Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Gendarmes, laissez-nous.
Les gendarmes se consult`erent du regard, surpris.
— Monsieur le juge d’instruction nous renvoie ?
— Oui. Vous pouvez disposer, gendarmes. J’entends interroger seul ces individus.
Les gendarmes sortirent, abasourdis.
Plus abasourdis encore, 'etaient les deux pr'evenus : l’'El`eve et B'eb'e.
Or, les deux apaches n’'etaient pas entr'es dans le cabinet du juge d’instruction qu’ils s’'etaient apercus du premier coup d’oeil, que le magistrat n’'etait autre que Fant^omas. Le sinistre bandit les avait appel'es de sa voix naturelle, de la voix de Fant^omas. B'eb'e, le premier, pourtant, avait retrouv'e son sang-froid.
Comme l’'El`eve le regardait avec des yeux ronds, une mimique si affol'ee qu’elle devenait explicite, B'eb'e souffla :
— Tais-toi, la ferme, jase pas, c’est des mistoufles qui vont s’expliquer.
Puis, les gendarmes sortis, B'eb'e devinant qu’alors on pouvait parler sans h'esiter, apostrophait le juge d’instruction :
— Des fois, faisait-il, j’en suis comme deux ronds de flan, c’est bien toi, Fant^omas ?
Fant^omas haussa les 'epaules :
— Naturellement.
Fant^omas affectait une grande cordialit'e :
— Oui, je suis curieux `a mes moments perdus. Tu ne savais pas. B'eb'e ?
— Ah mince alors, s^ur que je ne m’en doutais pas. Mais sacr'e bon sang, si t’es le curieux, c’est toi qui as fait coffrer tout le monde hier ?
Et la voix de B'eb'e s’'etait faite menacante.
Pour Fant^omas, sans le moindre embarras, il avoua :
— Oui, c’est moi qui ai fait coffrer tout le monde. Ca n’a pas d’importance, puisque je suis `a m^eme, par ma situation, de faire rel^acher qui bon me semble.
— Eh bien, conclut B'eb'e, tout ca c’est des affaires qui me donnent les foies. On sait jamais ce que tu trafiques, Fant^omas. T’es un costaud. Mais t’es un costaud qui fait peur. Vingt dieux, tu dis que tu peux rel^acher tout le monde ? Alors qu’est-ce que t’attends pour nous renvoyer `a la libert'e, l’'El`eve, moi et les autres ? tu t’imagines pas que nous nous amusons en prison ?
— Bien entendu, vous ne vous amusez pas en prison. Et moi, B'eb'e, crois-tu que je me plaise davantage `a faire semblant d’^etre magistrat ?
— Rien ne t’y oblige ?
— Tu crois ?
— Enfin, reprenait l’apache, qu’est-ce que tu vas faire de nous ? Je me doute bien, Fant^omas, que si tu nous as fait coffrer, y’a des raisons pour.
— Probable. Eh bien oui. B'eb'e, si je vous ai fait coffrer, tous, hier soir, en effet, y’a des raisons pour. Je vous savais, d’abord, sous la surveillance de la S^uret'e. Donc, si je ne vous avais pas arr^et'es, vous alliez l’^etre. Or, ^etre arr^et'es par moi cela n’avait gu`ere d’importance, tandis qu’^etre arr^et'es par d’autres.
— Ouais. Ca fait tr`es bien. Mais en attendant, j’aimerais bien jouer la fille de l’air.
Fant^omas se leva :
— Tu vas la jouer.
Le bandit marchant vers le grand placard qui ornait le fond de son cabinet, prit en effet des formules d’imprim'es, des ordonnances de non-lieu. Il en signa deux, l’une au nom de B'eb'e, et l’autre au nom de l’'El`eve.
— 'Ecoutez, reprenait Fant^omas, toisant les deux hommes, voici assez longtemps que nous causons pour ne rien dire alors que les minutes pressent. Vous ^etes en ce moment boucl'es tous les deux ? Si je le voulais, vous resteriez boucl'es. Vous auriez beau crier en effet que je suis Fant^omas, vous pensez bien que personne ne vous croirait ! Donc, vous ne pouvez rien contre moi. Alors que je peux tout pour vous. Vous ^etes bien de mon avis ?
B'eb'e inclina la t^ete, l’'El`eve qui sortait seulement de sa stupeur profonde, demanda brutalement :
— Pourquoi nous dis-tu cela ?
— Pour vous inviter `a r'efl'echir. Eh bien, mes enfants, je vais vous remettre en libert'e. Mais `a une condition : vous allez vous charger, l’un et l’autre, d’une mission qui demande 'energie et vigueur.
— Je vois ce que c’est. Un tour de passe-passe ?
Mais Fant^omas l’interrompit :
— Tais-toi, B'eb'e. Tu ne vois pas du tout ce que c’est, et il ne s’agit pas d’un tour de passe-passe. C’est beaucoup plus grave.
— Du raisin'e ?
— Du raisin'e.
Puis Fant^omas expliqua :
— 'Ecoutez-moi, les gars. Quand je me suis tir'e des pattes de la prison de Louvain, il y a eu quelqu’un qui m’int'eresse, qui y est entr'e `a ma place.
— Malgr'e lui ?
— Cela ne vous regarde pas. Cet individu dont je n’ai pas `a vous dire le nom, tout le monde croit naturellement que c’est Fant^omas. Bien. Ce faux Fant^omas on va l’extrader. Le conduire ici `a Saint-Calais. Il va crier mon imposture.
— Mais alors, nom de Dieu, Fant^omas. Toi, qu’est-ce que tu vas devenir ?
— Il ne faut pas justement que le faux Fant^omas soit conduit ici. C’est-`a-dire que toi, B'eb'e, et toi, l’'El`eve, vous allez vous arranger pour faire 'echapper le bonhomme, que l’on veut extrader et amener ici. Vous allez vous arranger pour le faire 'echapper co^ute que co^ute. Peu importe que vous soyez arr^et'es, pourvu que vous ne le soyez qu’apr`es avoir tu'e cet individu.
— Il faudra qu’on le tue ?
— Oui.
— Vilaine commission, Fant^omas.
— Allons donc. Tu ne r'efl'echis pas `a ce que tu dis, B'eb'e, qu’est-ce que vous risquez ?
— Ce que nous risquons, tiens, tu es bon. Si on zigouille ton individu et que nous soyons faits, c’est notre t^ete que nous risquons. Ni plusse ni moinsse.
— Imb'ecile, tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. Je te dis, moi, que vous ne risquez rien. Quand m^eme vous seriez arr^et'es apr`es avoir tu'e l’individu que je vous signale, il n’en r'esulterait rien de f^acheux pour vous. Arr^et'es, on vous reconduit ici. Tu me comprends B'eb'e, ici `a Saint-Calais ? devant moi, qui, bien entendu, m’arrange pour vous remettre en libert'e.