ridicule. Ne vous avisez pas de le faire, songez que je suis officier russe et que vous auriez maille `a partir avec mon gouvernement.
Sans se laisser intimider, M. de Vaugreland, toujours d’une froideur d'econcertante, posait au commandant cette simple question :
— Comment expliquez-vous, monsieur, la pr'esence dans vos poches d’une somme d’environ six cent mille francs, somme co"incidant exactement avec celle que portait sur lui, tout `a l’heure, l’infortun'e Norbert du Rand, votre compagnon de toute la soir'ee ?
Ivan Ivanovitch se rendait bien compte de la gravit'e de la question, des effroyables cons'equences qui pouvaient r'esulter du quiproquo dont il paraissait devoir ^etre la victime.
Il 'etait si troubl'e que les id'ees se pressaient en foule devant lui, mais sans qu’il parv^int `a coordonner ses pens'ees.
Apr`es avoir balbuti'e quelques mots inintelligibles, apr`es avoir comprim'e son front entre ses mains, Ivan Ivanovitch releva la t^ete.
— Messieurs, d'eclara-t-il en s’efforcant d’^etre calme, 'ecoutez ; voici la v'erit'e. C’est moi, en effet, qui ai pouss'e Norbert du Rand `a jouer ce soir, `a jouer sur le sept. J’ai 'et'e d’ailleurs bien inspir'e. Il a gagn'e. Il 'etait convenu que nous devions partager le b'en'efice. Norbert a quitt'e la salle de jeu avec six cent mille francs : il y en avait trois cent mille pour moi. Il me les a donn'es avant de partir prendre son train. Ce sont les trois cent mille francs que vous avez trouv'es dans la poche gauche de mon v^etement.
— Et les trois cent mille francs de la poche droite ? interrogea M. de Vaugreland.
— Je vous l’ai d'ej`a dit tout `a l’heure, c’est la somme qui m’a 'et'e pr^et'ee hier soir par l’administration du Casino.
— Pourquoi vous aurait-on pr^et'e cette somme, monsieur ?
Ivan Ivanovitch se tut un instant, puis il articula p'eniblement :
— Je ne puis vous l’avouer, j’ai donn'e ma parole de me taire, mais je vous jure que c’est la v'erit'e…
— Qui vous aurait pr^et'e cette somme ? poursuivit le directeur, impassible.
— Je vous l’ai d'ej`a dit, reprit Ivan Ivanovitch, j’ai cherch'e toute la soir'ee cette personne et n’ai pas pu la trouver, elle se cache. Je sais trop pourquoi.
D’autres pens'ees, un autre aveu peut-^etre semblaient pr^ets d’'eclore sur les l`evres de l’officier russe.
Mais P'erouzin intervint dans la conversation, au moment o`u peut-^etre il ne le fallait pas.
Il posa cependant une question raisonnable et opportune :
— Monsieur, demanda-t-il en s’adressant `a Ivan Ivanovitch, il est minuit et demie, vous avez quitt'e la table de jeu num'ero sept avec M. Norbert du Rand `a onze heures et quart. Vous ^etes entr'e dans le cabinet de M. le Directeur `a environ minuit un quart. Pourriez-vous nous donner votre emploi du temps pendant cet intervalle ?
— Mais parfaitement, r'epondit Ivan Ivanovitch.
On avait l^ach'e l’officier et celui-ci se tenait debout devant le bureau du directeur, cependant qu’autour de lui inspecteurs et huissiers faisaient cercle, pr^ets `a pr'evenir la moindre vell'eit'e de fuite.
— Voyons, commenca Ivan Ivanovitch, j’ai reconduit Norbert du Rand jusqu’`a l’entr'ee du Casino. Nous avons effectu'e notre partage pr`es du vestiaire. Malheureusement, il n’y avait personne pour nous voir `a ce moment, puis, je suis entr'e dans l’Atrium, j’ai 'ecout'e la musique pendant une dizaine de minutes environ.
P'erouzin prenait des notes sur un calepin :
— Onze heures vingt-cinq, d'eclara-t-il, c’est exact en effet je vous ai vu.
— Ensuite, monsieur, interrogea le directeur, qu’avez-vous fait ?
D’une voix faible et tremblante, Ivan Ivanovitch articula :
— Je suis descendu dans les jardins, j’ai 'et'e m’asseoir sur un banc, `a droite, tout au bout, vous savez ce banc qui est dissimul'e sous trois gros cypr`es.
— Vous n’avez rencontr'e personne ? Personne ne vous a vu ?
— Je ne sais pas, peut-^etre que quelqu’un m’a remarqu'e.
Les inspecteurs hoch`erent la t^ete :
— On ne nous a signal'e la pr'esence de personne sur ce banc.
— Cela ne prouve pas…
— Cela ne prouve rien, en effet, reconnut M. de Vaugreland, mais comme il nous semble 'etonnant que vous soyez rest'e dans le parc jusqu’`a minuit un quart, que vous n’avez song'e `a venir dans les bureaux effectuer votre soi-disant restitution qu’`a cette heure voisine de la fermeture, vous me permettrez de me dessaisir de la responsabilit'e de votre personne.
— Cela signifie ?
M. de Vaugreland fit un signe `a un garcon :