Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— Les imb'eciles ! avait pens'e Juve.
Sans perdre de temps alors, et soupconnant qu’une 'evasion 'etait possible, Juve, au lieu d’entrer dans le cabaret, s’'etait rejet'e en arri`ere, voulant faire le tour de la maison.
Il avait perdu du temps `a traverser des cours, `a s’orienter. Quand il 'etait arriv'e sur la facade oppos'ee du Cochon-Gras, il avait trouv'e la fen^etre ouverte, avait compris que quelqu’un avait fui par l`a, s’'etait hiss'e jusqu’`a cette lucarne et, par elle, avait apercu les deux victimes 'etendues sur le sol…
Que s’'etait-il pass'e au juste, cependant ?
Juve ne le savait pas. Il avait vu que Mon-Gnasse et la Puce vomissaient le sang `a flots. Ils 'etaient ligot'es. Juve alors donnait l’alarme, envoyait chercher une voiture, puis s’occupait avec P'erouzin de transporter les bless'es.
Juve, d’ailleurs oubliait compl`etement `a cet instant qu’il s’agissait de mis'erables fort peu dignes d’int'er^et. Il bousculait m^eme Nalorgne et P'erouzin avec fureur :
— H^atez-vous donc ! hurlait-il. Vous voyez bien que ces gens-l`a r^alent !… Il faut les secourir ! C’est votre b^etise, que diable, qui vient de les faire assassiner !
Transport'es dans un fiacre, Mon-Gnasse et la Puce, 'evanouis et perdant toujours leur sang, ne donnaient gu`ere signe de vie. Juve prit lui-m^eme les guides en main. `A l’ahurissement du cocher, qui ne comprenait rien `a la facon de faire de ce client, il fouettait la rosse et la lancait au galop dans la direction de l’h^opital.
Par bonheur, le policier 'etait connu. Un interne accourait imm'ediatement.
— Grave, grave ! fit-il en hochant la t^ete. De terribles h'emorragies !
Et il demandait :
— Que s’est-il donc pass'e ? Une rixe ?
— Je ne sais pas, dit Juve.
L’interne, aid'e de deux infirmiers, d'eshabillait les bless'es.
— Ils doivent avoir des coups de couteau ou une balle dans les poumons pour vomir le sang de cette facon !
Mais aucune blessure n’apparut sur les deux corps d'eshabill'es.
— Sapristi ! d'eclara l’interne, qu’est-ce que cela signifie ?
De force, il ouvrit la bouche des deux victimes. Avec des tampons d’ouate, il 'etanchait le sang et soudain le jeune m'edecin poussait un cri d’horreur…
— Ah ! nom de Dieu ! c’est abominable !… On leur a coup'e la langue !
Et, tr`es p^ale, l’interne r'ep'etait cependant qu’il caut'erisait l’horrible blessure :
— Mais, bon Dieu ! qu’est-ce que tout cela signifie ? Qu’est-ce que cela signifie donc ?
Il interrogeait du regard Juve, Nalorgne et P'erouzin.
Les trois hommes se taisaient.
Nalorgne et P'erouzin n’y comprenaient rien du tout. Juve r'efl'echissait.
L’interne, `a la fin, d'eclara :
— Ils en r'echapperont peut-^etre, mais voil`a des gens muets pour toujours !
Alors, brusquement, Juve se tordit les mains.
Les derni`eres paroles de l’interne venaient de lui faire deviner la v'erit'e :
— Ah, c’est horrible ! soupira Juve. S^urement, il s’agit encore d’un crime de Fant^omas ! Il n’y a que Fant^omas pour avoir os'e r^ever cela ! Fant^omas, sans doute, se m'efiait de leurs bavardages ! Oui, c’est bien cela, il a voulu les rendre muets, muets pour toujours !… C’est une terrible lecon de discr'etion qu’il vient de donner `a des complices trop bavards !
Et Juve, `a ce moment, devinait en effet la v'erit'e…
XVI
Sous un monceau d’or
— Il n’est pas encore arriv'e ?
— Pas encore !
— Il est pourtant d'ej`a neuf heures un quart, et d’ordinaire le patron est fort exact !
— M. le directeur est, en effet, fort exact `a l’ordinaire, je ne comprends pas pourquoi il n’est point l`a ! Il y a une quinzaine de personnes qui l’attendent, et pour peu que ces gens aient bien des choses `a lui dire, nous risquons fort d’aller d'ejeuner `a une heure de l’apr`es-midi !
Le personnage qui s’exprimait ainsi 'etait un majestueux huissier, d'ecor'e de plusieurs ordres 'etrangers, dont le r^ole consistait `a d'efendre l’entr'ee du couloir attenant au cabinet de M. le directeur de la Monnaie.
Il 'echangeait ces propos et 'emettait ces craintes en pr'esence d’un employ'e du personnel, M. Valleret, qui arrivait avec un gros dossier sous le bras.
M. Valleret reprit :
— Dites donc, mon brave, vous allez vous arranger pour m’introduire aupr`es du patron avant tous ces visiteurs ! Vous savez, nous, les employ'es, nous n’avons gu`ere le temps d’attendre et j’ai une communication excessivement importante `a lui faire !
— Ah ! fit l’huissier d’un air sceptique, vous ^etes tous les m^emes ! Ce n’est pas que vous ^etes press'e de retourner `a votre travail, mais vous voulez en finir rapidement pour ^etre libre `a trois heures de l’apr`es-midi !
M. Valleret protestait :
— Moi ? pas du tout, pas du tout !… Et la meilleure preuve, c’est qu’hier `a sept heures et demie j’'etais encore au bureau. Avec toutes les histoires qui se produisent depuis quelque temps, nous sommes 'ecras'es de besogne et l’on fait des heures suppl'ementaires que l’on ne nous paie pas !
— Et vous croyez que l’on paie les n^otres ? interrompit l’huissier.
Tout en haussant les 'epaules, le personnage s’'eloignait pour aller recevoir un nouveau venu qui lui tendait sa carte en lui recommandant de bien vouloir la faire passer `a M. le directeur de la Monnaie.
L’huissier le toisa d'edaigneusement.
— M. le directeur vous recevra `a votre tour, s’il vous recoit.
— Et quel est mon tour ? demanda le nouveau venu.
— Mettons, fit l’huissier, qu’il y ait une vingtaine de personnes `a passer avant vous, et nous serons peut-^etre dans le vrai…