Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— Mesdames et messieurs, vous ^etes ici `a l’h^otel des Monnaies, dont la construction remonte aux ann'ees les plus recul'ees. Autrefois, le droit de battre monnaie appartenait `a certains seigneurs, mais, depuis l’abolition du r'egime f'eodal, vous voyez que cela ne remonte pas `a hier, quelques villes de la France, qui 'etait alors gouvern'ee par un roi, b'en'eficiaient de ce privil`ege. Peu `a peu, les h^otels des Monnaies, dans les provinces, disparurent, et l`a frappe des pi`eces d’or, d’argent et de bronze, fut r'eserv'ee `a l’h^otel de Paris…
Le guide alors quittait la salle, s’avancait dans une cour int'erieure, qu’il faisait traverser par sa troupe de clients.
— Nous allons commencer maintenant la visite, d'eclarait-il, par la salle dite mus'ee des M'edailles. Celle-ci est ouverte au public sans autorisation pr'ealable, n’importe qui peut venir contempler les mod`eles qui ont 'et'e 'etablis pour comm'emorer certains 'ev'enements notoires de l’histoire de France… Nous d'eplorerons, mesdames et messieurs, avec le conservateur de l’'etablissement, que bon nombre de ces m'edailles aient 'et'e enlev'ees de ce mus'ee, transport'ees `a la Biblioth`eque nationale, o`u il est `a peu pr`es impossible aux amateurs de les examiner. Ceci fut fait lorsqu’on cr'ea la Biblioth`eque nationale. Elle 'etait alors une personnalit'e tr`es bien en cour, si je puis m’exprimer ainsi, et elle obtint de faire transporter chez elle les m'edailles qui n’auraient jamais d^u quitter l’h^otel des Monnaies !
En trois quarts d’heure environ, le guide fournissait `a ses clients toutes les explications n'ecessaires. Il leur montrait la plus grande m'edaille qui ait jamais 'et'e frapp'ee et apr`es celle qui est r'eput'ee pour ^etre la plus petite de toutes et qui, ^o ironie des choses, consacre la loi qui accorda la libert'e de la presse en France !
Les visiteurs allaient et venaient dans le paisible mus'ee de l’h^otel des Monnaies, sans se douter un seul instant des 'ev'enements qui se passaient dans ce m^eme h^otel et des pr'eoccupations qui hantaient ses hauts dirigeants.
Une dramatique discussion venait d’avoir lieu dans le cabinet de M. L'eon Drapier.
Apr`es les d'eclarations du comptable, le directeur de la Monnaie avait jug'e indispensable de faire venir le tr'esorier. Il avait confront'e les deux hommes, et il s’'etait rendu compte que tous deux 'etaient 'egalement de bonne foi, que chacun d’eux, en outre, avait pleinement raison.
L’encaisse indiscutable de la tr'esorerie 'etait inf'erieure de vingt mille francs `a l’encaisse accus'ee par les chiffres du contr^ole !…
L'eon Drapier 'etait an'eanti par ces constatations.
— On nous vole ! hurlait-il, allant et venant dans son cabinet, en proie `a une nervosit'e inexprimable, et il nous est impossible de savoir qui nous vole, comment surtout ces vols sont commis !
Il faisait venir alors le directeur des services de surveillance.
— Monsieur, ordonna L'eon Drapier, vous allez me faire le plaisir de doubler votre personnel de veilleurs de nuit !
— C’est d'ej`a fait depuis huit jours, monsieur le directeur !
— Ces hommes n’ont rien d'ecouvert, ne se sont apercus de rien !
L'eon Drapier r'efl'echissait une seconde, puis il invita le comptable et le tr'esorier `a se retirer.
Lorsqu’il fut seul avec le chef de surveillance, L'eon Drapier le regarda dans les yeux.
— Voyons, voyons ! fit-il, ca n’est pas possible ! Nous avons des fuites extraordinaires, formidables !
— H'elas ! monsieur le directeur, je le sais, mais qu’y faire ?
— Les emp^echer ! pincer les coupables !
— C’est facile `a dire !…
— Il faut y parvenir, monsieur ! Dussiez-vous mettre des pi`eges `a loup dans les escaliers, des cartouches de dynamite sous le couvercle des coffres, je ne veux pas, je ne veux pas, entendez-vous, que cela continue quarante-huit heures de suite !
Le chef de surveillance sugg'era :
— On pourrait peut-^etre aviser le service de la S^uret'e et demander des inspecteurs ?
L'eon Drapier haussa les 'epaules.
— Vous savez bien que nous l’avons d'ej`a fait ! Lorsqu’il y a des inspecteurs de la S^uret'e ici, certes, aucun vol ne se produit, mais sit^ot qu’ils ont le dos tourn'e, les vols recommencent ! Il importe donc de prot'eger autrement, car les agents de la S^uret'e sont certainement connus du voleur.
L'eon Drapier s’'etait approch'e de la fen^etre, qui donnait sur la troisi`eme cour int'erieure, celle par laquelle on allait du mus'ee aux ateliers de la frappe des monnaies.
Il regarda quelques instants, avec une certaine stup'efaction, un groupe de touristes qui traversait la cour et se dirigeait vers l’atelier de l’or.
— Que font ces gens-l`a ? demanda-t-il `a son subordonn'e.
Le chef de la surveillance s’approcha de la fen^etre.
— Mais, monsieur le directeur, d'eclara-t-il, ce sont les visiteurs. Il y en a comme ca tous les jours, nous donnons des autorisations assez r'eguli`erement pour qu’on puisse visiter.
L'eon Drapier se tourna tout d’une pi`ece vers le chef de la surveillance.
— Eh bien ! vous ne donnerez plus de ces autorisations `a partir de maintenant. Je d'ecide qu’on ne visitera plus la Monnaie jusqu’`a nouvel ordre, et, pour commencer, vous allez me faire expulser tous ces gens-l`a !
Quelques instants apr`es, le groupe des visiteurs, qui d'ej`a s’'etait introduit dans l’atelier de la frappe d’or, 'eprouvait une grosse d'esillusion…
Tandis que le guide, vraiment document'e, 'etait en train de leur expliquer avec le concours des ouvriers la facon ing'enieuse et pratique gr^ace `a laquelle on faisait les m'elanges des m'etaux pour obtenir la solidit'e n'ecessaire aux pi`eces d’or, un huissier de l’administration intervenait, coupait la parole `a l’orateur, puis lisait une d'eclaration rapidement 'ecrite sur papier `a en-t^ete aux termes de laquelle les visiteurs 'etaient pri'es de se retirer imm'ediatement.