Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Shepard avait pris dans sa poche un papier pli'e en quatre.
C’'etait un ordre venant de la Chancellerie. Shepard, silencieusement, le tendit `a Teddy ; le vieux gardien lut :
« Laissez communiquer le pr'evenu Garrick avec le d'etective Shepard et les deux personnes qui l’accompagnent. L’entretien aura lieu dans le parloir, sans t'emoins. Toutefois deux gardiens se posteront `a l’ext'erieur, devant la porte. »
Poliment, Teddy mit sa pipe dans sa poche, essuya ses mains jaunes de rouille, puis touchant sa casquette :
— Je m’en vais aller faire contresigner votre autorisation au bureau de la sous-direction, nous passerons ensuite au greffe o`u l’on fera mander le prisonnier, vous l’attendrez au parloir… J’esp`ere que vous n’aurez pas `a attendre longtemps…
— Je l’esp`ere aussi.
***
La police anglaise est assur'ement, sinon mieux organis'ee que celle des autres nations civilis'ees, du moins beaucoup mieux consid'er'ee, et plus largement pay'ee.
Elle se compose, dans le Royaume-Uni, de deux cat'egories bien distinctes :
Ce sont tout d’abord les gardiens de la paix qui ont pour fonctions principales de veiller `a l’ordre public, d’op'erer les arrestations en cas de flagrant d'elit, de pr^eter assistance et main-forte aux citoyens qui requi`erent leur concours, de faire en r'ealit'e oeuvre de surveillance.
L’autre partie de la police anglaise, la plus d'elicate, mais la plus importante, se compose d’un groupe d’hommes que l’on peut comparer aux inspecteurs de la S^uret'e.
Ce sont les d'etectives ou agents en civils qui enqu^etent, 'etudient, examinent, recherchent et sont `a m^eme de rendre des services d’autant plus grands `a la Soci'et'e qu’ils b'en'eficient de l’incognito.
Au-dessus du cadre des d'etectives se trouve un Conseil sup'erieur de police comprenant de cinq `a sept membres, et compos'e des meilleurs d'etectives ayant une sp'ecialit'e particuli`ere et excellant chacun dans cette sp'ecialit'e.
Lorsqu’il s’agit d’instruire une affaire myst'erieuse, d'elicate ou complexe, de rechercher un criminel ignor'e ou habile, ce conseil se r'eunit. Les d'etectives examinent l’affaire et selon les circonstances, ils d'esignent un ou plusieurs d’entre eux pour prendre en mains la direction des poursuites.
Le choix s’effectue en toute libert'e ; il est guid'e par les aptitudes respectives de chacun.
Discrets par profession, m'efiants par n'ecessit'e, les d'etectives et membres du Conseil des Cinq se connaissent mal entre eux.
Souvent l’un d’eux affecte une personnalit'e dans la vie ordinaire, que ses coll`egues ignorent absolument.
***
Cette ann'ee-l`a, le Conseil des Cinq comprenait : Le d'etective Shepard, homme d’une quarantaine d’ann'ees environ, ancien militaire ayant effectu'e sa carri`ere en 'Egypte. Sp'ecialit'e : les recherches de criminels, les incursions dans la p`egre, la surveillance des anarchistes.
Puis un Irlandais nomm'e French, homme jeune et plein d’entrain, encore loin de la trentaine, et qui, depuis peu dans la police, s’'etait fait appr'ecier au Conseil des Cinq, non seulement eu 'egard `a sa perspicacit'e, mais eu 'egard 'egalement `a ce fait qu’il parlait plusieurs langues et poss'edait une habilet'e remarquable `a se grimer.
Un troisi`eme membre du conseil 'etait un personnage inattendu, un r'ev'erend appartenant `a l’'eglise officielle gallicane, le r'ev'erend William Hope.
Tr`es correct, tr`es honn^ete d’ailleurs, le r'ev'erend William Hope ne profitait jamais de sa qualit'e d’aum^onier des prisons pour obtenir des confessions que l’on aurait faites uniquement au repr'esentant de Dieu.
Lorsqu’il visitait des prisonniers, il ne manquait jamais de leur dire qu’il 'etait aussi d'etective, `a eux de juger s’ils devaient parler ou non, ou s’ils pr'ef'eraient recevoir la visite d’un pr^etre qui n’'etait que pr^etre.
Une femme 'egalement appartenait au Conseil des Cinq : c’'etait M meDavis.
Enfin le dernier d'etective faisant partie du Conseil Sup'erieur n’'etait autre que le c'el`ebre Tom Bob, connu de r'eputation dans toute l’Angleterre et ayant, dans ses attributions, la charge consid'erable de la surveillance secr`ete g'en'erale, de la police internationale et politique.
C’'etait l`a le r^ole le plus difficile `a remplir, c’'etait aussi le plus important, le mieux consid'er'e.
Tom Bob 'etait non seulement fort appr'eci'e de ses chefs, mais aussi de ses coll`egues. Il avait une qualit'e absolument remarquable, la discr'etion.
Jamais, m^eme les plus intimes de ses camarades n’avaient rien pu savoir de sa vie priv'ee. On ignorait ses relations, on ne savait pas ce qu’il faisait.
C’'etait l’agent secret, id'eal, r^ev'e.
Et il avait fallu l’extraordinaire concours de circonstances qui avait amen'e Shepard `a d'ecouvrir, lorsqu’il montait `a bord du Victoria, que le docteur Garrick n’'etait autre que son coll`egue, pour permettre `a ce d'etective de soulever un coin du voile qui dissimulait aux yeux de tous la vie priv'ee de Tom Bob, que ses quatre collaborateurs s’accordaient `a consid'erer comme 'etant professionnellement le meilleur d’entre eux, et qu’ils auraient accept'e volontiers pour chef si la n'ecessit'e s’en 'etait pr'esent'ee.
Conform'ement au d'esir m^eme de Tom Bob et d’accord avec le Coroner, l’arrestation du c'el`ebre d'etective, sous le nom du docteur Garrick, avait 'et'e rigoureusement tenue secr`ete, en ce sens que l’on n’avait pas r'ev'el'e au public qu’ils ne faisaient qu’un.
— On m’inculpe, avait dit Tom Bob, d’un crime qui ne concerne en somme que le docteur Garrick. Mon arrestation ne devant ^etre que provisoire et ma lib'eration devant survenir d`es que l’on aura retrouv'e M meGarrick, j’estime qu’il est inutile de me br^uler pour l’avenir.