La gu?pe rouge (Красная оса)
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— J’irai voir cela, affirma Fant^omas.
Mais, `a ces simples mots, Me Faramont perdit tout `a coup son enthousiasme :
— Vous irez voir mon tableau ? disait-il enfin. Mais voyons, vous ne parlez pas s'erieusement… l’exposition de Bagatelle sera ouverte dans moins de quinze jours, par cons'equent…
— Eh bien, je m’arrangerai pour ^etre libre dans quinze jours.
— Vous n’^etes donc pas Fant^omas ?
— Pardon, je suis Fant^omas.
— Alors, vous ne pouvez pas esp'erer ^etre libre ?
— Si.
— Vous n’^etes pas Fant^omas ?
— Je vous prouverai le contraire.
— En tout cas, remarqua-t-il, je vous tiens pour un amateur tr`es 'eclair'e.
— Vous ^etes trop gracieux. Je ne suis rien aupr`es de vous. Mais j’ai eu grand plaisir `a causer d’art avec vous ; d`es que je serai libre, mon cher ma^itre, je vous demanderai d’aller visiter vos collections.
Or Fant^omas avait beau parler avec une parfaite bonne gr^ace, couvrir d’'eloges Me Faramont, celui-ci, en d'epit du plaisir qu’'eprouve toujours un collectionneur `a faire admirer `a un connaisseur les tr'esors de sa collection, se souciait fort peu 'evidemment d’inviter son 'enigmatique interlocuteur chez lui.
Il allait donc chercher une phrase 'equivoque, t^acher une fois encore de d'etourner la conversation et de forcer Fant^omas `a parler de son proc`es lorsqu’un coup discret fut frapp'e `a la porte de la cellule. Un bruit de verrous retentit alors, un gardien apparut :
— Ma^itre, disait le porte-cl'es, s’adressant au b^atonnier, voici l’heure de la promenade. D'esirez-vous demeurer plus longtemps avec votre client ou dois-je le conduire au pr'eau ?
L’intervention 'etait opportune. Me Faramont se leva pr'ecipitamment.
— L’hygi`ene avant tout, d'eclara-t-il. Je ne voudrais pas vous priver d’une promenade.
— Mais j’aurai grand plaisir `a demeurer encore quelques instants avec vous.
— Non, non, je reviendrai.
— Vous me le promettez ?
— Certes.
En v'erit'e, les deux hommes se quittaient comme se fussent quitt'es deux amis.
Cependant, tandis que Me Faramont, absolument abasourdi par la facon dont l’avait recu son extraordinaire client, s’'eloignait le long des couloirs de la Sant'e, guid'e par un porte-cl'es, un autre gardien poussait Fant^omas vers les pr'eaux o`u les prisonniers, maintenus en d'etention provisoire, pouvaient se promener par groupes de dix un quart d’heure chaque apr`es-midi.
— Allons, d'ep^eche-toi, ordonnait le gardien et ne fais pas l’imb'ecile comme hier. Tache de profiter du quart d’heure de libert'e que tu as pour te d'egourdir les jambes.
La veille, en effet, Fant^omas avait refus'e de sortir, pr'etextant qu’il 'etait fatigu'e. Ce jour-l`a, au contraire, il ne devait faire aucune difficult'e.
`A peine Fant^omas, en effet, 'etait-il arriv'e dans les pr'eaux r'eserv'es `a la promenade des prisonniers, qu’il commenca sa promenade circulaire, marchant `a grands pas et semblant tr`es attentivement regarder les autres d'etenus qui, comme lui, marchaient silencieusement.
Or, Fant^omas n’avait pas travers'e dans toute sa largeur le pr'eau que, soudain, un sourire s’esquissait sur ses l`evres. Il s’approcha sans affectation d’un homme qui portait le costume des d'etenus.
Tr`es bas, sans que personne, m^eme parmi ses voisins imm'ediats, e^ut pu entendre ses paroles, Fant^omas interrogea cet homme.
— C’est toi, le Gr'eviste ?
— C’est moi, patron.
— Bien. As-tu fait ce que l’on t’a command'e ?
— Naturliche, patron. Mais je commencais `a trouver le temps long.
— Pourquoi ?
— Vous m’'etiez annonc'e depuis quinze jours.
— Je n’ai pas pu venir plus t^ot.
`A ce moment, ils arrivaient tous deux `a l’extr'emit'e de la cour, et force leur 'etait de passer tout pr`es de l’un des, gardiens qui stationnait le long de la muraille, revolver au poing, surveillant la promenade des condamn'es, pr^et `a r'eprimer la moindre tentative de r'evolte. Ils se turent, puis, ayant d'epass'e l’homme, Fant^omas et son myst'erieux interlocuteur recommenc`erent `a s’entretenir :
— Je n’ai pas pu venir plus t^ot, continuait Fant^omas, et pr'ecis'ement j’'etais ennuy'e en songeant que tu m’attendais. Mais me voici. Tu t’es fait arr^eter sans peine ?
— Oui, patron. Sans peine aucune.
— Pour quel motif ?
— Injures aux flics.
— Tr`es bien. Cela n’est pas trop grave. T’as ramass'e combien ?
— Six mois.
— Tr`es bien encore. Dans quel atelier es-tu ?
Mais celui que Fant^omas avait appel'e le Gr'eviste parce qu’il 'etait ainsi surnomm'e dans le monde de la p`egre en raison de l’ardeur avec laquelle il d'efendait toujours les gr`eves de tous les m'etiers possibles, et cela sans avoir jamais lui-m^eme bien r'eguli`erement travaill'e, ne r'epondit point.
D’un imperceptible froncement de sourcil, il venait de renseigner Fant^omas, l’invitant au silence. Il n’y avait pourtant pr`es d’eux que d’autres condamn'es, d’autres d'etenus du moins.
Fant^omas cependant ne se trompait point `a la recommandation qui lui 'etait faite. Il demeura silencieux et, ce n’est qu’au bout de quelques minutes, qu’il reprit la parole.
— Il y avait un mouchard, le Gr'eviste ?
— Pis que cela, patron, un mouton [7].
— Montre-le-moi.
— Celui qui tourne l`a-bas, pr`es de la fontaine.
— Bien, merci, je m’en m'efierai.
Fant^omas avait fronc'e les sourcils, il se reprit `a sourire :
— Je te demandais `a quel atelier tu 'etais ?
— Au cent treize.
— Je croyais que les d'etenus de ton esp`ece n’'etaient pas occup'es ?
— On a fait une exception pour moi, patron. Je me suis bien conduit et j’ai obtenu cette faveur sous le pr'etexte que je voulais grossir ma masse [8].
— Tr`es bien encore, approuva Fant^omas. Tu n’as pas oubli'e les recommandations que je t’ai donn'ees ?