Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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— Juste, r'epondit-elle, comme le Bedeau… c’est m^eme par le Bedeau que je le sais…
— Le Bedeau t’as 'ecrit ?
— Oui, j’ai eu sa babillarde ce matin…
— Bon… bon… alors ?
— Alors, French prom`ene ses puces en France, comme tu dis… Histoire de s’occuper d’un tas de choses qui ne le regardent pas…
— Et que sont ces choses ?
— Elles ne te regardent pas non plus, concluait Nini. Enfin, ce qu’il y a de s^ur et de certain c’est que cet animal-l`a va prochainement revenir… or, ca ne me pla^it pas que French revoie l’Angleterre… tu comprends, Beaum^ome ?
Beaum^ome eut un vague clignotement d’oeil agac'e.
— Non, je ne comprends pas, j’attends la suite…
Mais Nini haussait les 'epaules :
— La suite ? d'eclarait-elle, il n’y en a pas…. C’est des histoires `a moi que je ne peux pas te dire, et puis, c’est certain et s^ur que tu t’en foutrais !… enfin, je ne veux pas que French revienne, c’est tout ce que tu as `a savoir… tu comprends cela, je suppose ?…
— Alors des fois, demanda-t-il, la consigne ca serait de faire couic-couic French, avant qu’il rapplique ?
— Oui, mon vieux !
— Et tu sais quand il va rappliquer ?
— Demain soir.
— Ah ! demain soir !
D’apprendre que le retour du policier 'etait si rapproch'e et que, par cons'equent, il allait falloir rapidement le
— De sorte, qu’il a juste quarante-huit heures `a vivre ?…
— Quarante-huit heures `a vivre… oui… r'ep'etait Nini d’une voix sourde… Il faut, Beaum^ome, que dans quarante-huit heures tu m’aies d'ebarrass'ee de ce pante-l`a… tu veux ?
Beaum^ome haussait les 'epaules.
— Tu sais ce que tu m’a promis ? fit-il.
Pour toute r'eponse, Nini, en guise d’acompte, tendit ses l`evres `a Beaum^ome :
— Va donc, mon gosse… est-ce que je pourrai te refuser quelque chose apr`es ?… et puis l`a, tu sais, dans l’fond, eh bien, n’crois m^eme pas que ca me sera d'esagr'eable…
— Ca va, ca va… t’as pas besoin de me jurer l’amour 'eternel… on verra bien… Donc, faut crever French et il faut l’crever avant apr`es-demain… sais-tu au moins par o`u il radine ?
— Par Dieppe… le bateau de Dieppe…
— Bon ca… sais-tu si il sera seul ?
— Oui, seul.
— Meilleur ! Est-ce qu’il passe de nuit ou de jour ?
— De nuit !…
La figure de Beaum^ome s’'eclaira :
— Ah ! mais c’est du g^ateau, faisait-il… c’est du tout cuit pour un b'eb'e s’il voyage la nuit.
Mais il ajouta aussit^ot :
— Tout ca c’est parfait, mon trognon, seulement y a tout de m^eme un cheveu…
— Un cheveu… lequel ?
— C’te question !… c’est que justement j’n’ai pas de braise… Il faudrait pourtant que j’aille jusqu’`a Dieppe, en apparence…
La figure de Nini devenait soucieuse :
— Ah ! de la braise, d'eclarait-elle, de la braise… ca, s^ur… il t’en faudrait… c’est que je n’en ai pas plus que toi en ce moment… dans ma poche, c’est comme les bl'es…
— Et tes amants ?
— Tous nickel'es…
Ils se taisaient tous deux un moment, puis Beaum^ome d'eclara, magnanime :
— Eh bien, les petits oiseaux y pourvoiront… Quand c’est qu’c’est la braise qui manque et qu’on n’habite pas au Sahara, y a toujours moyen de s’arranger… Si on n’en a pas, on en prend…
Et cette fois, Nini regarda Beaum^ome avec admiration :
— Tu sais, dit-elle, et c’est pas des magnes, cette fois, c’est pas du jus de chiqu'e… si tu me tires de l`a…
— Ca va, ca va, la copine, on t’la cr`evera, ta bourrique…
14 – LE RETOUR DE MADAME GARRICK
Sur le trottoir boueux qui longeait l’entr'ee du Cabaret des 'Egorgeurs, French ayant `a peine quitt'e le bouge, s’arr^eta, avant de commencer `a faire les cent pas obstin'ement.
L’extraordinaire attitude de l’individu qu’il avait cru reconna^itre, qu’il avait reconnu pour ^etre Juve, le surprenait infiniment :
— Pourquoi ce policier n’a-t-il pas voulu me r'epondre ? pourquoi a-t-il eu l’air de si mauvaise humeur lorsque j’ai prononc'e son nom ?
`A la v'erit'e, French se rendait bien compte qu’il s’'etait conduit quelque peu maladroitement.
Aborder Juve en plein cabaret borgne, et cela, en l’appelant par son nom, ce n’'etait 'evidemment pas tr`es habile… Mais tout de m^eme Juve avait fait preuve d’une susceptibilit'e bien grande en ne saluant pas un coll`egue et en ne se mettant pas `a la disposition de ce dernier.
Et French se r'esumait de la sorte :
— Ou c’est Juve et je ne vois pas alors pourquoi Juve n’a pas voulu me r'ev'eler son identit'e, ou ce n’est pas Juve, et je comprends moins encore l’attitude de ce consommateur aux allures 'equivoques, qui ne s’est pas 'etonn'e de mon intervention, qui n’a m^eme pas protest'e en m’entendant parler de police…
La nuit s’avancait. Le clignotement des becs de gaz devenait plus jaune et plus sale, l’aube se levait, pluvieuse, froide, sinistre…
French qui n’avait pas chaud durant la promenade solitaire qu’il s’ent^etait `a faire devant l’entr'ee du bouge finit, pour se garantir un peu des attaques de la bise, par aller s’embusquer dans une encoignure de mur, une sorte de renfoncement de la muraille d’o`u il lui 'etait possible de surveiller tous ceux qui quittaient le Cabaret des 'Egorgeurs.