Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Mon Dieu, tu vas me rendre fou avec tes histoires, Fandor, qu’est-ce que tu veux dire ? Parle.
Mais Fandor ne r'epondit pas.
L’un des gendarmes venait de se remuer, d’ouvrir les yeux. Juve et Fandor, toutefois, apr`es quelques minutes d’intense 'emotion, se rassur`erent. Le gendarme ayant jet'e un regard soupconneux autour de lui n’avait rien apercu de suspect, referma les yeux, se remit `a ronfler.
J'er^ome Fandor reprit :
— Voil`a, Juve. C’est quelque chose de grave, de terrifiant, et je vous prie de noter que je n’en suis pas certain. Toutefois, il 'etait bon de vous pr'evenir.
— Parle.
— Eh bien, Juve, je suis persuad'e que le Pradier, le Charles Pradier qui est `a Saint-Calais, est un faux Charles Pradier. Qui est-ce ? Je n’en sais rien, je n’ose pas l’imaginer.
— Pourtant, ca ne peut pas ^etre…
— Juve, retenez bien ceci : le Pradier qui est `a Saint-Calais a tout fait au monde pour que vous ne soyez pas extrad'e, ce qui est d'ej`a grave. Ensuite, il a remis hier en libert'e, j’ai pu m’en assurer, deux individus qui sont en ce moment en train de vous attendre `a Connerr'e, et qui n’ont qu’un but : tenez-vous bien, Juve, vous emp^echer de parvenir jusqu’`a Saint-Calais.
— Mais tu parles chinois, sapristi.
— Je ne parle pas chinois du tout, je parle francais. Juve. Je vous dis que, soupconnant Charles Pradier d’avoir des raisons sp'eciales pour ne point vouloir que vous soyez extrad'e, je me suis arrang'e pour surveiller ses faits et gestes. Il a remis en libert'e, hier, l’apache B'eb'e et l’autre que nous connaissons sous le sobriquet de l’'El`eve. Ces deux individus sont d'ecid'es `a vous faire 'evader d’abord, `a vous tuer ensuite, et si moi je suis ici, mon brave Juve, c’est tout simplement parce qu’il me semble absolument n'ecessaire que nous 'evitions votre 'evasion d’abord, votre assassinat ensuite.
— Mais enfin, comment vas-tu faire ? comment pensent-ils me faire 'evader ?
— Ne vous inqui'etez de rien.
Le journaliste ne put ajouter un autre mot, le train s’immobilisa `a l’entr'ee d’une station, les gendarmes se r'eveill`erent, les gendarmes de Juve, h'elas, car ceux de Fandor n’eussent pas 'et'e g^enants, ils se r'eveillaient si bien que les deux amis ne purent plus 'echanger la moindre parole.
***
— Cavale voir un peu, mon poteau, viens-t’en jusque sous ce wagon ; d’abord on sera `a l’abri, et ensuite on pourra surveiller l’arriv'ee du train, sans se faire remarquer. T’as toujours ton rigolo ?
— Bien entendu, B'eb'e, t’occupe pas des d'etails. Jaspine-moi plut^ot c’que t’as fini par d'ecider.
On arrivait en gare de Connerr'e.
Il 'etait `a peu pr`es onze heures et demie, rares 'etaient les voyageurs qui attendaient le rapide de Paris.
Or, tandis que les rares personnes qui pensaient prendre le rapide de Paris faisaient les cent pas, luttant p'eniblement contre le froid et la pluie sur le quai, deux nommes, `a une centaine de m`etres de la gare, venaient d’enjamber la haie longeant la voie et se dirigeaient, ainsi que l’avait propos'e l’un d’eux, vers un wagon de marchandises qui allait leur servir `a la fois `a se dissimuler et `a se mettre `a l’abri.
Ces deux hommes n’'etaient autres que B'eb'e et l’'El`eve, les deux envoy'es de Fant^omas, charg'es de faire 'evader, puis de tuer Juve, Juve arrivant entre les deux gendarmes de la prison de Louvain.
Comment 'etaient-ils l`a ?
— Jaspine-moi donc ton plan, r'ep'etait l’'El`eve, qui, tout comme son compagnon B'eb'e, venait de s’'etendre `a m^eme le ballast, sous le wagon de marchandises d’une voie de garage.
B'eb'e ne se fit pas prier. Il 'etait d’ailleurs tr`es fier de la facon dont il avait combin'e l’ex'ecution des ordres de Fant^omas.
— Mon vieux, r'epondait-il, j’m’en vas te cracher la chose en deux secs et raide comme balle encore. Tu vas voir si c’est du fumier de moineau, et si on est `a la hauteur, quand y s’agit d’travailler.
— Vas-y, jaspine.
— Mon vieux, sit^ot l^ach'e par Fant^omas, par ce vieux copain de juge d’instruction, je me suis dit :
— C’est bon. T’es bien renseign'e, seulement on ne sait pas avec tout ca si ca sera bien commode pour le tirer des gendarmes.
— Oh ca va bien, pour ce qui est de le faire 'evader, c’est pas la mer `a boire, mon vieux, puisqu’on se fout d’^etre arr^et'es, 'etant donn'e qu’on sera conduits devant Fant^omas, pardon, devant m’sieur Pradier, et que ca sera comme qui dirait une arrestation pour la frime.
Du train de onze heures, nul prisonnier, nul gendarme n’'etait descendu. Il 'etait maintenant onze heures vingt. B'eb'e, qui sommeillait toujours 'etendu `a c^ot'e de l’'El`eve, sous le wagon de marchandises, r'eveilla son copain :
— H'e l’'El`eve, faudrait voir `a radiner maintenant vers la station. Puisqu’y avait personne dans le train de onze heures, nous sommes s^urs de le trouver dans le onze heures trente, on a pus que dix minutes, faut se grouiller, mon vieux.
En effet l’'El`eve et B'eb'e r'eussissaient tout juste `a parvenir sur les quais de la gare de Connerr'e, 'etant oblig'es de faire un long d'etour pour ne point ^etre remarqu'es des employ'es de la station, car le rapide de onze heures trente apparaissait au loin. Il entrait en gare. Il s’arr^etait, crachant la vapeur, sifflant, s’'epoumonant, et soudain emplissant de vie et de mouvement la petite station, quelques minutes auparavant d'eserte et silencieuse.
— Magne-toi, hurla B'eb'e `a l’'El`eve, tout en courant le long du convoi. Faut qu’on zyeute le wagon ousque sont les gendarmes. Histoire de monter dans le compartiment d’apr`es. On fera le coup en pleine marche, en passant `a contre-voie.
Les deux apaches coururent `a perdre haleine, le long du rapide, et puis soudain. B'eb'e empoigna l’'El`eve, le jeta de force presque dans un coin d’ombre de la gare.
— H'e pas de blague, zyeute-moi ca. V’l`a les pandores qui se gourent.