Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
Шрифт:
Il y avait `a peine quelques instants que le d'etective anglais avait trouv'e ce poste d’observation qu’il voyait enfin, et avec une joie r'eelle, appara^itre celui qu’il prenait pour Juve.
Le premier mouvement de French avait 'et'e de se pr'ecipiter… Mais il ma^itrisa vite son impatience…
Parbleu ! si l’inconnu n’avait pas voulu lui r'epondre dans le Cabaret des 'Egorgeurs, il 'etait `a supposer qu’il ne se montrerait pas plus loquace `a quelques m`etres du bouge. Mieux valait le filer quelque temps et n’engager la conversation avec lui qu’`a une certaine distance de Vaugirard.
French pouvait ^etre assez maladroit en raison de sa pr'ecipitation instinctive, de son caract`ere imp'etueux, il n’en 'etait pas moins excellent policier et fort au courant de toutes les manoeuvres utiles dans les enqu^etes du genre de celles qu’il menait.
C’'etait avec un sang-froid parfait qu’il laissait maintenant l’inconnu prendre un peu d’avance sur lui, puis qu’il lui embo^itait le pas…
La filature 'etait facile.
L’homme n’avait pas d^u s’apercevoir que French marchait sur ses talons, il avancait t^ete basse au milieu de la chauss'ee, les deux mains dans les poches, de l’air d’un badaud qui rentre chez lui, non d’un homme qui cherche `a faire perdre ses traces…
— O`u diable peut-il aller ? songeait French. Si vraiment c’'etait Juve, il me semble qu’`a cette heure-ci il se dirigerait vers le centre de Paris, or nous voici rue des Morillons, nous allons arriver d’ici quelques minutes aux terrains vagues des fortifications…
Le d'etective ne se trompait pas…
Arriv'e aux talus herbeux, l’homme se retourna pour crier :
— Halte, maintenant ! que me voulez-vous ? qui ^etes-vous ?…
— Qui je suis ? je vous l’ai dit tout `a l’heure : le d'etective anglais French, ce que je veux ? je viens vous voir de la part de Tom Bob, pour vous parler de M meGarrick.
— Ah, je dois ^etre victime d’un cauchemar ?… vous ^etes d'etective ? et c’est Tom Bob qui vous envoie vers moi ?…
— Monsieur Juve, je vous affirme que je vous dis la v'erit'e, et je ne comprends pas du tout ce qui vous 'etonne. Voyons, je suis un coll`egue, et je viens vous demander un service ? Voulez-vous que nous causions ? voulez-vous rengainer votre revolver et m’autoriser `a m’approcher ?…
— Ma foi, monsieur French, vous avez peut-^etre raison… Le fait est que si vous ^etes r'eellement d'etective et r'eellement envoy'e par Tom Bob, je suis grotesque…
Il rengainait son revolver et la main tendue, marchant vers French :
— Vous m’avez bien reconnu, je suis Juve, en effet, mais je vous avoue que j’aimerais avoir une preuve de votre identit'e ?
— Voici la carte m’accr'editant.
Juve – car c’'etait bien Juve – y jeta un coup d’oeil surpris. Il connaissait trop bien la police anglaise et les m'eticuleuses pr'ecautions qui sont prises dans la d'elivrance des brevets de d'etective, pour pouvoir douter d`es lors de la qualit'e de son interlocuteur…
— Vous ^etes donc French, parfait ! vous ^etes r'eellement French… mais cela ne m’apprend rien… encore… que voulez-vous de moi ?…
On avait averti le policier britannique : son coll`egue parisien 'etait un original. Aussi, se mit-il en devoir de l’'eclairer avec beaucoup d’ardeur.
Quand il eut cont'e l’extraordinaire aventure qui avait si cruellement boulevers'e la vie priv'ee de Garrick, c’est-`a-dire de Tom Bob, il vit Juve comme frapp'e du tonnerre .
— Quoi, disait le roi des policiers… Tom Bob me prie de rechercher sa femme ?… M meGarrick ?… Et comme il ne sait o`u la trouver il vous envoie vers moi pour que je vous renseigne ?
— Exactement.
Et Juve se tut, abasourdi.
Tom Bob, ce Tom Bob que French prenait sinc`erement `a coup s^ur, pour un d'etective honn^ete, mais c’'etait Fant^omas, Juve le savait. Par cons'equent la femme de Garrick, cette femme disparue qui ne donnait plus signe de vie, alors qu’assur'ement, par les journaux, elle savait que sa disparition 'equivalait `a une condamnation `a mort de son mari, ne pouvait ^etre que lady Beltham !…
C’'etait clair : lady Beltham, l’amante follement 'eprise de Fant^omas, avait d^u savoir que celui-ci, sous les traits de Garrick, avait une ma^itresse, Francoise Lemercier.
Elle s’'etait enfuie. Et c’'etait volontairement qu’elle se cachait et qu’elle laissait croire qu’elle avait 'et'e assassin'ee par son mari.
Juve d’ailleurs fr'emissait en songeant aux cons'equences possibles de l’extraordinaire intrigue dont il commencait `a comprendre le myst`ere.
— Si Tom Bob m’a d'ep^ech'e French, pensait-il, c’est que Tom Bob n’ignore pas que je sais qu’il est Fant^omas… Il a devin'e qu’au moment o`u French me demanderait de l’aider `a retrouver M meGarrick, je saurais que c’'etait en r'ealit'e lady Beltham que j’avais `a chercher.
« Mais, d`es lors, c’est presque un service que Fant^omas me demande. Comment peut-il avoir imagin'e que je le lui rendrai, comment n’a-t-il pas craint que je ne veuille, au contraire, le laisser condamner ?… Une seule explication possible : donnant donnant, si je ram`ene lady Beltham en Angleterre, si j’innocente Fant^omas d’un crime qu’il n’a d’ailleurs pas commis, il me rend Fandor. Car c’est lui qui a fait dispara^itre mon malheureux ami…
— `A coup s^ur, votre chef a 'et'e bien inspir'e, je sais en effet o`u se trouve M meGarrick… ou du moins, je crois le savoir…, dit enfin Juve.
***
Dans le train qui les emportait au long de la ligne du Havre, Juve et French causaient…
— Ce qui m’inqui`ete, affirmait le d'etective anglais, c’est que j’ai grand-peur que M meGarrick ne se refuse `a retourner en Angleterre avec moi… or…
— Bah ! ne vous tourmentez pas pour cela, j’ai quelques raisons de croire, tout au contraire, que vous la d'eciderez facilement… M meGarrick habite, `a quelque distance de Bonni`eres, une petite maison tranquille, retir'ee, que je vous indiquerai… Vous vous pr'esenterez devant elle, vous lui direz que son mari est accus'e de l’avoir assassin'ee, ce qui ne lui apprendra rien de bien nouveau, bref vous lui demanderez tr`es gentiment de revenir en Angleterre avec vous pour le faire innocenter… Et puis, ma foi, si elle refuse… si elle refuse, j’interviendrai…