L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Figurez-vous, mon cher monsieur, que la place dont nous disposons ici, `a Morlaix, est en r'ealit'e fort restreinte. Bien entendu, nous avons des salles communes et des cellules. Or, il 'etait impossible, n’est-ce pas, de mettre la prisonni`ere dans une salle commune, puisque les r`eglements interdisent de d'etenir en « commun » des hommes et des femmes. Restaient les cellules… Eh bien, les cellules, au nombre de quatre, sont en ce moment toutes occup'ees par des inculp'es d'etenus pr'eventivement et maintenus au secret par ordonnance de notre juge d’instruction. D`es lors, o`u conserver la prisonni`ere ? Vous devinez, mon cher monsieur, que nous avons 'et'e oblig'es de la diriger sur Brest, o`u il y a une prison de femmes.
— Mais l’instruction, comment se fera-t-elle ?
— Oh, l’instruction, l’instruction il est bien 'evident qu’elle sera fort contrari'ee par cette captivit'e au loin. J’imagine qu’on attendra, au Parquet, pour s’occuper de cette jeune fille, que les prisonniers actuellement en cellule, ici, `a Morlaix, aient 'et'e remis dans les locaux communs. Alors, on pourra faire revenir de Brest cette boh'emienne et l’affaire suivra son cours.
Fandor n’en demandait pas plus.
Il se dirigea vers la gare o`u, quelques minutes plus tard, il prenait un billet `a destination de Brest.
***
— Eh ! la prisonni`ere 22. Voyons, l’inculp'ee, o`u ^etes-vous ?
Dans le grand dortoir, une gardienne venait d’appara^itre, qui s’impatientait visiblement :
— Num'ero 22 ? est-ce qu’il va falloir vous prendre par la main ?
— Que voulez-vous ? demanda une jeune fille `a la d'emarche hautaine.
— Je viens vous avertir que vous serez lib'er'ee prochainement.
— Comment cela ?
La fille de Fant^omas – car c’'etait elle – avait fr'emi en s’entendant annoncer une prochaine mise en libert'e.
— Comment va-t-on me mettre en libert'e, je n’ai pas encore 'et'e interrog'ee ?
La gardienne haussa les 'epaules.
— Moi, dit-elle, je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il est arriv'e des pi`eces au greffe de la prison, et que j’ai vu que l’on pr'eparait votre transfert de la salle commune. Si on vous retire d’ici, ca n’est pas pour vous mettre en cellule, 'etant donn'e que vous n’avez rien de grave sur la conscience. Donc, c’est que vous ^etes renvoy'ee des fins de la plainte. Je vous en pr'eviens, parce que je pense que si vous avez quelques sous `a votre sortie, vous n’oublierez pas que c’est moi qui ai pris soin de vous pendant votre s'ejour ici.
— C’est entendu, r'epondit H'el`ene, je vous remercie de me pr'evenir et si vous pouvez h^ater les formalit'es de lev'ee d’'ecrou, je vous en serais tr`es reconnaissante.
La gardienne s’'eloigna.
H'el`ene songeait `a ce moment `a l’extraordinaire facilit'e avec laquelle on signait sa mise en libert'e.
Elle n’'etait pas 'eloign'ee m^eme de penser que, peut-^etre, elle devrait sa rapide sortie de prison `a un effet de la volont'e de Fant^omas.
— Mon Dieu, pensait-elle, pourvu qu’en quittant cet horrible endroit, je ne tombe pas entre les mains de mon p`ere ?
Mais plus elle r'efl'echissait et moins il apparaissait vraisemblable `a son imagination surexcit'ee que ce f^ut gr^ace `a Fant^omas qu’elle allait recouvrer la libert'e.
— Si ce n’est point mon p`ere, se disait-elle, qui donc, si vite, a pu obtenir ma gr^ace ? Ne serait-ce pas Fandor ?
La jeune fille en 'etait l`a de ses r'eflexions, lorsque le surveillant-chef fit son entr'ee.
— Num'ero 22, venez ici, num'ero 22, cria-t-il.
— Est-ce pour ma mise en libert'e ? demanda H'el`ene.
— Ah bien, vous en avez de bonnes, vous ? votre mise en libert'e. C’est pas pour vous conduire `a la rue que je viens vous prendre, c’est pour vous mener en cellule.
— En cellule, mon Dieu, pourquoi donc ?
— Para^it que vous ^etes inculp'ee dans l’affaire du naufrage du cuirass'e russe. Vous avez 'et'e mal inspir'ee, tout de m^eme, de vous faire choper `a Morlaix. Sans votre maladresse, jamais on ne vous aurait mis la main dessus.
H'el`ene ne r'epondit rien. Car il n’y avait rien `a dire au garde-chiourme.
En suivant le surveillant, H'el`ene croyait vivre un abominable cauchemar.
Deux jours plus tard, comme la fille de Fant^omas commencait `a d'ejeuner, c’est-`a-dire entamait la miche de pain rassis offerte par l’administration p'enitentiaire, elle ne fut pas peu surprise de trouver, enfoui dans la mie de son pain, un tout petit billet 'ecrit sur du papier `a cigarette, roul'e en boule, et sur lequel se lisaient ces mots :
« Plaignez-vous d’une rage de dents… »
H'el`ene r'efl'echissait encore `a cette myst'erieuse intervention quand un gardien, par le judas trouant l’'epaisse porte de sa cellule, effectuant la ronde ordinaire, demanda :
— Rien `a noter au rapport ?
— Si, dit H'el`ene, inscrivez-moi pour la visite m'edicale. J’ai une terrible rage de dents.
Le sort en 'etait jet'e. Qu’allait-il se passer ?
Il devait ^etre `a peu pr`es six heures du soir, lorsque enfin un gardien s’arr^eta `a la porte de la cellule occup'ee par la fille de Fant^omas.
Les verrous grinc`erent, la porte imposante et massive finit par s’ouvrir.
— Venez dit le gardien. C’est pour le dentiste, num'ero 22 ? Ah, sacr'e Dieu, je vous plains, les rages de dents, ca fait bougrement souffrir, je sais ce que c’est. Il y a un an, j’avais comme ca une grosse molaire.
***
Par raison d’'economie budg'etaire, la prison de Brest poss'edait une infirmerie aussi mal organis'ee que possible.
Les malades, hommes ou femmes, 'etaient entass'es dans des salles 'etroites et petites, mal a'er'ees, o`u l’on respirait un air vici'e.