Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— C’est que, voil`a, commencait-il.
Puis, il se d'ecidait soudain et il parlait d’un ton ferme :
— Est-ce pas, on pourrait vous dire des choses, et vous en faire trouver beaucoup d’autres !… Seul’ment, la Puce et moi, rapporta c’qu’on est des honn^etes types, on conna^it pas les noms des bougres qui font les coups… Est-ce qu’on pourrait pas, d’hasard, nous m’ner au cabaret du Cochon-Gras ? Dame, c’est l`a qu’on vous en montrerait, des pantes !… l`a, que vous en feriez, un coup de filet !… Ca s’peut-il ?
— On verra ! fit Juve.
Le policier faisait un signe `a L'eon. 'Eberlu'es, Mon-Gnasse et la Puce, se demandant pourquoi l’on coupait court `a leur interrogatoire, furent emmen'es hors du cabinet du chef de la S^uret'e.
Ils 'etaient `a peine partis que Juve expliquait aux ministres :
— Ces gens-l`a avoueront, messieurs. Ils n’avoueront pas aujourd’hui, 'evidemment, car ils esp`erent encore pouvoir nous tromper, mais je devine qu’ils avoueront… Ils vont demander `a se promener dans la p`egre dans l’espoir de nous lasser. Quand ils verront qu’on ne les l^ache pas, ils se d'ecideront certainement `a entrer dans la voie des aveux. C’est bien votre avis, monsieur Havard ?
M. Havard 'etait au fond de son coeur tr`es vex'e de l’attitude qu’avait eue Juve, inconsciemment, car, emport'e par son intelligence, le roi des policiers avait agi tranquillement, sans trop s’occuper de son chef.
M. Havard riposta avec un peu d’aigreur :
— Si vous m’aviez laiss'e le temps de parler, Juve, j’aurais exactement dit cela `a ces messieurs !
`A ce moment, le policier sourit. Il sentait le reproche ; il voulut calmer la jalousie du chef de la S^uret'e.
— Fichtre ! murmura Juve tout haut… Et mon rendez-vous chez le juge d’instruction !
Rapidement, Juve prenait cong'e et partait. Il laissait le chef de la S^uret'e reconduire les ministres ; c’'etait une compensation que M. Havard appr'ecierait certainement…
XV
Une lecon de discr'etion
Juve s’avancait peut-^etre un peu ou encore ne confessait pas enti`erement sa pens'ee lorsqu’il se d'eclarait certain que Mon-Gnasse et la Puce, d’ici peu de temps, se d'ecideraient `a reconna^itre qu’ils n’'etaient point aussi innocents qu’ils voulaient bien le dire et se r'esoudraient `a apprendre quelle 'etait la provenance exacte des pi`eces d’or saisies sur eux.
Juve partait, pour raisonner ainsi, d’un point de d'epart discutable.
Il n’avait point vari'e d’opinion, il estimait de plus en plus que le directeur de la Monnaie, autour duquel les soupcons semblaient se resserrer, 'etait un malheureux innocent, victime d’un ensemble de circonstances ou, ce qui 'etait pis encore, victime des plans t'en'ebreux de quelque crapule acharn'ee `a sa perte.
— L’histoire des faux certificats est louche, pensait-il. L’histoire du valet de chambre assassin'e est plus louche encore… Enfin, le double attentat commis contre Paulette de Valmondois est si louche lui-m^eme que cela d'epasse les bornes permises.
Et Juve finissait par d'eclarer :
— On n’est pas b^ete `a ce point-l`a ! Si L'eon Drapier 'etait le coupable, il n’aurait pas accumul'e autant de maladresses certaines, autant d’indices constituant des charges terribles contre lui !
Juve n’avait pas 'et'e trop surpris d’apprendre, quelque temps auparavant, qu’aux charges qui pesaient d'ej`a contre L'eon Drapier de nouvelles charges s’'etaient encore ajout'ees. L’histoire des louis d’or antidat'es, de ces louis d’or qui auraient d^u, plus d’un an encore, dormir dans les caves de la Monnaie et qui, cependant, se trouvaient en circulation, l’'etonnait `a peine.
— Diable de diable ! pestait alors Juve. Tout s’encha^ine, tout s’accumule, tout semble s’ajouter pour arriver `a charger ce L'eon Drapier !… Ce n’'etait pas assez de deux crimes, voil`a maintenant qu’il s’agit d’affaires peu propres, concernant ses fonctions de directeur de la Monnaie ! Allons, `a force de s’embrouiller, cette histoire-l`a finira par s’'eclaircir !
Et Juve, qui pestait en r'ealit'e de n’avoir pu s’embarquer pour aller au Chili chercher H'el`ene, commencait `a se prendre malgr'e lui d’int'er^et pour une enqu^ete qui chaque jour devenait plus difficile, qui paraissait m^eme devoir ^etre d'esormais complexe et myst'erieuse au possible.
— On verra ! On verra ! se disait Juve.
Et c’'etait fort de cet optimisme, persuad'e que la lumi`ere se ferait, que Juve venait de se montrer si affirmatif devant le ministre en d'eclarant que Mon-Gnasse et la Puce avoueraient `a bref d'elai.
— Avant tout, songeait-il, il faut gagner du temps. Que diable ! Ce n’est pas L'eon Drapier qui livre des louis d’or antidat'es `a ces deux apaches !… C’est un autre individu. Qui, par exemple ? Je n’en sais rien, mais j’arriverai `a le trouver !
Juve, ayant quitt'e la pr'efecture, se rendait en h^ate au Palais de Justice o`u il gagnait les couloirs d’instruction, voulant assister `a l’enqu^ete qu’un magistrat continuait `a mener relativement aux affaires criminelles dans lesquelles s’'etait trouv'e compromis le nom de L'eon Drapier.
Juve arriva en retard, mais il n’eut pas `a le regretter.
Comme le greffier lui passait en effet, sur un signe du juge, les feuillets qu’il venait de noircir et sur lesquels 'etaient consign'ees les questions du magistrat et les r'eponses qu’avaient faites les diff'erents t'emoins entendus, Juve arrivait tr`es vite `a se faire une conviction. Cette conviction se r'esumait en ceci :
— L’enqu^ete patauge, estimait Juve. Elle patauge terriblement. On ne trouve rien, on ne d'ecouvre pas davantage, et ce serait la bouteille `a l’encre si le hasard ne fournissait pas un bouc 'emissaire dans la personne de L'eon Drapier !
Celui-ci 'etait encore l`a, r'epondait encore aux questions plus ou moins insinuantes que le juge d’instruction lui posait avec brusquerie, essayant de l’amener `a se couper.
L'eon Drapier, naturellement, se d'efendait avec d'esespoir. Il trouvait des r'eponses `a tout. Peut-^etre d’ailleurs perdait-il un peu la t^ete, car il voulait expliquer l’inexplicable et, lorsque par hasard il restait court, il r'ep'etait docilement ce que lui soufflait le policier Mix, peut-^etre mieux intentionn'e qu’habilement inspir'e.