Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Malgr'e lui le directeur de la Monnaie en revenait toujours aux deux crimes myst'erieux qui s’'etaient produits l’un `a son domicile, l’autre rue Blanche.
Il savait qu’il n’'etait pas coupable, il savait qu’il n’avait pas tu'e le valet de chambre Firmain, pas plus qu’il n’avait assassin'e sa ma^itresse, Paulette de Valmondois.
La mort inexpliqu'ee de Firmain, le d'ec`es tragique de Paulette n’'etaient pas faits pourtant pour le rassurer.
En somme, c’'etaient l`a, bien nettement, des crimes `a la mani`ere de Fant^omas, des drames comme seul le G'enie du crime 'etait capable d’en imaginer.
L'eon Drapier s’'etonnait de ne pas avoir vu depuis quarante-huit heures le seul homme en qui d'esormais il avait confiance, le d'etective priv'e, M. Mix, qui jusqu’`a pr'esent, croyait-il, l’avait fort adroitement guid'e dans le labyrinthe de myst`ere, alors que peut-^etre, s’il avait un peu mieux r'efl'echi, il se serait rendu compte que M. Mix paraissait plut^ot l’observer, lui, L'eon Drapier, et s’inqui'eter de ce qu’il faisait que de le prot'eger et de le d'efendre.
Le directeur de la Monnaie en 'etait l`a de ses r'eflexions, lorsque M. Valleret entra dans son cabinet.
L’employ'e de la comptabilit'e se confondit en salutations plates et obs'equieuses devant le grand chef, mais L'eon Drapier mettait fin, d’un geste bref, `a ces c'er'emonies.
— De quoi s’agit-il, monsieur Valleret ? dit-il. Parlez rapidement, je suis tr`es press'e.
M. Valleret d'eposa son dossier sur le bureau du directeur. Il l’ouvrit lentement, puis, mouillant son doigt, se mit `a tourner des pages et des pages sur lesquelles figuraient d’interminables colonnes de chiffres.
Quelques secondes, L'eon Drapier le regardait faire, puis, impatient'e, nerveux, il interrogea :
— Voyons, de quoi s’agit-il, monsieur Valleret ?
— De la balance de l’enqu^ete, monsieur le directeur !
— Eh bien, quoi, la balance ? Qu’est-ce qui se passe ?
— Il se passe, monsieur le directeur, que je ne suis pas d’accord avec le tr'esorier.
— Allons, donc ! `A quel point de vue ?
M. Valleret prit un temps pour r'epondre. Au fond, il 'etait tr`es satisfait d’avoir quelque chose d’important `a signaler `a M. le directeur. Il semblait que cela le rehaussait dans l’esprit de son chef, et que d'esormais il allait ^etre d'epositaire d’un de ces graves secrets comme il en est parfois dans les administrations et que tout le monde conna^it dans les bureaux au bout de cinq minutes.
— Monsieur le directeur, commenca-t-il, mon service, ainsi que vous ne l’ignorez pas, est charg'e d’'etablir chaque jour au point de vue comptable, et d’apr`es les 'etats fournis quotidiennement par les ateliers de fabrication, le montant de l’encaisse or et argent. Je ne m’occupe point du bronze, qui doit figurer `a la tr'esorerie. Voil`a douze ans que j’appartiens `a l’administration, et pendant douze ans nous avons toujours 'et'e d’accord, M. le tr'esorier et moi. Mais, h'elas ! les meilleures choses ont une fin, comme dit le proverbe…
L'eon Drapier s’exasp'erait, il frappa du poing sur son bureau.
— Quand vous aurez fini de discourir ! gronda-t-il. Est-ce que par hasard vous vous moquez de moi ?
— Oh ! monsieur le directeur ! fit Valleret d’un air profond'ement scandalis'e. Comment pouvez-vous penser un seul instant que je sois capable d’une telle incorrection !
— R'esumez ! fit s`echement M. L'eon Drapier. En deux mots, qu’est-ce qu’il y a ?
— Il y a, monsieur le directeur, qu’il manque vingt mille francs d’or au tr'esorier, comme il en manquait vingt mille, d’ailleurs, il y a trois jours !
L'eon Drapier consid'era le comptable d’un air hagard.
— Il manque vingt mille francs d’or ! fit-il, comme il y a trois jours !… Que dit le tr'esorier ?
— Le tr'esorier affirme, monsieur le directeur, que c’est moi qui me trompe… Moi j’affirme que c’est lui !
L'eon Drapier appuya sur un timbre, l’huissier se pr'esenta.
— Je ne recevrai personne ce matin, d'eclara-t-il, renvoyez tout le monde !
Puis il ajoutait :
— Faites venir imm'ediatement le tr'esorier, dites que je l’attends dans mon bureau !
Tandis que les solliciteurs, qui 'etaient venus dans l’espoir d’^etre recus par M. le directeur de la Monnaie, se retiraient maussades, indiff'erents ou furieux selon l’importance qu’ils attachaient `a leur visite, un groupe de personnes se pr'esentait quai Conti `a la facade principale de l’h^otel des Monnaies.
La grande porte venait de s’ouvrir, car il 'etait dix heures du matin, et d`es lors le concierge de l’important immeuble faisait p'en'etrer tous ces gens dans une petite salle `a c^ot'e de sa loge.
`A voir ces gens, on d'eterminait ais'ement leur nationalit'e et leur profession. C’'etaient des touristes, pour la plupart des 'etrangers, des Anglais et des Allemands, qui, respectueusement fid`eles `a un programme arr^et'e d’avance par leur guide, s’'etaient r'eunis ce matin-l`a au quai Conti dans le but de visiter la Monnaie.
Le concierge s’approchait d’un des leurs, un personnage aux cheveux tr`es bruns, `a la moustache h'eriss'ee comme une moustache de chat.
— Salut, monsieur ! lui dit-il en lui tendant la main, voil`a longtemps qu’on ne vous avait pas vu !
Le personnage sourit, il serra cordialement les doigts du fonctionnaire.
— Que voulez-vous, monsieur le concierge ! il faut bien vivre de son m'etier ! Voici les autorisations du minist`ere pour que je puisse faire visiter `a ma client`ele les salles du mus'ee et les ateliers de la frappe.
Le concierge v'erifiait les documents que lui tendait le guide.
— C’est parfait ! d'eclara-t-il, vous allez pouvoir commencer !
Le guide, d`es lors, articulait d’une voix tonitruante, qui r'esonnait dans la salle vide de meubles :