Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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On recommandait `a la jeune fille du repos, du calme, de la campagne. Les bons vieillards, bien que n’'etant pas riches, faisaient tr`es volontiers `a leur enfant ch'erie une place confortable et affectueuse `a leur foyer.
Lentement la jeune fille s’'etait remise.
… Cependant une voix retentit du fond de la maison :
— `A la soupe… `a la soupe… il est sept heures pass'ees…
La m`ere Catherine, femme du p`ere Yxier, sortait de sa cuisine et apparut, toute rouge de la chaleur du fourneau.
Prestement, Berthe se leva de la chaise longue en osier sur laquelle elle 'etait 'etendue et gagna la maison.
Son grand-p`ere, lui, d'elacant ses gros souliers macul'es de boue, se d'echaussait sur le seuil de la porte, puis p'en'etrait ensuite dans l’int'erieur, ayant, pour m'enager le parquet cir'e, mis au pr'ealable des chaussons de laine.
— Je t’ai fait une soupe au lait sp'eciale pour toi, d'eclara la m`ere Catherine `a sa petite-fille, puisque ton estomac ne te permet pas de manger le pot-au-feu…
***
Soudain, dans le silence du soir, un grondement sourd se percut.
— Une automobile qui passe, dit le p`ere Yxier en allumant sa pipe.
— On voit bien que nous entrons dans la belle saison… la route de Paris `a Rouen recommence `a ^etre fr'equent'ee par ces machines-l`a… c’est au moins la dixi`eme que j’entends aujourd’hui… dit la m`ere Catherine.
— Ma foi, tant mieux, grand-m`ere, dit Berthe, cela fera du mouvement dans le voisinage.
— Possible, grogna encore le p`ere Yxier, mais ca fait bien de la poussi`ere sur les fruits… et puis ce tapage qu’elles font, les m'ecaniques…
— 'Ecoutez, interrompit Berthe…
Au loin on venait d’entendre une explosion.
— Ce doit ^etre un pneu qui 'eclate, dit la m`ere Catherine, il y a quinze jours, tout pr`es de chez la m`ere Denis, j’ai entendu le m^eme bruit. C’'etait une grosse voiture, dont le caoutchouc trop gonfl'e avait crev'e comme une vessie…
— 'Ecoutez, fit Berthe, je viens d’entendre quelqu’un.
Il y eut des pas crissant sur le gravier du chemin de halage, se rapprochant, s’'eloignant, s’approchant encore…
Le p`ere Yxier se leva brusquement.
Il lui semblait que la petite barri`ere du jardin venait d’^etre ouverte.
Yxier se dirigea vers la porte, il l’entreb^ailla, 'ecouta une seconde. Tout se taisait de nouveau :
— Qui va l`a ? demanda le vieillard.
Berthe poussa un l'eger cri.
Une forme noire se projetait dans le faisceau de la lampe `a p'etrole. Une silhouette de femme surgit, grande, mince…
`A peine eut-elle vu que l’on ouvrait la porte, qu’elle supplia :
— Monsieur… madame… je vous en prie, au secours…
Il 'etait tard pour la campagne, huit heures et demie pass'ees, presque neuf heures…
L’inconnue, comme une fugitive effray'ee, p'en'etra dans l’int'erieur de la pi`ece. Elle s’'ecroula sur la premi`ere chaise venue, incapable, semblait-il, de prononcer une parole.
Berthe la regardait, curieuse.
C’'etait une grande femme blonde aux yeux clairs, vifs et brillants, jolie, autant qu’il 'etait possible de s’en rendre compte `a travers le voile de gaze qui lui recouvrait le visage, 'el'egamment v^etue d’une robe noire que l’on apercevait par l’entreb^aillement d’un long cache-poussi`ere qui l’enveloppait des pieds `a la t^ete. L’inconnue tenait `a la main d’'epaisses lunettes d’automobiliste.
Lorsqu’elle eut repris son souffle, la visiteuse s’expliqua, `a mots entrecoup'es, rapides :
— Je vous demande pardon, mesdames, d’^etre ainsi venue chez vous, mais j’avais peur… j’ai frapp'e `a la premi`ere maison. Je me rendais au Havre en automobile… Au Havre o`u j’allais embarquer… il faut vous dire que je suis 'etrang`ere, Am'ericaine, je m’appelle M me… je m’appelle Maud… simplement. Ce m'ecanicien conduisait comme un fou… il allait beaucoup trop vite, nous devions avoir un accident… depuis vingt minutes je ne vivais plus. Tout `a l’heure, au bas d’une descente, son pneumatique a 'eclat'e… nous avons failli chavirer. J’ai eu trop peur. J’ai pay'e cet homme et je suis partie… Je ne veux plus entendre parler de remonter dans sa voiture…
— En effet, c’est dangereux, dit le p`ere Yxier.
L’'etrang`ere poursuivait :
— Mais je vous d'erange sans doute, excusez-moi… voyons, n’y a-t-il pas un h^otel dans les environs o`u je pourrai passer la nuit ?
La m`ere Catherine se mit `a rire :
— Un h^otel, vous n’en trouverez pas avant Bonni`eres…
— Bonni`eres, est-ce loin ?
— Une pi`ece de six `a sept kilom`etres.
— Mon Dieu, jamais je ne ferai cela `a pied… pourrait-on trouver une voiture ? Une voiture avec un cheval, bien entendu…
— Il n’y a pas plus de voitures que d’h^otels par ici… peut-^etre le boucher de Rolleboise… mais non. son cheval doit ^etre fatigu'e, rapport `a ce qu’il est all'e plus loin que Pacy-sur-Eure cet apr`es-midi… non, vous ne trouverez rien avant demain matin…
— Que devenir ? mon Dieu, que devenir ?
— Restez ici, madame, restez avec nous…, dit Berthe.
Elle se tourna vers sa grand-m`ere :
— Je donnerai ma chambre `a madame.
Les vieux parents approuvaient l’offre charitable de leur petite-fille.
Solennellement, le grand-p`ere d'eclara :
— Vous ^etes ici, madame, chez de braves gens. Le p`ere et la m`ere Yxier. On nous conna^it bien dans le pays, allez… et la jeunesse qui est l`a, devant vous, c’est notre petite-fille, Berthe, une Parisienne.
L’Am'ericaine qui, certes, ne s’attendait pas `a une aussi cordiale r'eception, s’'etait lev'ee.
Avec une gr^ace, un charme qui r'ev'elaient la vraie grande dame, elle alla vers ses h^otes, serra la main de Berthe, de la vieille Catherine, remercia du regard le p`ere Yxier :