Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
Шрифт:
Ce que Juve voulait tenter 'etait assur'ement bien extraordinaire, presque invraisemblable, car il 'etait tout fr'emissant lorsque dans la petite chambre qui lui 'etait r'eserv'ee dans le pavillon pr'ec'edant le greffe, il rev^etit son uniforme de policeman. Quel pouvait donc ^etre le but que poursuivait cet homme ? et pourquoi mettait-il, une fois habill'e, un tel empressement, une h^ate f'ebrile `a traverser la cour, `a faire constater sa pr'esence au bureau des gardiens-chefs, et `a se diriger vers la cellule de Tom Bob ?
Cela tenait tout simplement `a ce que Juve, ou pour mieux dire le policeman 416, 'etait de service aupr`es du prisonnier Garrick, et qu’il 'etait plus que temps de rejoindre son poste.
Telle 'etait du moins l’opinion qu’auraient pu avoir la plupart des gens, en voyant le policeman se d'ep^echer `a travers les couloirs.
Mais quiconque aurait entendu la conversation qu’il engageait quelques instants apr`es avec le d'etenu, aurait estim'e que le souci d’^etre `a l’heure n’'etait pas la seule pr'eoccupation qui hantait le cerveau de Juve.
Garrick et le policeman, en pr'esence du gardien, s’'etaient salu'es presque cordialement, affectant de se donner l’un `a l’autre leurs qualifications officielles.
— Bonsoir Garrick, avait dit Juve…
— Bonsoir
Mais sit^ot qu’ils furent seuls, l’entretien changea de tournure. Rompant avec les banalit'es du d'ebut, car avec angoisse il sentait s’'ecouler les minutes, Juve d'eclara :
— Fant^omas, je viens d’enqu^eter chez votre malheureuse amie Francoise.
— Eh bien ?
— Eh bien j’avoue que si j’ai quelque id'ee, et je suis bien persuad'e que ceci ne vous 'etonnera pas, relativement `a la culpabilit'e de Nini, je ne m’imagine point encore, comment, pratiquement, elle a pu empoisonner votre ma^itresse… Pourtant je viens de faire une rencontre… Sortant de chez Francoise j’ai crois'e Beaum^ome, l’apache Beaum^ome que j’ai fait arr^eter provisoirement…
Fant^omas paraissait profond'ement troubl'e :
— Vous avez arr^et'e Beaum^ome, pourquoi Juve ?
— Il fuyait, emportant un paquet de linge…
— Un paquet de linge…
C’'etait d’une voix tortur'ee, h'esitante, que Fant^omas venait de r'ep'eter les derniers mots du policier…
Juve ne s’y trompait pas. Certes, il ne comprenait pas encore l’importance exacte du paquet qu’il avait vu emporter par Beaum^ome, mais il se doutait qu’en le signalant `a Fant^omas, rapidement il arriverait `a savoir la v'erit'e, la v'erit'e que le bandit devinait, devait deviner, c’'etait s^ur.
Fant^omas, d’ailleurs, bl^eme, d'ecompos'e, paraissait en proie au plus grand trouble. Apr`es avoir tard'e `a reprendre l’entretien, il interrogea soudain, brutal :
— Eh bien, qu’attendez-vous de moi, Juve ?
— Une explication, Fant^omas !… Vous m’avez dit de vous venger, de venger Francoise… Je suis persuad'e que maintenant vous avez les moyens de m’y aider. J’ai fait retenir au poste Beaum^ome, avant d’aller solliciter du Coroner un mandat d’arr^et, en ma qualit'e de policeman. J’ai voulu vous voir pour obtenir de vous une collaboration. Voyons, Fant^omas : comment Nini et Beaum^ome, car ils doivent ^etre complices, ont-ils pu empoisonner Francoise ?
Une nouvelle h'esitation se peignit sur le visage de Fant^omas. Le bandit r'epugnait `a aider Juve. Pourtant il se d'ecida :
— Juve, d'eclarait-il, s’il ne s’agissait de venger Francoise, vous n’obtiendriez rien de moi. Mais on l’a tu'ee, elle qui 'etait innocente, elle que j’aimais. En s’en prenant `a elle, c’est `a moi que l’on a d'eclar'e la guerre… Soit. Ce n’est pas impun'ement que l’on me brave. Vous voulez l’explication de ce crime ? la voici. Nul ne comprend comment Francoise a pu ^etre empoisonn'ee, je vais vous le dire, car je sais ce que Fant^omas a fait jadis. Juve, poursuivit son interlocuteur, Fant^omas jadis a eu l’occasion de tuer ou pour mieux dire de faire mourir par le poison quelqu’un dont il voulait se d'efaire, il s’est content'e pour cela de saupoudrer de facon r'ep'et'ee, les draps du lit de sa future victime avec de l’arsenic en poudre… Cette poudre par les pores de la peau, peu `a peu, lentement a p'en'etr'e dans l’organisme. La victime, condamn'ee par Fant^omas, est morte sans qu’on ait jamais su pourquoi… Juve, quelque chose me dit qu’on a empoisonn'e la pauvre Francoise Lemercier de la m^eme mani`ere… Juve, si vous m’en croyez, faites analyser les draps du lit dans lequel a expir'e cette malheureuse.
Haletant, incapable de dissimuler son 'emotion, Juve, muet d’horreur, buvait litt'eralement les paroles de son adversaire.
Et, soudain, le voile se d'echira. Il comprit que l’atroce machination dont avait 'et'e victime l’infortun'ee Francoise, devait avoir 'et'e maniganc'ee, pr'epar'ee comme le disait Fant^omas. Fant^omas, mieux que personne, savait toutes les mani`eres de tuer. Ah, d'ecid'ement, c’'etait un adversaire confondant, admirable, ca n’'etait pas seulement l’insaisissable Fant^omas, c’'etait encore et toujours le G'enie du Crime.
Il se ressaisit n'eanmoins.
— J’ai compris, Fant^omas, merci. Je vais pouvoir faire maintenir Beaum^ome en prison, vous serez veng'e.
Et comme s’il e^ut 'et'e douloureux de n’arr^eter l’apache que pour venger Fant^omas, Juve ajouta :
— D’ailleurs, Beaum^ome est aussi l’assassin de French. J’en suis s^ur, j’en ai la preuve.
— La preuve !… ^Etes-vous certain de ce que vous avancez, Juve ?
— Oui, certain…
Juve prit dans son portefeuille les documents qu’il avait vol'es chez Nini Guinon, les photographies prises par French, et qu’avait d'ej`a d'erob'ees, chez le photographe Sigissimons, le n`egre Job, ce complice de la bande…
Or, sur ces photographies que Fant^omas consid'erait anxieusement, apparaissait, `a c^ot'e de lady Beltham, la silhouette caract'eristique de l’apache Beaum^ome. C’'etait ce voisinage, joint `a mille autres d'etails, qui avait d'etermin'e Juve `a voir en Beaum^ome l’assassin de French…
— Vous avez raison, dit Fant^omas. Juve, vous ^etes fort, tr`es fort… presque aussi fort que moi. Je vous f'elicite de la mani`ere dont vous avez men'e cette enqu^ete et r'eussi `a d'emasquer le coupable, l’auteur de l’assassinat de French. Je vous f'elicite encore…