Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— Tout au contraire, elle devint plut^ot obscure, car L'eon Drapier jura ses grands dieux qu’aucune pi`ece d’or n’avait pu sortir de la Monnaie `a la frappe nouvelle, pour la bonne raison que les flancs n’avaient pas encore 'et'e essay'es.
Le ministre de l’int'erieur, `a ce moment, baissait un peu le ton, il ajoutait :
— Naturellement, les questions pos'ees `a L'eon Drapier n’ont pas eu le caract`ere d’un interrogatoire. Nous avons parl'e discr`etement et tout simplement sur le ton d’une conversation amicale.
Puis, se tournant vers le ministre de la Justice, le pr'esident du conseil continuait :
— Mon coll`egue, toutefois, est en ce moment saisi, vous ne l’ignorez pas, monsieur Havard, et vous non plus, Juve, d’une double affaire d’assassinat assez bizarre : assassinat d’un valet de chambre, tentative d’assassinat et assassinat d’une demi-mondaine, dans laquelle se trouve impliqu'e, je ne veux pas dire compromis, pr'ecis'ement M. L'eon Drapier. Tout cela fait un ensemble extraordinaire, occasionne une confusion 'equivoque, il faut en sortir !
La facon dont le ministre disait qu’il fallait en sortir 'etait vraiment significative. Il y avait de l’exasp'eration dans sa mani`ere de parler. Il y avait aussi de l’ent^etement. Sa main avait eu un geste net et cat'egorique, balayant l’air, comme s’il e^ut voulu mieux marquer l’intention o`u il 'etait de faire table rase des 'ev'enements surprenants.
— C’est `a ce moment, continuait-il enfin, que je vous ai fait prier, monsieur Havard, d’organiser une filature discr`ete et de t^acher de savoir de facon exacte qui 'emettait et comment on 'emettait ces louis de vingt francs qui sont, si j’ose m’exprimer ainsi, des louis antidat'es.
Le ministre se taisait, regardant d’un rapide coup d’oeil ses coll`egues pour s’assurer qu’ils avaient bien suivi ses explications et qu’ils 'etaient au fait, maintenant, de la difficult'e nouvelle.
— Monsieur Havard, d'eclarait-il, je vous laisse la parole. Vous m’avez pr'evenu hier que vous aviez du nouveau, j’attends vos d'eclarations.
— Monsieur le ministre, je suis `a vos ordres et je vais contenter votre curiosit'e.
M. Havard sonnait, Cuche apparut.
— Faites entrer l’inspecteur L'eon !
Cuche disparut, l’inspecteur L'eon entrait quelques minutes apr`es.
L'eon n’avait pas chang'e. C’'etait toujours l’habile et diligent inspecteur, c’'etait toujours le sous-ordre pr'ef'er'e de Juve, qui appr'eciait de plus en plus son d'evouement, sa fid'elit'e, son intelligence aussi.
Il y eut une rapide pr'esentation, puis M. Havard demanda :
— MM. les ministres vous 'ecoutent, L'eon, racontez-nous votre enqu^ete d’hier.
Juve, `a ce moment, tapotait d’un air distrait le coin du bureau de M. Havard, auquel il s’'etait accoud'e. Le policier ne paraissait pas pr^eter tr`es grande attention aux paroles que l’on prononcait devant lui. Son attitude indiff'erente, toutefois, 'etait peut-^etre plus voulue que r'eelle, car Juve, en r'ealit'e, n’avait pu s’emp^echer de tressaillir en 'ecoutant les d'eclarations du ministre, en entendant prononcer le nom de L'eon Drapier.
Juve pr^etait donc une attention soutenue aux paroles de L'eon.
Celui-ci, fort simple, comme `a son ordinaire, exposait bri`evement ses recherches `a la facon dont il e^ut fait un rapport quelconque en t^ete-`a-t^ete avec M. Havard.
— Voici ce que je sais, messieurs, disait-il. J’avais un ordre de service m’enjoignant de d'ecouvrir les individus 'emettant des louis d’or antidat'es. On m’avait donn'e le mod`ele d’un de ces louis d’or. L’ordre 'etait vieux de trois jours ; hier au soir je commencais `a me d'esesp'erer et `a me demander si j’arriverais `a un r'esultat, lorsque, en compagnie de mon ami, l’inspecteur Michel, j’eus une tr`es agr'eable surprise…
Une quinte de toux coupait la parole `a L'eon, qui 'etait horriblement gripp'e. Un peu calm'e, il reprenait :
— Nous nous promenions, Michel et moi, `a la f^ete foraine qui se tient sur les boulevards ext'erieurs `a la hauteur de la rue de Flandre. Nous 'etions venus l`a avec l’id'ee que, les faux monnayeurs cherchant tous les endroits possibles pour 'ecouler leur marchandise, il 'etait apr`es tout admissible qu’ils viennent faire un peu la bombe au cours de la soir'ee… Dans la p`egre, quand on a de l’argent, on s’amuse, quand on s’amuse, on fait des imprudences ! Le tout, c’est de deviner les imprudences !
— Tr`es bien ! ponctua Juve comme malgr'e lui.
— Nous nous promenions donc sur le boulevard, lorsque tout `a coup je heurtai au passage un couple qui n’'etait autre qu’un couple d’apaches fort connu de moi pour ^etre susceptible de tous les mauvais coups. Je n’aurais cependant rien eu `a dire, car je n’avais aucun mandat `a l’endroit de ces individus, lorsque, les ayant heurt'es, j’ai eu la surprise d’entendre un tintement extraordinaire dans leurs poches. On e^ut dit que ces gens-l`a 'etaient remplis de monnaie. Cela attira mon attention.
— Tr`es bien ! dit encore Juve.
L'eon continua :
— Michel, imm'ediatement, me proposa une filature. Cela ne devait pas ^etre difficile, d’ailleurs. La femme 'etait grise, l’homme paraissait un peu gai. Nous leur embo^it^ames le pas.
— Et alors ? questionna malgr'e lui le ministre de l’int'erieur, tout comme s’il n’avait pu r'esister `a l’int'er^et de ce roman v'ecu que racontait l’inspecteur, et alors ?
— Oh, c’est bien simple ! termina L'eon. Nous v^imes les individus entrer dans trois ou quatre baraques. Partout ils payaient avec des louis d’or, et pr'ecis'ement avec des louis d’or semblables `a ceux dont l’'emission 'etait suspecte. Il n’y avait pas `a h'esiter, nous avons arr^et'e les coupables.