La main coup?e (Отрезанная рука)
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Or, de m^eme que Fandor, lorsqu’il 'eprouvait un instant de r'epit, rentrait `a volont'e `a La Capitale, comme la brebis momentan'ement 'egar'ee au bercail, de m^eme Juve, hautement appr'eci'e de ses chefs, tenu en grande estime par M. Havard, le directeur de la S^uret'e, reprenait `a son gr'e du service `a la Pr'efecture lorsqu’il jugeait bon d’achever les cong'es illimit'es qu’il s’octroyait parfois sans vergogne, mais toujours afin de combattre Fant^omas, son implacable ennemi.
***
— Juve.
— Fandor.
— Eh bien, petit, que fais-tu donc par ici ?
— Vous le voyez, Juve, je monte dans ce train, je d'ebarque demain matin sur la c^ote d’Azur, je rev^ets mon smoking d`es six heures du soir et je fais pendant une quinzaine une bombe `a la fois 'el'egante et ininterrompue.
— Vraiment, s’exclama Juve, tu n’as pas d’autre projet ?
— Si, Juve, j’ai le projet de m’amuser, de manger de bons d^iners, de boire des consommations am'ericaines et de faire la cour aux femmes, et de tenter la chance `a la roulette. Apr`es quoi je reviendrai. Et vous-m^eme Juve ?
Juve sourit, 'enigmatique :
— Eh bien moi, petit, c’est `a peu pr`es la m^eme chose, je n’aime pas l’humidit'e pour mes rhumatismes et comme je n’ai pr'ecis'ement pas de fortes chaussures cet hiver, craignant de m’enrhumer, je m’en vais au soleil, je pars, dans un instant, avec toi, sans doute, pour ce pays de r^eve et d’enchantement qu’on appelle Monaco…
— Et qu’allez-vous donc y faire ?
— La sieste l’apr`es-midi, de jolies promenades sur le bord de la mer pour admirer les couchers de soleil ; j’emporte ma pipe pour fumer `a l’ombre des palmiers et enfin je pense bien que je trouverai l`a-bas une bicyclette `a louer le matin pour faire un peu de sport avant le d'ejeuner, ainsi qu’une ^ame soeur.
— Ouais, et o`u ^etes-vous install'e ?
Juve d'esigna un compartiment dans un sleeping en t^ete du train et que s'eparait du reste du convoi le wagon restaurant.
Fandor battit des mains :
— Comme ca se trouve, moi aussi.
Juve poursuivait :
— J’avais un compartiment pour moi seul, mon compagnon de voyage primitif ayant d'eclar'e forfait. Or, j’apprends `a l’instant qu’on a fourr'e un g^eneur dans la couchette disponible.
— De mieux en mieux, d'eclara Fandor, ce g^eneur, c’est moi.
— Voil`a bien ma veine.
Le policier, toutefois, embo^itait le pas `a Fandor qui, lestement, gravit les trois marches permettant d’acc'eder du trottoir au wagon.
Les deux hommes s’introduisirent dans l’'etroit compartiment dont les banquettes, superpos'ees l’une au-dessus de l’autre allaient constituer leurs lits respectifs jusqu’au lendemain matin.
Ils pouss`erent la porte, et lorsqu’ils furent seuls, ils se regard`erent dans le blanc des yeux en 'eclatant de rire.
— Juve.
— Fandor.
— Vous en avez de bonnes, Juve. Jamais vous ne me ferez croire que vous allez `a Monaco uniquement pour fumer des pipes, monter `a bicyclette et chercher une ^ame soeur.
— Tu te paies ma t^ete, Fandor, jamais tu ne me feras admettre que tu pars pour la c^ote d’Azur uniquement pour rev^etir chaque soir ton smoking et faire la noce avec des demoiselles.
Ils se turent. Puis Juve reprit :
— Tu vas l`a-bas pour l’affaire de la roulette et l’histoire du Russe ?
— Vous allez l`a-bas, Juve, pour la mort de Norbert du Rand ?
— Parbleu.
— Parbleu.
***
— Juve ? interrogeait Fandor, cependant que les deux hommes, attabl'es dans le wagon-restaurant, se br^ulaient consciencieusement en s’efforcant d’avaler le consomm'e, Juve, vous qui ^etes l’homme de toutes les perspicacit'es, je suis `a peu pr`es certain qu’un d'etail des plus curieux vous a 'echapp'e ce soir. Nous parlions tout `a l’heure de l’affaire de la roulette et vous savez comme moi que dans toute cette histoire confuse qui s’est pass'ee `a Monaco, il ressort nettement que le
— Que veux-tu dire ?
— Le sept a gagn'e.
— Beaucoup gagn'e ?
— Trop gagn'e, Juve, poursuivit Fandor, mais l`a n’est pas la question. Avez-vous remarqu'e que notre compartiment…
— Porte le num'ero sept, n’est-ce pas ?
— Ah, vous le saviez ? De plus nos couchettes sont respectivement les couchettes…
— Sont les couchettes sept et sept bis.
— Juve, grogna Fandor, vous avez d'ecid'ement jur'e de me couper tous mes effets, mais j’ai mieux que cela encore `a vous offrir. Savez-vous quel est le num'ero de notre wagon ?
— Ah, petit, ma foi non, d'eclara Juve, cette fois je m’avoue vaincu ?
— Eh bien, fit triomphalement Fandor, c’est 3211.
— Et alors ?
— Alors, trois plus deux plus un plus un 'egale sept.
Juve approuva et au bout d’un moment :
— Fandor, as-tu regard'e la carte du wagon-restaurant ? Le d^iner co^ute sept francs.
`A ce moment passa le sommelier.
— Quel vin vais-je servir `a ces messieurs ? demanda-t-il.
L’homme ajouta :
— La boisson n’est pas comprise dans le prix du d^iner.
Alors, au grand 'ebahissement du domestique, Juve et Fandor, pris d’un fou rire et d'ecid'es `a passer gaiement la soir'ee, s’'ecri`erent presque ensemble :
— Peu nous importe, `a condition que vous nous donniez un vin qui co^ute sept francs.
Le sommelier haussa imperceptiblement les 'epaules, puis les inscrivit d’autorit'e pour une bouteille de Pommard.
***
Cependant, au fur et `a mesure que le d^iner s’avancait dans le wagon-restaurant, on sentait na^itre et se d'evelopper une atmosph`ere de gaiet'e dans la voiture bond'ee d’une client`ele 'el'egante.