Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— Par curiosit'e, essayez-le donc…
Le candidat prit des mains m^eme de M. Chatham un second revolver, tendait le bras, pressait la g^achette… Un claquement sec… la cartouche ne partait pas !…
— Tiens… qu’y a-t-il donc ?
Le candidat sourit :
— Excusez-moi, monsieur, fit-il tranquillement, en ouvrant sa main gauche o`u scintillaient six culots de cuivre, je me suis tout simplement amus'e `a d'echarger ce revolver pendant que vous me le passiez, afin de vous montrer mon adresse.
— Quoi ! murmura-t-il, vous avez eu le temps, sans que je m’en apercoive, de d'echarger ?…
— Il para^it.
Peut-^etre le chef du jury aurait-il voulu recommencer l’'epreuve, si `a ce moment l’un de ses coll`egues, subitement inspir'e, n’avait cri'e, suivant le signal convenu :
— Menottes !
M. Chatham n’avait pas le temps d’articuler le commandement que le candidat qui venait de l’'emerveiller s’'etait rapproch'e de lui, lui avait saisi la main droite, l’avait emprisonn'ee dans une menotte, cependant qu’il emprisonnait dans deux autres poucettes les mains des deux autres membres du jury…
Les candidats n’avaient point encore achev'e de ligoter, chacun, un de leurs camarades, qu’`a lui seul, le Francais avait `a l’improviste encha^in'e les trois membres du jury.
— Excusez-moi, messieurs, dit-il, d’en agir ainsi avec vous… Mais j’avais, pr'ecis'ement des menottes sur moi… et cela m’amusait de vous montrer que je sais me servir de ces instruments assez rapidement…
Aucun des membres du jury ne protesta…
M. Chatham, comme ses deux coll`egues, faisait d’ailleurs en ce moment piteuse figure, les mains prises, l’air attrap'e…
— Vous ^etes extraordinaire, commenca M. Chatham…
— Merveilleux, poursuivit l’un de ses coll`egues.
— Stup'efiant, dit le troisi`eme…
Le candidat, en un tour de main, lib'era ses victimes improvis'ees…
Avec un petit haussement d’'epaules modeste, il se contentait d’affirmer :
— Il est parfois utile de savoir agir vite.
Puis, le ton encore plus soumis, il concluait :
— En revanche, messieurs, si, comme policier, je puis pr'etendre conna^itre mon m'etier, et m^eme me targuer d’une certaine habilet'e, je reconnais qu’en ce qui concerne les exercices de gymnastique, les exercices de pompiers, il me faudra solliciter toute votre indulgence car je n’ai jamais eu l’occasion de m’entra^iner…
— Il suffit, d'eclara M. Chatham, ne vous tourmentez pas de cela, mon ami. D`es maintenant le jury vous accorde l’admission… D’ailleurs nous ne vous soumettrons pas aux exercices qui vous inqui`etent, et je vais vous d'elivrer tout de suite votre brevet…
M. Chatham fouilla dans la serviette remplie de dossiers qu’il portait sous le bras, et tandis que ses deux coll`egues continuaient `a examiner les autres candidats policemen, il se retourna vers l’inconnu qui venait de si brillante facon de lui prouver ses talents :
— Vos certificats, disait-il, vous donnent le nom francais de Durand… nous ne pouvons pas admettre, vous le savez, que vous preniez votre service sous un nom v'eritable, vous ferez donc en sorte de choisir un pseudonyme… Autre chose : dans votre demande d’examen je vois que vous sollicitez d’^etre exclusivement affect'e `a Londres… vous ^etes sans doute mari'e ?…
— Non, monsieur…
— Enfin, vous avez des raisons pour d'esirer rester dans la capitale ?…
— Oui, monsieur…
— Bien. Comme je n’ai pas `a vous refuser quoi que ce soit apr`es la brillante facon dont vous venez de satisfaire aux exercices, voulez-vous me d'esigner vous-m^eme le quartier o`u il vous plairait d’^etre affect'e ?
Celui qui s’'etait donn'e le nom de Durand sembla h'esiter quelques minutes.
— Puis-je ^etre incorpor'e dans les brigades volantes, monsieur ?
— Certes… Mais vous n’ignorez pas que c’est surtout l`a que se recoivent les mauvais coups ?
— Je ne les crains pas.
— Que le service y est p'enible ?
— Peu m’importe…
— Que la solde n’est pas plus 'elev'ee ?…
— Cela me laisse indiff'erent…
— Vous m’intriguez, dit M. Chatham enfin, et je ne vous comprends pas. Vos certificats 'emanent des plus hautes autorit'es francaises, vous ^etes `a coup s^ur tr`es habile, et pourtant vous cherchez un poste peu envi'e… Quelle est donc votre ambition ?
L’extraordinaire Durand, le plus froidement du monde, r'epondit :
— Je d'esire, monsieur, ^etre incorpor'e dans les brigades volantes parce que j’imagine l`a, plus qu’ailleurs, avoir occasion de me signaler… Si je pouvais attirer l’attention d’un des membres du Conseil des Cinq… de M. Tom Bob, par exemple…
M. Chatham coupa court :
— Tom Bob, disait-il, a autre chose `a faire que de s’occuper des policemen, mon ami… Toutefois, c’est 'evident, vous pouvez vous signaler dans les brigades volantes, et avancer rapidement…
Suivant l’usage, vous prendrez votre service dans huit jours.
***
Sur le bateau le Sussex, quittant l’Angleterre pour la France, Juve, le jour m^eme o`u Durand venait d’^etre engag'e parmi les policemen de Londres, avait pris place.
Mais Juve n’'etait plus d’aussi bonne humeur que lors de sa premi`ere travers'ee.
Juve songeait :
— Qu’est-ce que tout cela veut dire ? j’ai bien retrouv'e Nini Guinon, j’ai bien vu le myst'erieux petit Jack son fils… Je me suis bien apercu que lord Duncan 'etait notre ami Ascott, toutes choses que Fandor avait probablement d'ecouvertes… m^eme en ce moment, je file cet infecte crapule qui a nom Le Bedeau et qui rentre en France, je ne sais trop pourquoi ; mais, en somme, j’ai compl`etement 'echou'e dans mes recherches… Tom Bob ? oui, c’est entendu, j’ai acquis la certitude qu’il y avait un Tom Bob, membre du Conseil des Cinq, mais je n’ai pas pu l’approcher, je n’ai m^eme pas pu le voir. La consigne `a Scotland Yard semble ^etre de cacher Tom Bob… pourquoi ? que veut dire cette invisibilit'e d’un d'etective ? Tom Bob… m’a-t-il fui ? et puis Fandor ?… qu’est devenu Fandor ?…