Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Tout en parlant, ils s’'etaient avanc'es le long des berges de la Tamise, puis Nini s’'etait appuy'ee contre un tas de bois, des gros madriers de construction, et Beaum^ome poursuivait :
— J’aime pas les giries, moi… j’suis net, carr'e et franc, exact comme une beigne… passez la monnaie ! bonsoir, monsieur, ca suffit… dis c’que t’as ?… tope l`a ! et si ca colle, ca collera… voil`a ! C’est parl'e, j’suppose ?…
Nini se leva, d’un coup de pied, elle envoya dans le fleuve la carcasse d’un vieux panier qui tra^inait sur le sol, puis elle prit Beaum^one par le bras, et tout d’un coup, la voix mauvaise, elle dit :
— J’ai des emb^etements…
— Des emb^etements… de quelle sorte ? allez d'egueule-moi la chose, quoi ?…
— Des emb^etements graves…
— J’m’en doute !
— Des emb^etements, Beaum^ome, que tu pourrais peut-^etre arranger ?…
— Va toujours !
— Tu ferais-t-y quelque chose pour moi ?
— Et toi, Nini ? apr`es ?
— Oh ! si tu m’arrangeais cela, Beaum^ome, nous deux, tu sais, ca serait `a la vie, `a la mort !
Mais Beaum^ome, maintenant, siffla trois mesures d’un refrain populaire, puis il concluait :
— En somme… je vais faire le mich'e ?
— Hein ? demandait Nini…
— Dame ! reprit la jeune crapule, c’est quelque chose comme ca, ta combine… Tu m’dis : j’ai des emb^etements, tire-moi de l`a et ca se colle, nous deux… kif kif coco… tu vois ?
Nini n’avait rien `a r'epondre. En somme, Beaum^ome avait raison, c’'etait bien un march'e qu’elle lui proposait. Beaum^ome, d’ailleurs, fier d’avoir remis les choses au point, ne se formalisait pas autrement.
— Bon ! faisait-il, allons-y toujours… c’est pas si souvent que j’aurais 'et'e
Il fallait bien que cette fois Nini r'epond^it.
— C’est pas du boniment, affirmait-elle, y a pas de quoi rigoler, j’t’assure… Dis voir, Beaum^ome, tu connais les policiers ici ?
— Oui, quelques-uns, j’ai des amis, l`a-dedans, qui me tutoient, m^eme ils m’invitent chez eux, de temps en temps !…
— Tu connais French ?
— French ?
— Oui ?
— Ah ! s^ur ! que je le connais. Une vache `a l’ancien mod`ele, celui-l`a, il m’a refait une fois ! au Derby, tiens ! sept porte-monnaie que j’avais… et puis encore un autre jour… c’est un grand ? un Irlandais ? Celui qui lui a vendu cela pour une demi-mesure de m'echancet'e n’a pas vol'e son argent, ah ! l’cochon !… c’est `a lui que t’en veux, Nini ?…
Nini baissa la t^ete affirmativement :
— `A lui, dit-elle.
Et sans se perdre en d'etails, elle ajouta :
— Voil`a ! c’est une bourrique… t’entends, Beaum^ome ? c’est une bourrique qui me g^ene…
Beaum^ome entendait tr`es bien. Il faisait mieux que d’entendre, il comprenait `a demi-mot :
— Tu veux qu’on l’cr`eve ?
Mais Nini se taisait.
Son silence 'etait d’ailleurs superflu, elle ne niait pas…
— Ah ! tu veux qu’on l’cr`eve ! reprenait Beaum^ome… diable !… le morceau est dur !… faudra boire pour l’avaler ! …
Et comme Nini, d'edaigneuse, laissa tomber un :
— Ca te fout les foies ?…
— Jamais de la vie, un homme `a crever, ca ne me fait pas peur… non !… et puis, d’abord, on a des comptes `a r'egler, nous deux French… seulement… tu comprends…
D'edaigneuse, Nini r'ep'etait :
— Oh, j’comprends ! j’comprends ! ca te fout les foies, quoi ?…
Alors Beaum^ome s’emporta :
Non, vrai, on n’avait pas id'ee d’une cafeti`ere pareille ! Nini en avait de bonnes !… Comme ca… l`a, tout d’un coup… entre la poire et le fromage… quand on n’pensait qu’`a faire des yeux, `a s’caler les ribouis, `a dig'erer paisiblement, elle vous disait « cr`eve une bourrique ! » et elle s’'etonnait qu’on soit surpris.
C’'etait pourtant pas des coups `a faire.
Et l’on avait peut-^etre ben le droit de remonter son culbutant avant de r'epondre… Crever une bourrique, parbleu, bien s^ur, c’'etait pas grand-chose ! tout l’monde pouvait faire ca, mais, probable, d’abord, que si Nini venait trouver Beaum^ome, c’est qu’y avait de la casse `a craindre ?… et puis il fallait des d'etails… que diable …. bien s^ur, il ne refusait pas de la crever, sa bourrique… c’'etait pas un mec comme lui qui canerait pour une b^etise pareille, seulement, il voulait savoir au juste o`u et comment on se mettrait `a la besogne ?…
Et Beaum^ome ayant exhal'e sa mauvaise humeur, s’'etant ainsi d'ej`a accoutum'e `a l’id'ee, interrogeait :
— Alors ?… apr`es ?… pourquoi qu’tu veux qu’on l’cr`eve ?…
— Oh ! s’il faut te chanter la messe pour te d'ecider ?
Et encore une fois elle fit mine de s’en aller…
Beaum^ome, heureusement pour elle, n’aurait jamais voulu passer, surtout `a ses yeux, pour un poltron :
— Reste donc, faisait-il en l’empoignant par le bras… non, mais des fois, t’as pas bue ?… c’est pourtant naturel ce que je te demande… faut bien que je sache ?…
Alors Nini consentit `a s’expliquer… Mais auparavant elle voulait ^etre assur'ee du concours de Beaum^ome.
— J’veux bien te d'egoiser l’histoire, disait-elle, mais tu marches ?… tu me le jure ?…
— J’te l’jure !
— Eh bien, voil`a… tu sais o`u est French en ce moment ?
— J’m’en doute pas… il prom`ene ses puces, cet homme ?
— Oui. Il est en France.
— Tiens ! comme le Bedeau ?…
Nini hochait la t^ete gravement :