Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— C’est bien malin, j’ai fait causer les voisines… il para^it que la ma^itresse du Garrick, elle est persuad'ee que son fils lui a 'et'e vol'e par son mari… un ancien `a elle qu’habite le Canada… alors elle a caval'e…
— Et son amant ?
— Le docteur ? eh bien, on dit comme ca dans le quartier qu’il en 'etait fou et qu’il a d^u se trotter avec elle…
Mais Job s’'etait lev'e, et sans que rien ait pu annoncer son intention, il sauta sur la table et dansa un cake-walk effrayant.
Au bruit qu’il faisait, les consommateurs accoururent de la premi`ere salle. Joyeux vacarme, que domina, avec peine, quelques minutes apr`es, la voix du patron, Isma"el, qui, les poings sur les hanches, lancait en son argot londonien :
— Alors, c’est-y pour aujourd’hui ou pour demain, gentlemen ? voil`a minuit qui sonne. Dehors tout le monde…
…Car Isma"el n’oubliait pas que la police tient essentiellement, au quartier des Docks comme ailleurs, `a ce que tous les bars, et surtout les bars interlopes, soient ferm'es `a minuit.
Pourtant il devait servir encore une tourn'ee, – ce qui ne l’inqui'etait gu`ere, il n’'etait en r'ealit'e que minuit moins le quart, – et ses clients partirent enfin.
Nini s’en alla seule, `a grands pas. Job, soutenu par Beaum^ome et le Bedeau, tourna `a droite, s’enfoncant dans les rues noires qui m`enent aux Docks o`u il est des cabanes abandonn'ees, abris possibles contre le froid. Les autres consommateurs s’'eparpill`erent dans la nuit…
Les deux pauvres bougres portant les noms de Bob et Ralph sortirent en dernier.
Bob, encore qu’il e^ut eu l’air toute la soir'ee passablement 'em'ech'e, semblait parfaitement ma^itre de lui-m^eme… Ralph 'etait gris comme trente-six Polonais.
Bob, amicalement, entra^ina son compagnon vers une ruelle sombre o`u, d’un croc-en-jambe, il l’affala sur le trottoir, dans une encoignure de porte :
— Dors l`a, garcon, murmura-t-il…
Et l’abandonnant sans autre forme de proc`es, Bob gagna le centre de Londres.
Mais au sortir des ruelles obscures des Docks, Bob avisa une voiture stationnant depuis une bonne heure… Bob y monta, r'eveillant d’un coup de sifflet le cocher :
— `A Scotland Yard, lanca-t-il…
Car Bob – Bob, le pauvre bougre qui, dans l’apr`es-midi, avait raccroch'e au hasard des quais de la Tamise le sans-travail Ralph, Bob qui lui avait pay'e de nombreuses tourn'ees, Bob qui l’avait emmen'e enfin se saouler compl`etement au bar du Old Fellow– Bob n’'etait autre que le policier Shepard, bien connu pour ses enqu^etes extraordinairement audacieuses et habiles dans la p`egre de Londres…
Et le d'etective Shepard estimait qu’il n’avait pas perdu sa soir'ee…
7 – UNE ARRESTATION EN PLEINE MER
— Alors, capitaine Hill, vous allez maintenant servir les int'er^ets de la White Star Company ?…
— Que voulez-vous dire, master Higgins ?
— Mais, tout bonnement que puisque nous nous mettons `a table, le timonier va certainement appuyer d’un quart `a tribord…
— Mr. Higgins, vous parlez par 'enigmes.
— Capitaine Hill, je prends `a t'emoins toutes ces ladies et gentlemen : mes paroles sont limpides et claires…
— Alors, Mr. Higgins, j’avoue que je suis plus b^ete que nature, car, en v'erit'e, je ne comprends pas ce que vous voulez dire ?… prendriez-vous de ces filets de harengs saurs ?… Non ?… Et vous lady Puffy ?… Oui ! `a la bonne heure !, je vois que l’app'etit vous revient… mais, Mr. Higgins, vous vous taisez en ce moment ? savez-vous que j’attends toujours l’explication ?…
Le gros homme que le capitaine Hill, ma^itre du superbe steamer Victoriaappelait
— Le sens de mes paroles, capitaine Hill ? mais cette jeune lady, dont j’ignore le nom, est en train de vous le fournir. Avouez donc, capitaine Hill, que pour faire r'ealiser des 'economies `a la White Star Company, dont vous ^etes un des plus vieux capitaines, et l’un des plus chevaleresques d'efenseurs, vous avez l’habitude de mettre votre bateau tout `a la lame `a l’heure du d'ejeuner.
— Quelle calomnie, Mr. Higgins…
— Oh, que non, capitaine, voici d'ej`a trois jours que nous avons quitt'e Liverpool, trois jours que le Victoria, sous votre habile direction, nous emporte `a travers les flots bleus de l’Oc'ean, vers la libre Am'erique, cela fait donc, tr`es exactement six fois que nous avons l’honneur de nous retrouver `a votre table, capitaine Hill, et ces six fois, je l’ai remarqu'e, pr'ecis'ement `a l’instant o`u les boys remplacent les hors-d’oeuvre par le premier service, notre brave Victoriacommence `a sauter `a la lame, tel un bouchon. C’est, je l’imagine, une manoeuvre bien volontaire, capitaine Hill, par laquelle vous d'ecrochez `a coup s^ur l’estomac de vos passagers, et r'ealisez ainsi d’importantes 'economies sur les provisions de la cambuse…
Autour de la grande table dress'ee dans l’un des salons du steamer Victoria, grande table o`u le capitaine Hill recevait les principaux de ses passagers afin de leur faire honneur, les rires fusaient…
— Inventions abominables, Mr. Higgins, si vous continuez encore `a offenser mon honneur, je me verrai dans la terrible obligation de me souvenir que je suis le ma^itre `a mon bord, apr`es tout, et d’ordonner qu’on vous mettre aux fers, et de vous envoyer `a fond de cale.
Mr. Higgins rit franchement, insouciant :
— Bah ! capitaine, ce que j’en dis, faisait-il, c’est plut^ot pour d'efendre les ladies que pour moi-m^eme, car, ventre du diable, vous pouvez mettre le Victoriapar le travers sans parvenir `a m’incommoder, j’aurais le coeur solide et une faim de loup apr`es dix heures cons'ecutives de balancoire !…
— En effet, reconnut Hill, j’ai remarqu'e, Mr. Higgins que lady Puffy et vous, vous 'etiez de v'eritables loups… de mer, insensibles au mal de mer.